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EUCHARISTIE AU XIP SIÈCLE EN OCCIDENT


charistie n’est qu’une ombre, puisque Judas l’a reçu. Ibid., col. 529. Guibert répond à ces objectiunculas, c. III, col. 530, non sans une pointe d’ironie, par des arguments a fortiori (comparaison avec les anciens sacrifices, avec les figures bibliques) et en appelle à la toute puissance divine, en citant les exemples classiques de l’Ancien et du Nouveau Testament. Ibid., col. 531-532.

La lettre de Gilbert de la Porée, P. L., t. clxxxviii, col. 1255-1258, à l’abbé de Saint-Florent, près Saumur, s’occupe d’un cas de rubrique (double consécration de la même hostie) stipulé dans les recueils de droit canon ; elle trouvera sa place ailleurs. Voir Messe. Celle d’Yves de Chartres, EpisL, ccli, P. L., t. cLxii, col. 257, porte sur un cas de morale (communion d’un malade pris de vomissements) ; celle de saint Bernard, Epist., lxix, n. 2, 3, P. L., t. cLxxxii, col. 179-182, sur la consécration d’un calice vide et la pénitence du prêtre, coupable de négligence ; sainte Hildegarde, Epist., xlvii. Par contre, la consultation de Hugues Métel roule en plein sur la présence réelle ; la réponse laisse voir les inquiétudes persistantes dues aux erreurs bérengariennes. Epist., XXVI, xxxiii, dans Hugo, Sacrée antiquilatis monumenta. Estival, 1725, t. ii, p. 361, 372 ; P. L., t. CLXXXVIII, col. 1269. C’est un moine, Gérard ou Gerland (à en juger par certains traits du contenu, nous croyons avec Mabillon, Vetera analecta, Paris, 1723, p. 476, contre Hugo, op. cit., p. 372, note, que les deux lettres s’adressent au même correspondant) qui pose à Hugues Métcl deux questions : la première traite de la communion quotidienne, Epist., xxvi, p. 361 ; la seconde a pour objet la présence réelle. Epist., XXVI, XXXIII, ibid., p. 372. Le moine est tourmenté à ce sujet par certains textes de saint Augustin ; l’on se demande même, à en juger par les objections que rencontre Hugues Métel et par une de ses expressions : figura, ut fert lecum multorum opinio, imo multorum errantium mullus error, ibid., col. 373, si son correspondant n’a pas versé dans l’erreur bércngariennc. Hugues, un peu verbeux comme d’habitude, y répond par divers textes et, finalement, par la foi de l'Église romaine : validissimum argumentum, col. 363, 374. C’est ce qu’avait fait aussi Grégoire de Bergame, De vcritate corporis et sanguinis Domini, c. XXIX, p. 112-123. Ces anxiétés du correspondant de Hugues peuvent servir de commentaire aux réflexions de Pierre Lombard dans son traité sur l’eucharistie.De intclligentia quorumdam uerborum ambiguorum, Sent., 1. IV, dist. IX, 3, ou de la Summa sententiarum, vi, 9, P.L.ft. CLXxvi, col. 145-146. On peut en rapprocher la note judicieuse que joint au dossier patristique de l’eucharistie une lettre d’Anaslase de Cluny, P. L., t. CLix, col. 435, 436, dans les dernières années du siècle précédent : Si diligenter quæsicris… invenies procul dubio onmes (il a énuméré une dizaine d'écrivains ecclésiastiques) concordarc et nullatenus discordare. Un correspondant d’Yves de Chartres, Heiméric, a les mêmes difficultés à propos de saint Augustin, Epist., ccLxxxvii, P. L., t. CLXii, col. 285-288 : item dixisti te hærere in quibusdam verbis beati Auguslini. Ibid., co. 286. Le reste de la lettre d’Yves répond à la question si fréquemment débattue chez les Sommistes. Cf. Hugues de.Saint-Victor, De sacramentis, 1. II, part. VIII, c. iii, P. L., t. ci.xxvi, col. 462-464 : ulrum… Christus ante passioiiem suam dederit corpus suum passibile/U la résout par l’affirmativect conformément au mode de l’argumentation scolaire qui s’affirme de plus en plus ; il ne trouve ni dans Vauctoritas, ni dans la ratio rien qui s’y oppose. Une série de chapitres, à la fin du I.iber de corporc et sanguine Domini, développe la même idée quc les correspondants d’Yves et de Hugues Métcl sur les obscurités du lan gage des Pères, c. xi, xii, P. L., t. clxxx, col. 359-366, et trahit l’anxiété d’un certain nombre d’esprits, ibid., col. 359 ; il groupe et résout quelques-unes des difficultés d’expression auxquelles fera allusion Pierre Lombard avec les autres Sentenciers. L’auteur est un des adversaires les plus en vue des excès dialecticiens de Guillaume de SaintThierry, qui a, en divers endroits de ses écrits, des lignes d’une psychologie vécue sur les retours offensifs du doute dans une âme, par exemple. Spéculum fidei, P.L., t. clxxx, col. 374. Les chapitres précédents du Liber contiennent d’excellentes choses sur la conversion, le miracle de la transsubstantiation, c. IV, les accidents, la présence en tout lieu, la nécessité de la présence, c. ii, etc. Il en va de même avec la lettre à Rupert de Deutz, ibid., col. 341-344, dont nous reparlerons plus loin à propos de l’impanation. Robert de Melun, ou le disciple qui amplifie sa Somme (manuscrit de Bruges, 191), reprend dans une longue préface, fol. 5, les idées de Guillaume sur le langage des Pères ; quelques passages en ont été donnés par Denifle. Die Sentenzen Abælards und die Bearbcitungen seincr Theologia vor Mitte des su Jahrhunderts, dans VArchiv fiir Literatur und Kirchengeschichle des Mittelallers, 1885, t. i, p. 618, n. 3.

