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EUCHARISTIE AU XIP SIÈCLE EN OCCIDENT


par un laïc, un prêtre ou une femme : Cujuscumque sit ordinis uel conditionis. Au dire d’Abélard, Theologia cluLstiana, iv, P. L., t. clxxviii, col. 1286, cette opinion était celle de Bernard de Chartres (pour ridentilication de Bernard, voir Clerval, Les écoles de Chartres au moyen âge, Paris, 1895, p. 159).

D’autres fois, il s’agit de maintenir ce droit pour tous les prêtres qui ont vécu après les apôtres ; de là l’insistance avec laquelle le texte : IIoc facile in meam convnemoralionem est ordinairement ajouté à celui : Hoc est corpus, etc., dans la preuve de l’institution du sacrement et de la présence réelle. oir, passini, les témoignages passés en revue plus haut, et Pierre le Vénérable, Contra petrobrusianos, P. L., t. clxxxix, col. 798, 810, etc. La Sumrna sententiarum, cnirc autres, 1. VI, 4, P. L., t. CLXxvi, col. 141, Roland Bandinelli, op. cit., p. 216, et les Sententiæ divinitutis, édil.Geycv, p. 140, 141, spécifient ce droit pour les seuls prêtres : solis sacerdotibus.

Mais la confusion des idées qui se montre dans la polémique des investitures au sujet des sacrements, des simoniaques, des excommuniés, des indignes, etc., ne s’est pas encore dissipée une génération après le concordat de Worms (1123). Cela met sous la plume de plusieurs auteurs des opinions erronées. Si Robert PuUeyn, op. cit., VIII, 6, P. L., t. clxxxvi, col. 968, reconnaît valides les consécrations faites par tous les prêtres, quels qu’ils soient, son avis n’est pas encore général. Plusieurs hésitent, d’autres nient cette validité pour une ou plusieurs des catégories d’indignes. Importanteàcet égard est la lettre de Hugues de Reading à Mathieu d’Albano ; elle fait allusion aux idées de ses Dialogi, 1. V, 11, P. L., t. cxcii, col. 1204, et expose à propos de l’eucharistie une opinion sur la valeur des sacrements qui rencontre beaucoup d’adhérents. L/te//( de lite, i. iii, p. 285 ; P. L., t. cxcii, col. 1227-1230. Même sainte Hildegarde, si sa réponse à la consultation rapp^-lée plus haut est authentique, serait dans ce dernier sentiment. Epist., xliïi, P. L., t. cxcvii, col. 212-213. Pierre Lombard n’a pas non plus la note juste, op. cit., 1. IV, dist. XIII, et la Sunima sententiaruni, après hésitation, se montre très favorable à un avis analogue, 1. VI, 9, P. L., t. CLXxvi, col. 146. On peut voir dans l’ouvrage de Saltet, Les réordinations, Paris, 1907, p. 266-360, le trouble qui régnait à ce sujet dans les esprits jusque bien après la rédaction du livre des Sentences ; en Allemagne, les polémiques se prolongent dans le groupe de Gerhoch de Reichersperg et, avant cela. Honoré d’Autun s’en fait l'écho dans son Ofjendiculum, p. 53, etc. Voir le Tructutus de scismalicis, écrit vers 1164-1168 par un Bavarois, ibid., t. iii, p. 126-128 ; le Liber contra duas Invrescs et les écrits de Gerhoch ou d’autres sur ces questions dans les Monumenta Gerinaniæ liistorica. Libclli de lite impe ratoruinct RR.pontificum, t. iii, p. 12, 29, 131-525, etc. — Simon de Tournai rencontre l’objection du Lombard tirée de l’expression de l’offertoire et du canon : O/Jerimus (ms. cité de Bamberg, fol. 48) : con/icitur sacramentuni hoc adore Deo, saccrdote ministro, sire bonus sive malus sit minislrr. Ibid., fol. 46.

Sur la consécration d’une même hostie faite par plusieurs prêtres à la fois, conune c'était le cas des cardinaux qui officiaient avec le pape, les avis étaient partagés. Innocent 111, op.c(7., l. IV, 20, /'./.., t. ccxvii, col. 874, dit que si tous ont l’intention de ne consacrer qu’en même temps que l’olllciant principai, une priorité de quelques instants chez un seul dans l’cxprcsbion de la formule, n’empêcherait pas les autres de prendre réellement part à la consécration.

