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GOUVERNEMENT ECCLÉSIASTIQUE

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titre pour lui-même, quoiqu’il y eût droit, et ne consentit à porter que celui de serviteur des serviteurs de Dieu, titre qu’il légua à ses sucesseurs sur la chaire de saint Pierre. Cf. Mansi, t. ix, col. 1210, 1214, 1217 ; Ilardouin, t. vi, col. 932 ; Palmieri, De romano ponlifice, part. II, c. i, a. 1, thés, xix, p. 446-453.

Les évêques de Constantinople n’en continuèrent pas moins à garder le titre prétentieux de patriarche œcuménique. Puis, ils en vinrent à cet excès d’aberration de considérer Févêque de cette ville, non seulement comme l’égal du pape, mais comme son supérieur, ou plutôt le seul pape, lorsque, Constantinople continuant à être la résidence impériale, l’ancienne Rome fut tombée aux mains des barbares, ou de ceux que les grecs persistèrent à appeler dédaigneusement de ce nom. Ils en voulaient à ce monde barbare qui, en s’arrachant à la domination des empereurs, reconnut, dès qu’il se fit catholique, la primauté des successeurs de saint Pierre. Les conséquences de cet état d’esprit furent une série de schismes temporaires, qui, en dernière analyse, aboutirent au schisme définitif, consommé dans le milieu du xie siècle.

2° Erreurs de ceux qui voudraient faire du gouvernement ecclésiastique une monarchie tempérée d’aristocratie.

— On voit ce sentiment paraître au grand jour, pour la première fois, à la fin du xe siècle, en quelques cas isolés, cependant, et qui n’eurent pas de suites immédiates. Ce furent, par exemple, en 991, les pages véhémentes d’Arnould, évoque d’Orléans, contre ce qu’il appelait les prétentions pontificales. Cf. P. L., t. cxxxix, col. 287-338. Gerbert, le futur Sylvestre II, partagea aussi, quelque temps, ces idées. Cf. P. L., t. cxxxix, col. 289. Mais, pendant les trois siècles subséquents, tous les auteurs, théologiens ou canonistes, reconnaissent encore, sans la moindre restriction, la forme pleinement monarchique du gouvernement ecclésiastique.

Au commencement du xiv c siècle seulement reparut l’opinion que cette monarchie doit être, en vertu même de son institution, tempérée par l’aristocratie épiscopale. Ces doctrines erronées sont clairement et longuement exposées dans le principal ouvrage de Guillaume Durand le Jeune, évêque de Mende, qu’il ne faut pas confondre avec son oncle paternel, Guillaume Durand l’Ancien, qui le précéda sur le siège épiscopal de cette ville. Celui-ci, mort en 1296, avait professé ouvertement, comme les grands théologiens de son époque, entre autres saint Thomas et saint Bonaventure, la thèse catholique de la monarchie pontificale. Dans son célèbre Ralionale divinorum ofjiciorum, 1. II, De personis, c. i, n. 17, il avait dit : Sicut oslium cardine regiiur, sic illias (papœ) auctoritale omnes Ecclesise regunlur… Papa, id est, paler palrum… caput est omnium ponti/icum. a quo illi lanquam a capile membra descendant, et de cujus pleniludine omnes accipiunt, quos vocal in parlem solliciludinis, non in plenitudincm potestatis. Son neveu écrivit, en 1307, comme préparation au concile œcuménique de Vienne le Traciatus de modo concilii generalis celebrandi, et corruptelis in Ecclesia reformandis. Il ne se contente pas d’y dépeindre en couleurs extrêmement sombres les désordres dont soufirait l’Église ; mais il propose le remède à tant de maux. D’après lui, on n’en saurait trouver d’autre que celui d’un remaniement profond du gouvernement ecclésiastique, par une forte limitation apportée au pouvoir du pape, et une large extension accordée à celui des évêques, successeurs légitimes des apôtres, qu’il s’attache à montrer en tout égaux à saint Pierre : qui parem cum Petro honorem et potestatem accepcrunt a Deo, part. III, tit. xxxvii. Les évêques, dit-il, doivent être pratiquement, comme ils le sont de droilt divin, maîtres absolus dans leur diocèse. En outre, ils doivent participer effectivement au gouvernement de l’Église universelle, et, pour cela, se réunir

tous les dix ans, en conciles généraux, souverains dans leurs attributions, et dont le pape sera chargé de faire observer les décrets.

