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GOUVERNEMENT ECCLESIASTIQUE

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disp. 111, a. 7, § 1, n. 519 sq., p. 414 sq. ; Pesch, De Christi Ecclesia, part. ii, sect. il, prop. 38, schol. ii, n. 357, Prælectiones theologieæ, t. i, p. 220-225 ; WilîiKis, De Christi Ecclesia, 1. II, c. viii, n. 135, p. 239242 ; Palmieri, De romano pontijlce, part. II, a. 1, thés, xviii, p. 438 sq.

Au xixe siècle, ces théories furent encore soutenues en Allemagne, à l’occasion du concile du Vatican. Les évêques, disait Dôllinger, Allgemeine Zeitung, Il mars 1870, ne sont que les représentants du peuple chrétien, ses députés, ses chargés d’affaire, ayant la mission de déclarer, en son nom, ce que le peuple chrétien croit, en matières religieuses, comme l’ayant reçu de la tradition. Simples mandataires, ils ne peuvent outrepasser leurs pouvoirs sans s’exposer à être blâmés par ceux qui les ont élus et rejetés par eux. Cf. Lichtenlierger, Encyclopédie des sciences religieuses, t. it. p. 725 sq.

5° Erreur de ceux qui voudraient faire du gouvernement ecclésiastique un régime monarchique sous l’autorité suprême d’un prince séculier. — C’est par l’attestation publique de cette suprématie royale, ctiam in spirilualibus, que débuta le schisme anglican. Henri VIII, n’ayant pu obtenir du souverain pontife l’annulation de son mariage avec Catherine d’Aragon, résolut de se passer du pape. Il fit donc déclarer, d’abord, par l’assemblée du clergé à Cantorbéry et par les universités anglaises, en 1534, qu’on ne trouvait pas de preuves, dans l’Écriture sainte, que le pape eût reçu de Dieu sur le royaume d’Angleterre plus d’autorité et de juridiction que n’en possèdent les autres évêques. Il lit déclarer ensuite aux mêmes prélats courtisans que le roi est, après le Christ, le seul chef de l’Église dans son royaume. Étant le chef de la nation au temporel, il doit l’être et il l’est au spirituel aussi ; et, de même qu’il a le pouvoir d’établir des officiers civils pour l’administration de ses États, il a aussi le droit d’instituer des ecclésiastiques et des dignitaires de divers rangs pour administrer l’Église, prêcher la parole sainte et conférer les sacrements aux fidèles. Les évêques eurent la complaisance coupable de reconnaître formellement que toute leur autorité spirituelle leur venait du roi, et dépendait absolument de sa volonté. Ceci convenu, le roi se nomma un vicaire général, et, soit par lui-même, soit par cet auxiliaire, adressa fréquemment des instructions aux prêtres pour leur désigner quels sujets ils devaient traiter en chaire, ou quelles catégories de personnes ils pouvaient admettre à la communion. Ainsi ne pouvaient prêcher dans les églises que ceux qui en recevaient le mandat ou l’autorisation du pouvoir civil. La chaire ne devenait plus autre chose que l’organe de transmission des volontés gouvernementales. Sous le règne d’Edouard VI, roi-enfant, sucesseur d’Henri VIII, prêcher sur des sujets non autorisés, comme, par exemple, la messe, les images, le carême, etc., c’était s’exposer à la prison. Ce fantôme de roi envoya des commissaires pour procéder, en son nom, à la visite canonique des églises et des sacristies, s’assurer que ses ordres étaient exécutés, et que l’on prêchait réellement suivant ses volontés enfantines. Les dogmes à croire, la morale à pratiquer, les cérémonies liturgiques, les formulaires de prières, tout était réglé sans appel par le roi, ou le parlement. Un livre d’homélies fut même publié par l’autorité royale, pour suppléer à l’insuffisance des prédicateurs.