/II. iKjirniyi : de la mvs^srnsrvsrivriny. — La principale question relative a l’eucharistie au xue siècle est assurément celle de la transsubstanlialion ".

1° Doctrines adverses : impanalion, consubstartliation, union hyposlatique avec le pain. — Les divers avis opposés à la transsubstantiation qu'énumère Alger, op. cit., prologus, P. L., t. clxxx, col. 759, sont considérés par lui comme des erreurs et ne représentent nullement à ses yeux un enseignement catholique, comme le donnerait à croire la courte citation de Rocholl, dans Realencyclopàdie jûr prolestantische Théologie und Kirche, t. xvii, p. 240. Guitmond d’Aversa, qui distingue si bien les nuances entre les divers groupes de bérengariens, est le premier qui nous parle de ï impanalion ; au dire des adeptes de cette doctrine, ce serait là le fond de la pensée de Bérenger : alii vero, redis Ecclesiæ ralionibus cedentes, nec tamen a stultitia reccdentes ut quasi aliquo modo nobiscum esse videantur, dicunt ibi corpus et sanguinem Domini rêvera, sed latentcr contineri et ut sumi possint (possil ?) quodanmxodo ut ila dixerim impanari. Et liane ipsius Berengaiii subtiliorem esse sententiam aiunt. Op. cil., ï. 1, P.L., t. cxLix, col. 1430. Si la plus grande partie de son traité s’occupe des umbratici, la companulio intervient au 1. III, ibid., col. 1480, où sont réfutés les arguments des impanatores qui parlent d’un Christ impanalum et invinatum, col. 1482, 1486 ; il rejette en même temps toute union avec le pain : nemo dicere audet, ila Deus et homo, et panis et vinum unus est Christus. Unde igitur istis hsec nova companatio ? Ibid., col. 1482. Plus tard, Alger de Liège s’occupe des mêmes erreurs, op. cit., prologus, et I, 6, S, P. L., t. CLXXX, col. 739, 754-756, 765 : quod Christus in pane sacramentali non ila pcrsonaliter sit impanatus, ut in carne incarnatus. Mais il ne donne pas d’indication qui puisse fixer le nom d’aucun de ses adversaires : errantes tamen quidam de quibusdam sandorum verbis dicunt ila pcrsonaliter in pane impanalum Christum sicut in carne humana pcrsonaliter incarnalum Deum.

A ce moment cette erreur était nouvelle, nous dit Alger, mais quelle est dans sa pensée la portée chronologique de ce mot ? Quæ hæresis quia nova et abswda est… radicilus est exstirpandu. Ibid., col. 754. Outre le groupe bérengarien qu’il a connu par l’ouvrage de Guitmond, Alger a-t-il en vue ici l’enseignement de Rupert de Deutz ? On l’a dit, voir plus loin ; mais la date du De sacramento corporis et sanguinis est trop vaguement connue pour qu’on ait le droit de la dire antérieure à c^'lle du De divinis o/ficiis de Rupert.

Remarquons aussi que les arguments des impanatores chez Alger, col. 754-755, ne se rencontrent pas chez Rupert, à part une même comparaison générale avec l’incarnation (encore les termes de l’objection chez Alger ne sont-ils pas ceux des trois ouvrages incriminés de Rupert ; ce qu’il dit au cli. viii, contient un texte de saint Jean, vi, 51), que nous trouvons chez Rupert, /'. L., t. clxix, col. 178 sq. ; mais les corollaires que tire ici Alger de l’impanutio sont formellement niés par Rupert ; d’autre part, les atlversaires de Guitmond, op. cit., col. 1181, recouraient à d’autres arguments que ceux d’Alger ; il semble même que la comparaison avec l’incarn.ition vient de tiuilmond, col. 1182, plutôt (lUe de ses adversaires. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que la doctrine de rinn)anation revient encore chez un contemporain qui en écrit à Rupert ; c’est Guillaume deSaint-Thierr ; il redoute de rencontrer dans les conséquences d’une expression peu claire du moine de Ucutz (quid hic corpus surrilicii appellelis, peniliis non video) l’erreur bérengarienne de l’imbanation. Epislola ad qucmdam moiuuluim, P. L., t. CLXXX, col. 311, 312. Plus tard, les Scnlencicrs, connue Pierre Lomijard, voir plus loin, mentionneront encore cette doctrine pour la rejeter, sans s’y arrêter davantage.

Ln dehors des demandes d’explication quc lui en-