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D’ailleurs, Dieu appelle sérieusement tous ceux à qui l’Évangile est annoncé, en sorte que, s’ils périssent, on ne peut en rejeter la faute sur lui. Il se fait pourtant quelque chose de particulier dans ceux qui se convertissent Dieu les appelant efficacement, en leur donnant la foi et la pénitence. La grâce suffisante des arminiens, « par laquelle le libre arbitre se discernerait lui-même, » est rejetée comme une erreur pélagienne. La régénération est représentée comme se faisant « sans nous, non par la parole extérieure ou par une persuasion morale, » mais par une opération qui ne « laisse pas au pouvoir de l’homme d’être régénéré ou non, » d’être converti ou non. Néanmoins, ajoute-t-on, la volonté renouvelée n’est pas seulement poussée et mue par Dieu, mais elle agit, étant mue par lui ; et c’est l’homme qui croit et qui se repent. La manière même dont s’accomplit en nous cette opération de la grâce régénérante est incompréhensible ; tout ce qu’on peut en dire, c’est que le fidèle « sait et sent qu’il croit et aime son Sauveur. » Ibid., a. 1, p. 263 ; a. 12, 13, p. 265. Ceci nous amène naturellement à la doctrine du synode concernant la persévérance. Elle se résume surtout en deux points : l’inamissibilitô de la justification, et sa certitude parfaite dans l’âme justifiée. Sur l’un comme sur l’autre elle est très catégorique. Touchant l’inamissibilité, voici la substance de ce qui est enseigné. Sans doute. « dans certaines actions particulières, les vrais fidèles peuvent se soustraire parfois et se soustraient en effet, par leur faute, à la conduite de la grâce, poursuivre la concupiscence, jusqu’à tomber dans des crimes atroces. Par ces péchés énormes, ils offensent Dieu, se rendent passibles de mort, interrompent l’exercice de la foi, font une grande blessure à leur conscience, et quelquefois perdent pour un temps le sentiment delà grâce. » Dieu cependant ne permet pas qu’ils en viennent jusqu’à « déchoir de la grâce de l’adoption et de l’état de justification, jusqu’à commettre le péché à mort ou contre le Saint-Esprit, jusqu’à être damnés. La semence immortelle, par laquelle les vrais fidèles sont régénérés, demeure toujours en eux malgré leur chute. » En un mot, ils ne peuvent « ni perdre totalement la foi et la grâce, ni demeurer finalement dans leur péché jusqu’à périr. » Ibid., a. 4-8, p. 271, 272. En ce qui regarde la certitude du salut, le synode n’est pas moins explicite : « Les vrais fidèles, dit-il, peuvent être et sont assurés de leur salut et de leur persévérance, selon la mesnre de la foi par laquelle ils croient avec certitude qu’ils sont et demeurent membres vivants de l’Église, qu’ils ont la rémission des péchés et la vie éternelle. Cette certitude ne leur vient pas d’une révélation particulière, mais de la foi aux promesses divines, du témoignage du Saint-Esprit, d’une bonne conscience et d’une sainte et sérieuse application aux bonnes œuvres. » Ibid., a. 9, 10, p. 272, 273. Enfin, la détermination positive des vérités à croire est complétée et confirmée par la condamnation des erreurs opposées, et l’on repousse notamment l’assertion d’après laquelle « les vrais fidèles peuvent déchoir et déchoient souvent totalement et finalement de la foi justifiante, de la grâce et du salut ; > celle aussi qui soutient « l’impossibilité d’avoir durant cette vie, sans révélation spéciale, aucune assurance de notre persévérance finale. » Ibid., a. 3, p. 274.

