Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/65

Cette page n’a pas encore été corrigée
105
106
ENFER (SYNTHÈSE DE L’ENSEIGNEMENT THÉOLOGIQUE ;


le Dieu dans la constitution de la béatitude céleste.

Pour étudier les peines de l’enfer, nous pouvons recourir à deux principes : un principe de ]50sitioii, les peines sont conformes à la nature du péché dans l’homme, et un principe d’opposition, l’enfer, c’est la On dernière manquée, une privation qui doit se mesurer à l’objet dont on est privé, le ciel. S. Thomas, Compendiiim (heolor/iie, c. clxxii-clxxvi.

2° Peine du dam. comme peine du reatus aversionis a Deo. — 1. Privalion de Dieu et douleurs conséquenles. — a) La privation de Dieu, c’est le dam proprement dit. Voir Dam.

Cette privation de Dieu entraîne celle de tout don surnaturel : grâce, vertus, etc., dans une âme toute aménagée pour ainsi dire pour le surnaturel. Cependant il faut faire une exception pour le caractère sacramentel du baptême, de la confirmation et de l’ordre, qui demeure dans le damne comme signe éternel des hauteurs dont l’âme est déchue ]iar sa faute, comme marque d’ignominie et comme preuve d’une plus grande scélératesse. Cette exception est théologiquement certaine, à cause de l’enseignement de l’Église sur la nature indélébile du caractère. Voir

CArSACTÈnE.

b) Douleurs conséquentes. — Voir Dam, pour la douleur en général. Pour en venir aux détails, on ]>eut résumer ces souffrances. comme l’a faille P.Monsabré, loc. cit. Le pécheur a rejeté le souverain bien ; il perd tout bien ; c’est hi douleur suprême, ou la conscience du mal total, de la perte de tout bien en perdant Dieu. Le péché est le rejet éternel du souverain bien et la perte éternelle de tout bien ; c’est le désespoir suprême, douleur sans ombre d’espérance et de soulagement, douleur ainsi élevée à un autre degré souverain par la certitude de cet à-jamais insondable. Toujours vouloir ce qui ne sera jamais : la fin de ses maux ; toujours être privé de tout bien qu’on désire ; repousser sans cesse la main de justice qui tourmente toujours, vouloir ne plus être et continuer sa vie de souffrance intense ]>our l’éternité en cet abîme de désespoir absolu dans la douleur absolue. Le péché est enfin le rejet volontaire du souverain bien, d’où le remords suprême, lorsque trop tard le damné est saisi du regret d’une telle conduite ; il voit sa faute sous la lumière inexorable de la science infuse ; il voit ses conséquences ; il voit la facilité de l’éviter. Il voit le bonheur perdu ainsi ; et c’est pour lui le remor<ls suprême dans le désespoir et la douleur suprêmes. Cf. Sauve, L’homme intime, 4e édit., Paris, t. iv, p. 113-155, 167-175.

2. Aveuglement de l’esprit.

Voir Démons, t. iv, col. 403. Cet aveuglement comprend la prlvation de toute lumière surnaturelle venant de Dieu ; mais non de toute connaissance surnaturelle venant de l’objet révélé, .Jésus-C^hrist, l’i^gllse. etc. Les damnés croient et craignent. Ils ne sont pas non plus privés de leur intelligence ni de leurs /iaft/7(/.set connaissances naturelles de science accpiisc ou de science infuse ; leur maintien découle de la nature des choses que Dieu ne violente pas. Cf. S. Tliomas, Sum. theol., I » , ([. lxiv, a. 1 ; ([. i.xxxiv ; III" : Suppl.. q. xcviir. a. 7. Les damnés ont donc les connaissances <|u’ils doivent a( » ir jxiiir leur état d’êtres moraux cliâtiès ; vue ineffal)U’ment vive et continuehe de Dieu, bien snprême, unique lin dernière, pureté infinie, là présente, mais de présence sans union ; vue immensément jirofonde de l’horreur et du désordre du péché, de leur histoire de péchés et de grâces, etc. Ils confessent ainsi fque Dieu est saint, juste, infiniment bon et miséricordieux, qu’ils sont hpéché justement puni et que le Christ ainsi triomphe par sa justice, (^elte science df)it croître avec le degré du châtiment à subir, celui ci supposant mie conscience plus grande du bien perdu et de l’abîme

