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EUCHARISTIE D’APRÈS LES PÈRES


même du Christ que le corps humain est assuré d’un tel privilège, car, dit-il, « il n’est pas possible que notre corps devienne immortel s’il n’a pas acquis l’incorruptibilité par son union avec l’immortel. » Oral, catech., 37, P. G., t. xlv, col. 96. Or, il l’acquiert par la communion ; c’est donc que l’eucharistie contient et donne le corps du Christ. Mais alors saint Grégoire se demande comment il se peut que ce corps unique qui, chaque jour, sur toute l’étendue de la terre, est distribué à tant de milliers de fidèles, reste entier en lui-même et soit reçu en entier par chaque communiant. Ce problème, qu’il pose le premier, et qui devait nécessairement se poser tôt ou tard à l’avide et respectueuse curiosité de ceux qui veulent se rendre compte dans la mesure du possible de l’objet de leur foi, saint Grégoire essaie de le résoudre. Il note d’abord le phénomène physiologique qui s’opérait dans le Verbe incarné. Quand le Christ mangeait du pain et buvait du viii, il les assimilait à sa chair et à son sang. L’aliment passait en la nature de son corps, npo ; ToO <jojii.y.’o : çjaiv. Quelque chose de semblable se passe dans l’eucharistie, mais avec une différence caractéristique. « Aujourd’hui le pain est sanctifié par la parole de Dieu et par la prière ; il n’est plus assimilé au corps du Verbe par le travail de la nutrition, o’.à ["ipciCTEo) ; y.ai Ttôuôto ;, mais il est converti instantanément au corps du Verbe, e’jOj ; nphi tô (Tiijjia Tov AdyoO (A£Ta7Toioj(j.evoç. Même changement pour le vin. Ainsi, par la vertu de l’eulogie, le Verbe transclémente en son corps la nature des choses qui paraissent aux yeux, ->, xf, ; cJÀoyi’a ; ô’jvijjei upô ; Èzeïvo (7(ij(j.a îj.£tao’TOi/e’.(Ô7a ; "côv çaivojj.jvtov Tr, -/ 9-j(jtv. Ibid., col. 96-97.

Si quelque chose est fortement affirmé par saint Grégoire de Nysse, c’est assurément le dogme de la présence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ dans l’eucharistie, ainsi que la participation réelle du communiant à ce corps et à ce sang. Quant à la conséquence qu’il tire de la communion, à savoir que par l’union physique de notre corps avec le corps du Christ notre chair devient incorruptible et participera à la résurrection, elle laisserait croire, ce qui est faux, que les communiants seraient seuls à ressusciter un jour. Beaucoup plus précis, saint Jean Chrysostome, nous l’avons vii, constate que tous les hommes doivent ressusciter indistinctement, mais en remarquant que la communion sera, pour ceux qui y ont pris part, un gage de résurrection glorieuse. Nous verrons plus loin les précisions de saint Cyrille d’Alexandrie. Ce qu’affirme encore saint Grégoire de Nysse avec une netteté remarquable, c’est qu’il se fait dans le mystère eucharistique un changement ou une conversion : le pain devient par la consécration le corps du Christ. C’est une (icraTioiviTt ;, et cette [is.-.a.Tzoirj’nç est réelle. Sans doute, il emploie quelquefois les mots de i.i-zx~’jîr^>71 ;, ixETïTTa’T'. ;, (/.eTadToi/ïitoij ;  ;, dans le sens d’un changement moral ; mais tel n’est pas le cas ici, comme le prouve la comparaison qu’il fait de cette conversion eucharistique avec celle que subit l’aliment assimilé par la nutrition ; il s’agit bien d’une conversion réelle. I^aquelle ? C’est sur ce point précis que sa pensée reste vague et indécise. Il dit que, dans l’alimenlation ordinaire, l’aliment change en la forme, eIôo ;, et en la nature, çjai ;, du corps ; il dit que, dans l’eucharistie, la ^^’7 !  ; et les rs-.nv/y.x du pain et du vin sont convertis, mais il ne parle pas de l’oOiia, delà substance. Si, dans l’eucharistie, le Verbe prend simplement possession du pain comme il a pris possession d’un corps luimain dans l’incarnation, ce ne serait qu’une simple impanation, pensée qui n’est. tiullement celle de saint (irégoirc de Nysse, puisqu’il | aflirme que par la communion ce n’est pas seulement ! le Verbe que l’on reçoit, mais sa chair et son sang.

