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GOTESCALE — GOTHER


de Ferrières, Ratramme, moine de Corbie, dans le diocèse d’Amiens, etc. Ordonné prêtre à l’insu de son évêque, Rothade de Soissons, par le chorévêque Rigbold de Reims, il alla vers 847 en pèlerinage à Rome. L’année suivante, à son retour, il eut dans une vallée du Piémont, chez le comte Eberhard de Frioul, de longues conversations théologiques avec l’évêque de Brescia, Nothing, et il s’efforça de le gagner par son système de la double prédestination : bons et mauvais, élus et réprouvés, sont également et de tout temps prédestinés, par la préscience et l’omnipotence divine, à leur sort actuel et futur. Mais Nothing rencontra peu après en Allemagne le nouvel archevêque de Mayence, Raban Maur, et lui dénonça les opinions de Gottschalk dont il avait été choqué ; un concile de Mayence condamna le moine en 848 et le renvoya, pour être châtié, à Hincmar de Reims, son métropolitain. Celui-ci fit aussitôt condamner Gottschalk, au printemps de 849, par le concile de Kiersy-sur-Oise, comme hérétique incorrigible ; Gottschalk fut en même temps dégradé, et, conformément aux prescriptions de la règle de saint Benoît contre les moines vagabonds et indociles, publiquement fouetté ; le cruel supplice ne cessa, selon le récit indigné de l’archevêque de Lyon, saint Rémi, qu’au moment où le novateur à demi-mort jeta de ses mains dans le feu ses écrits, avec les pièces justificatives qu’il avait rassemblées. Puis, crainte que sa propagande ne nuisît aux âmes, on l’enferma dans les prisons du monastère de Hautevilliers, au diocèse de Reims, où on le traita, du moins au commencement, avec assez de douceur. L’inflexible Gottschalk ne se laissera pas abattre. Il composera dans sa captivité deux professions de foi, P. L., t. cxxi, col. 346-350, 349-366, de longueur inégale, et qui, sur les principaux points en litige, manqueront de précision. Il dira vrai en assurant que Dieu ne prédestine personne au péché, mais il prétendra que Dieu prédestine semblablement, similiter omnino, les bons à la vie, les mauvais à la mort. En oulre, il écrira une lettre à l’archevêque de Lyon, Amolon, pour lui exposer sa doctrine et la recommander du nom de saint Augustin, et un petit livre, intitulé : Pilacium (Pitlacium), dont il nous reste quelques fragments, P. L., t. cxxv, col. 271-365, 370, 371, 372 ; l’auteur y nie que Jésus-Christ soit mort pour tous. Il avait demandé, tant sa conviction et son exaltation étaient grandes, que, pour démontrer la vérité de sa doctrine, on le soumît à l’épreuve du feu. Son défi ne fut pas accepté ; mais un certain intérêt s’éleva en faveur du moine infortuné, contre le puissant archevêque. Hincmar, soucieux de démasquer entièrement les erreurs de Gottschalk, combattra, vers le milieu de l’année 849, la prédestination à la mort dans un opuscule qui a péri, Ad reclusos et simplices. Des hommes très influents dans l’Église gallo-franque, saint Prudence, évêque de Troyes, Servat Loup de Ferrières, Ratramme de Corbie, Florus, diacre de Lyon, et saint Rémi, évêque de la même ville, attaquèrent presque à la fois l’opuscule ; sans prendre positivement parti pour Gottschalk, ils s’apitoyaient sur ses souffrances et soutenaient, en demeurant dans les bornes de l’orthodoxie, la doctrine de la double prédestination. En présence de cet orage inattendu, Hincmar était à peu près seul ; Raban Maur, qui aussi bien mourra en 856, prétextant son grand âge et ses infirmités, s’était retiré de la lice, et le concours, sollicité par Hincmar, du philosophe rationaliste Jean Scot Érigène, le compromettait au lieu de le servir. Il y eut alors conciles contre conciles, anathèmes contre anathèmes, et le dogme de la double prédestination fut tour à tour proscrit et proclamé ; aux décrets du concile tenu à Kiersy en 853, et fidèle