du péché choisi. Mais ce ne sont que connaissances spéculatives, tournées toutes pratiquement non pas en amour et en joie, mais en haine et en souffrances Cette lumière, en elîet, fait que la peine du dam est immensément plus grande que la peine du sens. Elle est la source de cette tempête éternelle de remords, de tristesses mortelles, de colères, de terreurs, de désespoirs, qui sans cesse désole l’abime creusé au cœur des damnés par le départ de Dieu. Cf. Sauvé, op. cit., p. 166-167.

Pour les connaissances pratiques, jugements sur les choses, les événements, les personnes, il faut remarquer que, bien que gardant la puissance de leur faculté, la passion et le vice doivent, chez les grands dévoyés, la faire mal employer continuellement, au moins pour ce qui regarde l’ordre moral et la sagesse non pas mondaine, mais céleste. Cf. S. Thomas, De malo, q. xvi. a. 6, ad 13""’, 15"" ; Suarez, loc. cit., c. VI. Les damnés verront-ils jamais Dieu ? Non, jamais autrement que dans ses œuvres. Verront-ils une fois au moins Jésus-Christ ? Voir Jugement. Verront-ils les saints bienheureux au ciel, avant le jugement ? après le jugement ? Cette question, souvent discutée dans le haut moyen âge, était un reste de l’opinion du se 61 universel (dilatio inferni). Saint Tliomas, Sum. theol., III* Supplem., q. xcvni, a. 9, spiritualise cette vision précédant le jugement : solum cognoscent cos esse in gloria quadam inœstimabili : après le jugement, ils n’auront que la seule mémoire de cette gloire vue maintenant ou au jugement. Pour les textes depuis saint Ambroisc jusqu’au xii'e siècle, cf. Migne, Index. P. L., t. ccxx, col. 245.

3. Perversité obstinée de la volonté.

a) Obstination dans le mal. — Le fait est de foi catholique ; la nature de cette obstination est discutée dans les écoles. Vu l’étendue et l’importance de la controverse, effleurée, t. iv, col. 403, il y aura un article spécial

OliSTIXATIOX DES DAMNÉS.

b) Dépravedion tot(ûc de lu volonté. — Est-ce que les damnés ne peuvent en tout acte délibéré que vouloir le mal, n’agir que jiour une fin mauvaise ? Est-ce que ces actes de volonté ])crvertie sont des péchés sans être pourtant déméritoires ? li ; st-ce que les damnés sont continuellement en acte de péché, n’ayant plus jamais de sommeil ni de temps d’inconscience ? Est-ce que le damné veut à ce point le mal qu’il ha’îsse Dieu et que de même que tout dans le ciel est amour, tout dans l’enfer soit haine, haine de Dieu, haine des compagnons de supplice, haine de tout, haine cliez tous, liaine blasphématoire ? A toutes ces questions, il faut certainement répemdre allirmativement avec l’ensemble des théologiens, malgré l’opposition d’un petit nombre. Voir Démons, t. iv.col. 403 ; Obstination ; ( ; h. Sauvé, loc. cit., p. 155-167.

lùi résumé, les damnés ont une science surèminente de Dieu et du péché ; ils souffrent èpouvaiilablement de leur péclié qui les prive de Dieu et ils s’y obstinent éternellement ; s’obstiner dans la volonté d’un objet malgré tout ce qu’il fait soulïrir, c’est le propre de tous les passionnés à idée fixe ; en enfer, c’est l’intuition lixe, la volonté fixe, la douleur suprême fixe.

3° Peines du sens ou peines du reatus conversionis.

— 1. Définition. — Ce nom, peine du sens, a été donné à la seconde espèce de pelne des damnés, parce que la principale souffrance de cette nature vient d’objets matériels sensibles. Cette peine atteint premièrement les démons et les âmes séparées, et secondairement le corjis des hommes damnés. La peine du sens ne signifie donc pas une peine scnsitive.

Quant à la chose désignée, sont peines du sens tous les supplices venant d’un objet extérieur par opposition aux douleurs intérieures ; in ilysées plus liant.