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EUCHARISTIE AU XIP SIÈCLE EN OCCIDENT


(Lalran, 1215). On ne peut complètement négliger non plus les autres manifestations de l’activité ecclésiastique ou pastorale : la poésie liturgique, les traités liturgiques ou ascétiques, les sermons, etc., contiennent des affirmations qui anticipent sur l’exposé systématique de l’école ou répandent sous une forme vulgarisée les expressions créées par les magisiri scolares. Il en va de même avec les recueils épistolaires : consultations théologiques, doutes de conscience, exposés complémentaires de certains points de doctrine, cas de rubrique, réfutations d’erreurs locales, etc., les lettres d’Anselme, d’Yves de Chartres, d’Arnoul de Rochester, de Hugues Métel, de Gilbert de la Porée, de Baudouin de Cantorbéry, etc., sont des plus précieuses en ces matières. Mais c’est aux ouvrages scolaires que revient le premier rôle dans l’œuvre de systématisation et de codification à laquelle se voue presque tout le xiie siècle ; la théologie de l’eucharistie garantit à cette systématisation sacramentaire des Sommistes de l’époque un intérêt de premier rang, aussi bien pour l’ordonnance harmonieuse des concepts sur le sacramentum ou les corollaires de la doctrine sur la conversio, que pour l’habile utilisation des traités spéciaux de leurs prédécesseurs. Il n’est pas de dissertation développée, comme celle de Guitmond ou celle d’Alger, ni de monographie de détail, comme les consultations sur la communion de Judas ou sur le stercoranisme, qui n’ait trouvé quelque écho dans les Sententise des premiers Sommistes. On ne peut oublier non plus que les grands théologiens du xiiiie siècle sont en beaucoup de points les héritiers directs de ces Sommistes dont l’un, le plus célèbre si pas le plus méritant, Pierre Lombard, lègue à quatre siècles et davantage ses Quatuor libri Sententiarum, comme cadre et thème de presque tous les commentaires théologiques. Souvent même, comme Denifle, K. Muller et d’autres en avaient déjà fait la remarque, c’est aux écrits du xiie siècle qu’il faut recourir, pour saisir la’]^vraie portée ou les termes mêmes d’un problème développé au xiii « . — 1. Principales sources d’information. II. Doctrine qu’elles fournissent.

I. Principales sources d’information. — l" Polémique antihérétique. — 1. Résultats de la polémique contre les derniers partisans de Bérenger. Situation au début du A//e siècle. — Entre l’époque de Bérenger (1050 environ-1088) et celle de la systématisation opérée par les Sentenciers ou les Sommistes, les traités particuliers forment en quelque sorte le trait d’union, les Sommistes se contentant fréquemment de résumer, ou d’enregistrer, des questions déjà étudiées par ces polémistes. L’on a déjà parlé ailleurs, voir Bérenger, t. ii, col. 738-739, des premiers adversaires de Bérenger qui, tous, ou peu s’en faut, se sont trouvés groupés un moment autour de la chaire de Fulbert de Chartres (Adelman, Durand de Troarn, Hugues de Langres, Alger de Liège, etc.), ou de celle de Lanfranc (Guitmond, Anselme, Arnoul de Rochester, etc.) et dépassent leurs maîtres ; presque tous aussi appartiennent à l’ordre bénédictin. Ruinart, Abrégé de la vie de J. Mabillon, Paris, 1709, p. 321.

Parmi ces premiers témoins ou ces premiers inspirateurs de la pensée théologique du xiie siècle sur le sujet qui nous occupe, il faut citer ici, après celui de Lanfranc, les noms de Guitmond d’Aversa, d’Alger de Liège et de Grégoire de Bergame. Le premier, ancien élève de Lanfranc et sur le point, un moment, de devenir évêque en Angleterre, passe finalement en Italie où il devient évêque d’Aversa (Apulie) après 1088 ; il meurt dans les dernières années du xie siècle, mais son influence au siècle suivant exige qu’on en parle ici. C’est en Normandie, à La Croix-Saint-Leufroi probablement, sous le règne de Grégoire Vil

(1073-1085) et avant le synode romain de 1078, qu’il écrit son ouvrage : De corporis et sanguinis Domini veritate libri très, P. L., t. cxlix, col. 1422-1494. L’ensemble du traité, directement dirigé contre celui de Bérenger paru peu auparavant, suit dans les grandes lignes la marche du De sacra cœna, édit. Vischer, Berlin, 1835.