écho des idées d’Hincmar, s’opposèrent, en 855, les décrets du concile de Valence, confirmés en 859 par le concile de Langres, et qui se prononçaient contre les thèses d’Hincmar. Malgré les efforts du concile national de Savonnières, en 859, pour rétablir l’union entre les deux partis, la lutte se prolongea jusqu’en 860, au concile de Tuzey, près de Toul, qui se contenta, sans mentionner les points de dissentiment, d’indiquer les principes sur lesquels tous les esprits étaient d’accord. La lettre synodale rend hommage à cette vérité que le Christ est mort pour tous et précise, en l’adoucissant, la notion de la prédestination. Le conflit alla dès lors s’attiédissant, et peu à peu il s’apaisa. De son côté toutefois, Gottschalk captif n’abandonnait pas ses opinions et s’acharnait contre Hincmar. Dans l’hymne des vêpres, au commun de plusieurs martyrs, l’archevêque, en 860, avait remplacé l’expression trina deitas, qui lui semblait à juste titre impliquer la distinction arienne des trois personnes, par celle de summa deitas ; Gottschalk, aveuglé par la haine et par une idée fausse de l’unité divine, accusa Hincmar de sabellianisme. Homme de talent, mais violent de caractère et nullement mesuré dans son langage, Gottschalk sera entraîné, dans ses dernières années, par les mauvais traitements qu’il subissait, à des extravagances qui avoisineront la folie. Par exemple, il assurait que Dieu lui avait défendu de prier pour Hincmar, que le Saint-Esprit même était descendu en lui et lui avait brûlé la barbe et la bouche. Il refusait de recevoir aucun vêtement des moines de Hautvilliers, à cause de leurs relations avec Hincmar, et, pendant quelque temps, il resta presque nu, jusqu’à l’entrée de l’hiver. Il prédit la mort d’Hincmar et sa propre élévation sur le siège de Reims dans un délai de deux ans et demi. Ce délai passe, comme Hincmar s’obstinait à vivre, il écrivit que Dieu amait mieux appeler plus tard à lui « ce voleur, ce brigand, » fur et latro. Ni promesses ni menaces n’eurent raison de l’indomptable Gottschalk ; il persista sur son lit de mort et mourut dans sa résistance le 30 octobre 868 ou 869.

Indépendamment de ses écrits en prose, composés pour sa défense personnelle, Gottschalk a laissé quelques rares poésies, P. L., t. cxxi, col. 345 sq., dont on ne saurait méconnaître l’importance dans l’histoire littéraire. Ebert, Histoire de la littérature du moyen âge en Occident, trad. franc., Paris, 1884, t. il, p. 186-190.

Ilefelc, Histoire des conciles, trad. Leclercq, Paris, 1911, t. iv, p. 137-186, 199-235 (voir la bibliographie, p. 138, note) ; Gaudarci, Gottsclialk, moine d’Orbais, Saint-Quentin, 1888 ; Gorini, Défense de l’Église, 1866, t. iii, p. 78-97 ; B. Hauréau, Histoire de la philosophie scolastique, 1872, t. i, p. 176-179 ; Schrôrs, Hinknwr, Erzbischof von Reims, Fribourg, 1884, p. 88-174 ; J. Tunnel, La controverse prédestinatienne au IXe siècle, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1905, t. x, p. 47-69.

P. Godet.

    1. GOTHER Jean##


GOTHER Jean, théologien et controversiste anglais, mort en 1704. Né à Southampton de parents presbytériens, il devint catholique de bonne heure ; en 1668, il était au collège anglais de Lisbonne, où il fut nommé préfet des études après son ordination au sacerdoce. Envoyé en Angleterre en 1682, il exerça d’abord le ministère à Londres, et se fit remarquer par son zèle pour l’évangélisation des pauvres et des enfants. L’avènement de Jacques II, en 1685, qui réveilla l’espoir des catholiques en même temps que les craintes des protestants, fut le signal d’une grande activité littéraire parmi les théologiens anglicans ; les dogmes et les pratiques de l’Église catholique furent attaqués de toutes parts. Plusieurs écrivains catholiques défendirent leur foi et leurs usages sur des points particuliers ; Gother entreprit une réfutation générale