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EUCHARISTIE AU XIP SIÈCLE EN OCCIDENT


matique, pour ne pas dire davantage. Alger, qui consacre à cette question un ample chapitre, op. cit., II, 1, P. L., t. CLXxx, col. 807-814, emploie le mot de stcrcoraniste, ibid., col. 810, déjà appliqué aux grecs par le futur Etienne IX, le cardinal Frédéric de Lorraine. Contra Nicetam, P. I… t. cxliii, col. 993. Désormais, il allait perdurer dans la littérature théologique ; plus d’une fois même il sera, bien à tort, lancé comme une injure à l’Église orientale orthodoxe.

L’importance, et par suite la survivance de ce chapitre dans la polémique eucharistique, se comprendra sans peine, si l’on songe que les partisans de Bérengcr tiraient parti de la situation dégradante faite à l’hostie consacrée, tombée sur le sol, foulée aux pieds, mangée par les animaux, digérée comme les autres aliments, etc., pour en former un argument contre la présence réelle ; il en allait de même, nous l’avonsvu, avec la question de la communion de Judas, dont parle la consultation de Guibert de Nogent et la polémique de Rupert de Deutz avec le scliolasticus magnæ œstimationis.

On peut rapprocher, sur le sujet qui nous occupe, la lettre de Wolphelm, de Brunvillers, vers la fin du iKie siècle, P. L., t. cliv, col. 412, celle de Gilbert de la Porée qui refuse la communion aux condamnés à la pendaison, P. L., t. clxxxviii, col. 1258, et les chapitres consacrés par Guitmond, op. cit., ii, P. L., t. cxLix, ; col. 1448, 1450, 1451, et Alger, op. cit., II, 1, P. L., t. CLXXX, col. 807, 811, etc., à cette attaque des bérengariens ; celle-ci allait être reprise à leur profit, comme nous le voyons chez Alain de Lille, op. cit., I, 57, 58, P. L., t. ccx, col. 359, 362-363, par les sectes hérétiques cathares, etc. On constate, par une expression de Hugues de SaintVictor et d’Innocent III, que l’objection ne manquait pas de troubler les âmes : cogitatio puisât aninmm. C’est par cette voie que le problème de la durée de la présence réelle sous les espèces sacrées devait arriver à trouver sa solution définitive.

Il existait déjà une explication qui s’appliquait aussi au cas des pécheurs qui recevaient indignement le corps du Christ : la présence réelle cessait subitement et l’hostie redevenait pain. Guitmond repousse vivement cette solution pour les pécheurs, op. cit., ii, ut, P. L., t. rxLix, col. 1453, 1491 ; mais elle se retrouve encore dans V Eucharisiion, x, P. L., t. clxxxii, col. 1255 (pas dans les autres ouvrages) d’Honoré d’Autun. Guitmond, qui n’est plus d’accord ici avec lui-même, et Alger donnent une explication inexacte et, depuis lors, universellement rejetéc ; Bellarniin les en reprendra dans son De scriptoribas ecclesiasticis, Cologne, 1684, p. 164. 176. Pour quitmond, le corps du Christ n’est pas atteint ; il retourne au ciel, ou bien les anges l’écartent lorsqu’il va devenir la proie d’un animal ou l’objet de quelque outrage. Op. cit.,

11, P. L., t. cr.xix, col. 1445, 1448, 1449, 1450 ; iii, col. 1451-1453.

Pour Alger, tout cela n’est qu’apparent ; grâce à un miracle, rien ne se produit, même dans les espèces. Op. cit., II, 1, P. L., t. CLXXX. col. 813, etc.

Hugues de Saint-Victor parle de cette matière avec une discrétion que l’on ne saurait trop admirer et qui lui fait presfjue loucher la vraie réponse, quand il s’agit de la coimnunion ; quant aux outrages extérieurs, tout cela a l’air de se faire, mais le corps du Christ reste inviolé, />c sacramentis, I. II, part. VIII,

12, /’. L., I. Cl. XXVI, col. 470 ; en somme il n’expli((uc rien ici. Mais pour la présence réelle après la communion, il est plus heureux, au point qu’il sera transcrit textuellement, ou peu s’en faut, par Garnier de Rocheforl, Contra amaurianos, p. fil, et Innocent III. Voir plus loin.