C’est bien là, à n’en pas douter, le concept d’une monarchie tempérée d’aristocratie. Le pape n’a plus que le pouvoir exécutif. Le pouvoir législatif lui échappe, et, comme tous les autres chrétiens, il est soumis aux lois portées par l’épiscopat.

Cette doctrine n’eut aucun succès au concile de Vienne, 1311-1312. Elle provoqua, au contraire, des protestations nombreuses et l’affirmation réitérée que le pape a pleine autorité sur l’Église entière, dispersée ou réunie, et qu’il a juridiction immédiate et ordinaire sur tous les chrétiens.

Mais les choses se passèrent autrement, un siècle plus tard, au concile de Constance, réuni pour mettre fin au grand schisme d’Occident. En face de cette situation douloureuse et si profondément troublée de l’Église partagée en deux, puis trois obédiences ; à la vue de trois pontifes se disputant la tiare, et s’excommuniant publiquement les uns les autres, les esprits s’étaient agités, et l’on se demandait de toutes parts quel était le meilleur moyen de remédier à un mal si funeste, dont les conséquences étaient si déplorables. Dès 1381, Pierre d’Ailly, professeur de théologie à l’université de Paris, avait proclamé, dans un discours solennel prononcé devant une assemblée nombreuse, qu’il n’y en avait pas d’autre que la convocation d’un concile général. Mais le concile général ne pouvait atteindre ce but si désirable, qu’à la condition d’être supérieur au pape et de pouvoir lui imposer son autorité. L’orateur ne recula pas devant cette proposition. Il la développa longuement, l’étayant de toutes les preuves possibles, affirmant que le Christ ayant fait son Église immortelle avait dû lui donner la puissance de sortir d’un tel abîme. Donc, le concile général tenait sa juridiction immédiatement du Christ, et avait plein pouvoir pour légiférer et juger, tandis que le pape n’était que le ministre du concile et l’exécuteur de ses décrets. Si le pape venait à faillir dans la foi et à s’écarter de la voie droite, le concile, son supérieur, pouvait juger sa doctrine aussi bien que sa conduite, le condamner et même le déposer, si le coupable persévérait dans ses errements, scandalisait l’Église et devenait un danger pour elle, au lieu de l’édifier, de la soutenir et d’étendre son action sur les âmes. Voir Ailly (Pierre d’), 1. 1, col. 647 sq.

Dans ces hardiesses de langage se reflètent les pensées et les préoccupations d’un grand nombre des contemporains de l’orateur, et non des moins haut placés. Professeurs de théologie, docteurs des universités, prélats, abbés mitres, évêques et cardinaux même abondaient dans ce sens. Leur excuse est leur vif désir de sortir de la situation inextricable dans laquelle on se trouvait. Plusieurs même étaient plus radicaux encore dans leur manière de concevoir l’essence du gouvernement ecclésiastique, afin de découvrir dans sa constitution le pouvoir qu’il avait de se réformer lui-même. Un des plus illustres élèves de Pierre d’Ailly, et son successeur dans la chaire de théologie de l’université de Paris, quand le maître eut été promu à l’épiscopat, le pieux Gerson, comme nous le verrons plus bas, non seulement adopta ses principes sur le gouvernement ecclésiastique, mais en poussa les conséquences extrêmement loin, au point d’admettre que, le concile pouvant faillir lui aussi dans la foi, comme le concédait Pierre d’Ailly, l’infaillibilité promise par le Christ à son Église ne reposait que sur la multitude des fidèles, dont les évêques n’étaient que les mandataires ou les délégués.

Les principes de Pierre d’Ailly furent appliqués par le concile de Pise, qui, le 5 juin 1409, déposa les deux papes, comme convaincus d’être schismatiques, héré-