Voilà à quel degré de servilisme et d’abaissement peut en venir un clergé qui consent à se séparer du vicaire de Jésus-Christ. Il peut même descendre plus bas. Ce n’était pas assez pour le schisme d’avoir un pape civil, il eut bientôt une papesse, la reine Elisabeth, fille adultérine d’Henri VIII et d’Anne de Boleyn. Consciente de sa supériorité, et prétendant à l’infaillibilité doctrinale, elle persécuta cruellement, durant

tout son règne, les catholiques qui refusaient de prêter le serinent de suprématie spirituelle à sa personne. Cf. The calholic cncyclopedia, au mot Anglicanism, t. i. p. 499 sq. ; Lichtenberger, Encyclopédie des sciences religieuses, au mot Angleterre, t. i, p. 318 sq.

Le protestantisme, en général, s’est également soumis presque partout à la suprématie civile. C’est là, d’ailleurs, comme une loi de l’histoire, ou plutôt comme une réponse de la providence à ceux qui veulent secouer le joug, si paternel pourtant, du père commun des fidèles. La Russie a imité l’Angleterre, dans la constitution d’un gouvernement ecclésiastique national sous la suprématie impériale. Cf. Lichtenberger, op. cit., au mot Églises protestantes, t. IV, p. 342 sq. ; The catholic cncyclopedia, au mot Orthodox Church oj R ussia, t. xiii, p. 261 sq. L’Autriche fut longtemps menacée d’un malheur semblable, à la suite des infiltrations dans son sein des doctrines de Fébronius, dont la divulgation était puissamment secondée par l’orgueilleuse ambition de Joseph II et sa prétention de supplanter le pape dans les États soumis à sa couronne impériale. Voir Fébronius, t. v, col. 2020. Ce danger ne fut pas complètement évité.

Au conciliabule de Bàle, plusieurs voix s’étaient élevées déjà pour conseiller de recourir aux princes séculiers, afin de s’affranchir plus sûrement du pape ; mais le conciliabule se contenta d’être révolutionnaire, et de prononcer la suspense contre le pape Eugène IV.

III. Doctrine catholique.

1° Le gouvernement ecclésiastique institué par le Christ n’est pas une démocratie. — Il n’est démocratie, ni aclu, ni radicalilcr. Qu’il ne le soit pas aclu, c’est-à-dire que, de fait, la multitude ne gouverne pas, c’est évident ; tous reconnaissent que la chose est impossible et absurde. Un gouvernement-multitude ne serait que l’anarchie, la confusion, le désordre et la ruine. Il est facile de démontrer aussi que, dans l’Église, le gouvernement n’est pas une démocratie radicalilcr, en ce sens que la puissance suprême vienne du peuple, auquel elle aurait été conférée par Dieu, de façon que le peuple lui-même choisisse le ministre qui doit l’exercer.

Ceux qui ont enseigné cette erreur, comme Richer et autres, ont confondu le sujet en qui l’autorité réside, et celui pour le bien duquel l’autorité a été constituée. La puissance sociale qui est conférée à certains individus ne l’est pas pour leur avantage personnel, il est vrai, mais pour celui de la communauté. Si donc l’on demande en faveur de qui la puissance ecclésiastique a été constituée, il faut répondre évidemment qu’elle l’a été en faveur de tous les fidèles, c’est-à-dire de l’Église et de la communauté. Le grand apôtre le disait d’une manière formelle : Omnia veslra sunl, sive Paulus, sive Apollo, sive Cephas…, vos autem Christi. Christus autem Dei. I Cor., ni, 22, 23. Mais ceci est vrai de toute forme gouvernementale, qu’elle soit démocratique, aristocratique ou monarchique. Le monarque, en effet, est un pasteur, un guide, un pilote, un père.

Néanmoins, affirmer que la puissance sociale est en faveur de la multitude, et prétendre que cette multitude est le sujet en qui réside radicalement celle puissance, sont deux propositions absolument différentes. La fin n’est pas le sujet. La fin de la lumière solaire, par exemple, est de permettre à l’œil de voir les objets extérieurs ; il ne s’ensuit pas évidemment que l’oeil soit la source même de la lumière solaire. Le fait que la puissance sociale est en faveur Ce la communauté ne prouve donc pas que cette communauté soit le sujet radical de cette puissance, et que, la possédant en elle-même, elle ait la faculté de la transmettre à qui bon lui semble ; ce fait ne prouve qu’une chose : c’est que la communauté a droit à ce que cette puissance soit exercée pour son utilité propre, par une sage administration. Or ce but si désirable peut être atteint,