Après une introduction développée qui donne de précieuses indications, fort prisées de Mabillon, sur les principales catégories des partisans de Bérenger, Guitmond répond aux questions et expose sa doctrine : c’est sous la forme d’un dialogue où le moine Roger, plus tard abbé de Montebourg dans le Cotentin, interroge l’auteur et lui présente les difficultés qui l’arrêtent, 1. I, ou les objections des adversaires, 1. Il ; le 1. m est consacré aux preuves patristiques de la foi catholique contre les deux grands groupes de bérengariens : les umbratici et les impanatores, op. cit., col. 1430, 1469, 1480, etc. ; le dialogue y devient monologue, car le moine Roger n’a que deux mots d’approbation pour finir. Ibid., col. 1494.

Les deux autres traités se placent plus tard et l’un d’eux longtemps après la mort de l’hérésiarque (1088), mais nous savons qu’un renouveau de l’erreur bérengarienne se produisait de temps à autre (voir entre autres textes, plus loin, celui d’Abélard ) et que les vestiges de l’hérésie continuaient à tourmenter les esprits. L’ouvrage d’Alger de Liège : De sacramento corporis et sanguinis dominici, P. L., t. CLxxx, col. 739-860, antérieur à l’entrée de son auteur à Cluny (vers 1120), fait le plus grand honneur aux écoles de Chartres et de Liège. Alger y tire profit de l’exposé de Guitmond, mais il dépasse son prédécesseur en pénétration et en exactitude. Si l’œuvre de Guitmond fit un moment placer l’évêque d’Aversa au-dessus même d’Anselme de Cantorbéry, cf. Anselme, Epist., 1. I, epist. xvi, P. L., t. clviii, col. 1082, un juge aussi compétent que Pierre le Vénérable n’hésita pas à donner la palme à l’écolâtre de Liège, Contra Henricum et Petrobrusium hsereticos, P. L., t. CLxxxix, col. 788, en plaçant les trois grands polémistes dans la gradation suivante : Lanfranc bene perfccte, Guitmond melius…perfectius, Alger optime… perfectissime. Voir l’injuste appréciation d’Ellies Dupin partagée par l’Histoire littéraire de la France, t. xi, p. 158. Après un prologue où se trouve la liste des six erreurs principales, op. cit., col. 739740, le 1. I^’d’Alger établit le dogme de la présence réelle et du changement du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ. Le IP répond à un certain nombre de questions, de « pourquoi » , fort discutées à cette époque : neuf chapitres sur les dix que comprend ce livre sont introduits par la particule car. Son 1. III, qui n’était pas annoncé dans leprologue, ibid., col. 744, examine le problème de la valeur des sacrements et del’eucharistie en particulier, chez les prêtres indignes : quia major est dubitatio. Ibid., col. 831. Notons tout de suite combien toutes ces qusestiones du IP et du IIP livre se retrouvent résumées, effleurées ou rappelées chez les Sommistes, tels que Roland Bandinelli, les auteurs de la Summa sententicu-um ou des Sententise diviniialis, Pierre Lombard, etc.

Quelque dix ou vingt ansplustard(versll30-1140), l’Italie, comme la Normandie, la France ou la Lotharingie, eut aussi son traité sur l’eucharistie. Grâce à Mabillon qui a si bien mérité de l’histoire du dogme eucharistique au moyen âge, l’œuvre a été sauvée de l’oubli et le seul texte que nous en ayons est la copie transcrite, pour le célèbre mauriste qui l’appréciait hautement, par un moine de Vallombreuse, J. A. Casari, en 1686. On la trouve dans le manuscrit de la Bibliothèque nationale, lat. 17187, qui a appartenu à Martène, fol. 295 sq. L’ouvrage a pour titre : Tra-