La voyante de Bingen, sainte Hildegarde, reçoit aussi des consultations sur le mystère de l’eucharistie. A un prêtre qui lui demande ce qu’elle voit quand un prêtre digne, ou un prêtre indigne, s’approche de l’autel, la « sybille du Rhin » répond : Et itcruni vidi quod si sacerdos… dignitate sanctitatis caret, si tamen per ligaturam superioris magistri ligalus non est, virtus altissimi miracula in cadem oblalione operatur. Epist., XLiii, P. L., t. cxcvii, col. 212, 213. A part cet écho des controverses sur la valeur des sacrements, que nous retrouverons d’ailleurs amplement développé chez les Sommistes, cette lettre contient peu de chose au point de vue dogmatique. Plus intéressante est la lettre Adprœlatos moguntinenses, Epist., xhii, ibid., col. 218-243, écrite à soixante-treize ans, ibid., col. 229, qui contient, à côté de quelques comparaisons vicieuses, des passages sur la transsubstantiation, col. 224, sur les espèces, col. 225, sur la communion des apôtres qui ont reçu le corps « impassible » , col. 226, sur la communion des malades, col. 227, etc. ; un cas de rubrique y est imparfaitement résolu, col. 225.

En même temps que ses travaux liturgiques cités plus bas, le célèbre Honoré d’Autun a composé, à la demande d’un de ses confrères voué au ministère des âmes, un court traité sur l’eucharistie : Eucliaristion seu Liber de corporect sanguine Domini, P. L., l. clxxii, col. 1249-1258, destiné, dans sa pensée, à un plus grand nombre de lecteurs. Cf. le prologue, ibid., col. 1249. L’ouvrage est intéressant par la note plus personnelle qui s’y accuse et surtout par l'échappée de vue qu’il ouvre sur les préoccupations populaires : on y voit encore la trace des attaques des sectes hérétiques dans le peuple, par exemple, sur l’augmentation ou la diminution quantitative du corps du Christ, c. I, col. 1250 ; c. ii, col. 1251, ou sur l’appellation de sacramentum, vcl figura, c. viii, col. 1254 ; en même temps s’y reflètent les questions débattues dans les écoles : par exemple, liinc qiiwritur, solct quæri, etc., c. v, vi, col. 1252, 1253, sur la valeur de la consécration jiar les mauvais prêtres, c. x, col. 1255, etc. S’il est très net sur la conversion : panis in corpus substantialiter »crtatur, c. ix, col. 1255, ce qu’il dit sur les hosties mangées par les animaux est singulier, col. 1255. Voir plus loin. Remarquons le soin qu’il prend de donner comme point de départ à sa dissertation, le trifarie corpus Domini dicitiir, c. xi : le corps né de la Vierge, le corps présent â l’aulcl, le corps mystique ou l’figlise. L’insistance sur ce dernier point s’cxplique entre autres choses, chez Honoré