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EUCHARISTIE DU IX « A LA FIN DU XP SIÈCLE

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du corps du Christ dans le corps des communiants. Si quelqu’un a soutenu le stercoranisme au ixe siècle, il semble bien que c’est Héribald d’Auxerre qui posa à Raban Maur la question que nous avons vue, et que c’est Raban dans la rc^ponse qu’il lui adressa. L’anonjmie de Cellot, c’est-à-diiL’très probablement Hériger de Lobbes, De corpvre et sanguine Domini, c. i, P. L., t. cxxxix, col. 179, les stigmatise l’un et l’autre en ces termes : His qui dixcrunt secessui obnoxium (quod nunquam est auditum), id est, Heribaido Antisiodorensi, qui lurpiler proposuil, el Rabano Mogonlino, qui lurpius assumpsil, (urpissime vero conclusil, suus ad respondendum locus servetur. Mais Mabillon a présenté une défense ingénieuse et plausible de Raban et même d’Héribaîd, Acta sanctorum ordinis sandi Benedicli, sœc. IV, part. II, t. VI, p. xxvii-xliii ; la question d’Hcribald : utrum eucharislia, posiquam consumiliir, et in secessum emittitur more aliorum ciborum, ilcrum redeat in naturam prislinam quam habuerai antequam in altari consecraretur, concernerait non le corps du Christ, mais les espèces du pain et du vin. Cf. encore L.-Ellies Dupin, Histoire des controverses et des matières ecclésiastiques traitées dans le /x’=sièc/c, nouv.édit., Paris, 1724, p. 249. S’il en est ainsi, nous n’avons pas à cilcr un seul écrivain du ix’e siècle qui ait défendu le stercoranisme. Toutefois, ce matérialisme grossier préoccupe les esprits, puisque Ratramne « entend en prendre la contre-partie, quand il affirme avec force que le corps eucharistique est chose spirituelle, et donc nihil corporeum, nihil corruplibile, » P. Batifïol, L’eucliaristie, la présence réelle et la transsubstantiation, p. 358, puisque Paschase Radbert, Liber de corpore et sanguine Domini, c. xx, n. 1, 3, P. L., t. cxx, col. 1330, 1331, le réfute — à propos, il est vrai, d’un apocryphe — et que Raban Maur en traite avec Héribald. Un anonyme, dont nous ignorons s’il vécut lu IX ou auxe siècle (il est antérieur à Hériger, qui le cite), dans un traité sur l’eucharistie qui a été publié par d’Acherj’, Spicilegium, Paris, 1675, t. xii, p. 39-42, sous le titre de Responsio cujusdam de corpore et sanguine Domini, combat, lui aussi, directement le stercoranisme. Hériger, à son tour, le repousse avec énergie, De corpore et sanguine Domini, c. i, ix, P. L., t. cxxxix, col. 179, 187-188 ; il s’en prend à ses adeptes, mais ilors que, pour le passé, il désigne Héribald et Raban Maur, dans le présent il n’indique pas des noms. Au xie siècle, nous avons une lettre du cardinal Humbcrt à Eusèbe Brunon, évoque d’Angers — il passait pour le protecteur de Bérenger — publiée par K. Francke, dans Neues Archiv der Gescllschajt fiir altère deulsche Geschichiskunde, Hanovre, 1882, t. vii, p. 614-G15, et par P.-P. Brucker, L’Alsace et l’Église au temps du pape saint /, co ; i /A’, Strasbourg-Paris, 1889. t. ii, p. 393-395, dans laquelle il lui dit : si enim prudenter advertisses quod Dominus, qui te ccclesiæ tuæ prœjecit, non per sophlsfas seu aristotelicos sed per simpliccs et idiotas Ecclesiam sunm per omnes génies fundaverit et difjuderit, non lot et tanlos motus… excitasses, nec cum Berengero tuo (ah l pudet) stercoranista dici et agnnminari, sicut Francigenarum scripta quæ ad nos pervencrun’edoccnl, meruisses. Le même cardinal, dans sa virulent c Responsio sivt coniradictio contre Nicetas Pectoralus, c. xxii, /’. L., t. cxliii, col. 093, écrit : sed, o perfide stercorianista, qui pulas fidcli parlicipatione corporis et sanguinis Domini quadragrsimalia alque ecclesiastica dissolvi jejunia, omnino ricdens CKlestem escam vclul terrenam per aqualiculi fetidam et sordidam egestionem in secessum dimilli. Cf., sur le stercoranisme des grecs, Mger de Liège, De sacramentis corporis et sanguinis dnminici, I. IF, c. i, P. L., t. ci.xxx, col. 810, qui dépend d’Huinbert. Le mot « stercoranisme » a fait son entrée dans l’histoire. Cf. aussi Durand de Troarn, Liber de corpore et san guine Clu-isti, c. iii, P. L., t. cxlix, col. 1382. Mais, quoi qu’il faille penser de ces écrits de Français parvenus au cardinal et racontant que Bérenger et son ami Eusèbe Brunon étaient appelés stercoranistes, on ne voit pas comment cette appellation pourrait convenir ù l’hérésiarque, lequel professait exactement le contraire du stercoranisme et objectait à ses contradicteurs que leur croyance conduisait au stercoranisme. Cf. Guitmond, De corporis et sanguinis Christi verilate in eucliaristia, 1. II, P. L., t. cxlix, col. 1450-1453. L’épithète ne s’applique pas davantage à Nicetas Pectoratus, comme on s’en aperçoit en lisant le Libellas contra latinos, c. xi-xiv, P. G., t. cxx, col. 1017-1019, qui motive la réponse d’Huinbert. Il ne dit pas que la communion rompt le jeûne, mais que l’ancienne règle est de ne pas célébrer la messe pendant le carême, le dimanche et le samedi exceptés ; ces deux jours, il est prescrit de célébrer à tierce et ensuite on prend de la nourriture, le jeûne n’étant pas compatible avec l’allégresse du samedi et du dimanche, tandis que, les autres jours de la semaine, on reste à jeun jusqu’après la messe des présanctifiés, qui est fixée à none. Ce qu’il reproche aux latins, c’est non pas de rompre le jeûne par la réception de l’eucharistie, mais de communier à la troisième heure et de rompre le jeûne ensuite, au lieu d’attendre, pour le rompre, la neuvième heure, c’est de faire tous les jours ce que les grecs ne font que le samedi et le dimanche. Il est plus ou moins exactement renseigné sur l’usage des latins en matière de jeûne ; il ne professe pas le stercoranisme. Cf. Mabillon, Acta ordinis sancti Benedicli, ssec. iv, part. II, t. vi, p. xxxiv-xxxv. Le stercoranisme exista donc à l’état de péril inquiétant la conscience catholique, de problème qui se posait avec une sorte d’obsession, peut-être même fut-il admis franchement par des catholiques à l’esprit épais ; il n’est pas un écrivain dont ou puisse dire avec certitude qu’il l’enseigna.

Le stercoranisme exclu, la question du devenir du corps du Christ après la communion reçut les solutions suivantes. Wolphelme de Brauweiler, Epist. de sacramenio eucharistise contra errores Bcrengarii, P. L., t. CLiv, col. 414, dit simplement : post expletam more catholico communionem, sanum et incolume, vivum et integrum se recipit ad Palrem. Paschase Radbert insista sur l’union entre la chair du Christ et la chair du communiant. Liber de corpore et sanguine Domini, C. xviii-xix ; Epist. ad Frudegardum, P. L., t. cxx, col. 1325-1329, 1364-1366. Hériger, De corpore et sanguine Domini, c. ix, P. L., t. cxxxix, col. 188, dit à son tour, dans un très beau langage qui n’est guère que la reproduction ipsis tcrminis du texte de Paschase : Quia vero credimus non solum animam sed el carnem nostram hoc mystcrio recrcari…, carni quidem caro spiritualiter conviscerata transformatur, ut et Christi substantia in noslra carne inveniatur, sicut et ipse nostram in suam constat assumpsisse deitalem, ut qui manducal ejus carnem et bibit sanguinem vivat per animam el nunc et in aelernum, et caro de terris pulvere ressuscitata vivificetur in novissimo die. Hériger ne parle pas ici des « symboles du pain et du viii, » comme le lui fait dire Ellies Dupin, Histoire des controverses. .. traitées dans le ixe siècle, p. 250, mais du corps du Christ. Il enseigne, avec nombre de Pères, que par la communion notre chair devient la chair du Christ et reçoit un principe d’immortalité. Les mots ut et Christi substantia in noslra carne inveniatur sembleraient même impliquer une permanence physique de la chair du Christ dans la chair du communiant. Cf. l’hypothèse de V. Contenson. Theologia mentis clcordis, I. XI, dissert. II, c. ii, édit. Vives, Paris. 1875, t. IV, j). 203. Mais leur sens est adouci par les mois qui précèdent : spiritualiter conviscerata ; il y a bien permanence, mais seulement d’effets, ainsi que le montre