Sans être encore complet, connue le fait fort bien

remarquer l’abbé Mignon, Hugues de Saint-Victor et les origines de la scolaslique, Paris, 1896, t. ii, p. 180, voici ce qu’il dit : comparant la venue visible du Christ en ce monde avec sa descente sur nos autels, il continue : sic ergo~in sacramento suo modo temporaliter venit ad te et est eo temporaliter tecum, ut tu per corporalem prsesentiam ad spiritualem quærendam exciteris et inveniendam adjuveris. Quando in manibus sacramentum ejus tenes, corporaliter tecum est. Quando ore suscipis, corporaliter tecum est. Dcnique in visu, in tactu, in sapore corporaliter tecum est. Quamdiu sensus corporaliter afficitur, præsentia ejus corporalis non aufertur. Postquam autem sensus corporalis in percipiendo déficit, deinceps corporalis præsentia quærenda non est, sed spiritualis retinenda ; dispensutio compléta est, perfectum sacramentum, virtus manet, Christus de re ad cor transit. Melius est tibi ut eat in mentem luam quam in ventrem tuum. De sacramentis, I. II, part. VIII, 13, P.L., t. clxxvi, col. 470471. C’était s’approcher de bien près de la formule définitive ; mais, malgré ce premier succès, le progrès sera lent.

Guillaume de Saint-Thierry se contente d’une assertion qui laisse sa pensée imprécise : sumpta ore carnis nostræ caro Christ i nequaquam œstimanda est lege communium cihorum. Op. cit., viii, P. L., t. clxxx, col. 355.

L’hésitation que traversent tous les tenants directs ou indirects de l’école d’Abélard s’explique facilement par le prestige du Magister Petrus. Il avait soutenu une opinion bien voisine de celle de Guitmond, d’Alger, etc., de façon à rehausser l’autorité du passé par la fascination de son propre enseignement. Le texte nous en a été conservé dans les Capitula errorum P. Abœbardi, édit. Cousin, t. ii, p. 700-769 ; P. L., t. CLXXXII, col. 1052. Après avoir rappelé ces outrages apparents, Abélard continue : et idco quæritur quare Dnis permittat ista fieri in corpore suo. An fortassis non ita ftat in corpore, scd tantum ita facial apparerc in spccie ? Ad quod dicimus quod rêvera non sit in corpore, sed Dcus ita in speciebus ipsis propter negligentiam ministrorum reprimendam habcre fucit, corpus vero suum prout ci placet, reponit et conservai.

Roland n’admet pas que le corps du Christ, reçu dans la communion, soit soumis au processus de la digestion : an corpus Cliristi digcratur ? Non, dit-il. Op. cit., édit. GietI, p. 232. Ognibene et l’anonyme de Saint-Florian en disent autant. Ibid., p. 232, n. 234. Que se passc-t-il si l’hostie consacrée devient la proie d’un animal ? Les avis sont partagés : Videtur corrodi et manet incorruptus, dit Hugues, op. cit., 1. II, part. VIII, 12. col. 470. La Summa sententiarum ne dit rien ; pour d’autres (Ognibene, l’anonyme de Saint-Florian, ibid., p. 234. n. 11), le corps du Christ se retire des espèces ; ou I ien la substance du pain y revient ; c’est l’avis que relate Roland, op. cit., p. 234235, lequel penche plutôt pour la réponse affirmative : le corps du Christ traverse réellement ces outrages, mais sans corruption, comme le rayon du soleil qui pénètre partout sans souillure, p. 235. Remarquons, en passant, la connexion qu’il y a entre celle question, que plusieurs résolvent en n’admettant qu’une apparence extérieure do corruption, et l’opinion attribuée à Abélard sur les specics in acre. Cf. Ognibene, l’anonyme de Saint-Florian, lac. cit. ; Guillaume de SaintThierry, Disputatio adrcrsus Ahielardiim, ix, /’.A., t. CLXXX, col. 281 ;.Main de Lille, P.L., t. ccx. col. 359. etc. Pierre Lombard est d’une circonspection ((ui étonne après la réponse si heureuse à la question (le la fraction : quid sumil nuis’.' Deux norit, I. IV, dist. XIH, 1. édit.Quaracclii.t. iv, p. 301 : il ne traite, du reste, celle matière <|u’incideinment ; l’on croirait