Nous avons, dans ce qui précède, esquissé la quintessence doctrinale du gomarisme. Pour le faire connaître complètement, il nous reste à dire un mot de l’illogisme de ses procédés, de ses inconséquences pratiques. Or, c’est encore dans l’histoire du synode de Dordrecht qu’il se révèle à nous sous cet autre aspect. On sait la manière non seulement hautaine et autoritaire, mais dure, dont les arminiens y furent traités. Depuis longtemps ils demandaient à pouvoir’discuter les points en litige devant une grande assemblée de

leurs coreligionnaires calvinistes. Cette satisfaction leur avait été refusée de longues années durant. Enfin, en 1618, les gomaristes, qui se sentaient de loin les plus forts par le nombre et par la protection du stathouder Maurice de Nassau, consentirent à l’entrevue projetée. Mais, convoqués à Dordrecht et réunis, ainsi qu’ils le déclarèrent eux-mêmes, Acla, p. 1, « par l’ordre et l’autorité » des États généraux, ils ne voulurent admettre leurs adversaires qu’à titre d’accusés et en les avertissant qu’après avoir rendu compte de leurs doctrines au synode, ils devraient se soumettre à sa sentence. Cette consigne, intimée elle aussi par les États, fut suivie avec tant de rigueur que les trois ministres remontrants qui siégeaient comme députés d’Utrecht se virent obligés d’échanger leurs sièges contre le banc des prévenus et de se joindre au groupe des suspects qui occupaient une place à part, au milieu de la salle des séances. Les arminiens eurent beau protester, par la bouche d’Épiscopius, qu’ils n’entendaient comparaître que librement et qu’ils n’acceptaient point d’être jugés par leurs accusateurs et leurs ennemis ; ils eurent beau réclamer un débat contradictoire et demander qu’il leur fût permis, en justifiant leurs assertions, d’y comparer et de critiquer les assertions opposées, comme aussi de discuter la réprobation des infidèles avec l’élection des fidèles. Vainement insistèrent-ils pour n’avoir du moins à répondre qu’à des questions formulées par écrit. Toutes ces demandes, si naturelles, si légitimes entre partisans du libre examen, furent brutalement écartées. On ne craignit pas, pour se débarrasser d’insistances opiniâtres et gênantes, de solliciter publiquement, sur les problèmes et difficultés posés devant le synode, l’avis des États généraux et de l’exécuter ensuite docilement. C’est d’ailleurs en invoquant la même autorité séculière qu’on ferma définitivement la bouche à tous les réclamants. On leur répondit « que le synode trouvait fort étrange que les accusés voulussent faire la loi à leurs juges et leur prescrire des règles ; que leur conduite était injurieuse non seulement au synode, mais encore aux États généraux, qui l’avaient convoqué et lui avaient commis le jugement ; que, par conséquent, ils n’avaient qu’à obéir. » Acta synodi, sess. xxv et xxvi, p. 80, 82, 83. Et lorsque enfin les arminiens, poussés à bout, se refusèrent formellement à accepter des conditions qui étaient la négation de tous leurs droits, on les exclut de l’assemblée, mais non sans les avoir au préalable accablés de solennelles injures. C’est dans la Lvne séance, le 14 janvier 1619, que cette expulsion eut lieu ; et ce jour, si nous en croyons des historiens protestants, mérite d’être marqué comme un jour néfaste, comme une date peu glorieuse pour le protestantisme. Alors, en effet, le président Bogermann, qui ne s’était jamais montré très tendre pour les récalcitrants, se surpassa, et, donnant libre cours à son indignation contre eux, il prononça une philippique passionnée, qu’il termina par cette apostrophe : « Vous avez menti au début. Vous mentez encore à la fin. Dimitlimini. Ile ! Ile ! » Des témoins de cette scène, dignes de toute confiance, s’en déclarèrent écœurés. Jacques Trigland, député de la Hollande septentrionale, connu d’ailleurs par son zèle pour la cause des contre-remontrants, a écrit que, plusieurs années après l’événement, il n’y repensait point sans en ressentir une sorte de frisson. Un autre, le savant Matthias Martini, député de Brème, souhaitait de n’avoir jamais mis le pied sur le sol des Pays-Bas. Après la crise du 14 janvier, le synode poursuivit, en l’absence des intéressés, l’examen de leurs doctrines, pour aboutir à la condamnation qui fut officiellement ratifiée, le 23 avril, dans la cxxxve et la cxxxvi c séance. Une fois les doctrines proscrites, on n’en resta pas là, mais on procéda contre lçs personnes, sans s’arrêter