comme le gage de l’incorruptibilité de notre chair. Il faut donc que le pain soit converti en cette chair divine. La confusion vient du rapprochement fait entre l’assimilation physiologique et la conversion eucharistique : les deux cas ne sont pas semblables. Dans la nutrition, le pain s’assimile au corps, mais en cessant d’être pour se transformer en un corps qui existait déjà. Cesse-t-il d’être également dans l’eucharistie ? C’est ce que saint Grégoire de Nysse ne dit pas. Enfin « il n’a pas soupçonné, dit Mgr Batiffol, L’eucharistie, p. 256, que le corps eucharistique qu’il donnait au Verbe était un corps nouveau, un corps autre que le corps historique. Le Verbe se donne un corps, en vue de l’eucharistie, comme il s’en est donné un en vue de l’incarnation. Et il peut dire du corps eucharistique : « Ceci est mon corps, » puisque ce corps est sien. Mais ce corps n’est pas celui qui est né et qui a souflert. » Bref, si les distinctions et les précisions indispensables font défaut, le témoignage de saint Grégoire de Nysse sur l’existence d’une conversion réelle est à retenir. Et « s’il ne s’est pas expliqué aussi complètement qu’on le fera plus tard, il n’en reste pas moins, remarque M. Tixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 183, qu’il a nettement orienté la pensée chrétienne vers l’idée de transsubstantiation. »

Dans l’Église syriaque.

Dans les communautés

chrétiennes de langue syriaque, tout le long du Tigre et de l’Euphratc, notamment à Nisibe et à Édesse.on professait la même foi eucharistique. Voir Aphhaate, t. I, col. 1462. Nous n’en citerons qu’un seul témoignage, qui, pour être d’un poète plus que d’un théologien, n’en atteste pas moins le dogme de la présence réelle. Il est de saint Éphrcm († 373) ; Th.Lamy, S. Ephra’in Sijri hijmiii et scnnoncs, Malines, 1882-1889, t. I, p. 413 : « Jésus, Notre-Seigneur, prit dans ses mains du pain — au commencement ce n’était que du pain — le bénit…, le consacra… Dans sa miséricordieuse bonté, il appela le pain son corps vivant et le remplit de lui-même et de l’Espri l -Saint… Prenez, dit-il, mangez tous de ce que ma parole a consacré. Ce que je vous ai maintenant donné, ne croyez pas que c’est du pain… Ce que j’ai appelé mon corps l’est en réalité… Prenez, mangez avec foi, sans hésiter, car c’est mon corjjs, et celui qui le mange avec foi mange en lui le feu de l’Esprit divin. Pour celui qui mange sans foi, ce n’est que du pain ordinaire, mais celui qui mange avec foi le pain consacré en mon nom, s’il est pur, il conserve sa pureté, s’il est pécheur, il obtient son pardon. Celui qui le repousse, le méprise et l’outrage, celui-là qu’il tienne pour certain qu’il outrage le Elis qui a appelé et fait réellement du pain son corps… lùi leur donnant le calice à boire, le Christ leur explique que le calice qu’ils buvaient était son sang : Ceci est mon vrai sang qui est versé pour vous tous, prenez, buvez-en tous, c’est le nouveau testament et mon sang. Vous ferez comme vous m’avez vu faire en souvenir de moi. Lorsque vous vous réunirez dans l’Église en toutes contrées, en mon nom, faites ce que j’ai fait en souvenir de moi, mangez mon corps et buvez mon sang, testament nouveau et ancien. >’Traduction de M. J. Lamy, dans L’Université catholique, t. iv, p. 173 sq. Arnauld, Perpétuité de la foi, t. iii, I. VI, c. iii, p. 364-365, cite cet autre passage tiré d’un traité dont l’objet est de montrer qu’il ne faut point sonder curieusement la nature de Dieu : « I>'agneau de Dieu nous a donné son très saint et très

ir corps, afin que nous le mangions continuellement et que nous obtenions en y participant la rémission de nos péchés. Celui qui possède cet (cil de la foi voit clairement le Seigneur et avec une foi très ferme et très pleine, il mange le corps et il boit le sang de l’agneau innocent, lils unique du l’ère