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EUCHARISTIE D’APRES LES PÈRES


t. XI, p. 93-111. Steitz, du moins, n’avait pas hésité à reconnaître que Chrysostome enseigne clairement la présence réelle du Christ sous les apparences du pain et du viii, par suite d’un changement réel ; il est allé même jusqu’à lui attribuer le rôle le plus important dans le développement de la doctrine eucharistique. Bie Abendmahlslehre, dans Jahrbucher fur deulsche Théologie, 1865, t. x, p. 446-462. Cf. Fr. Lauchert. Die Lehre lier heiligen Vàtcr Cijrillus von Jérusalem, Gregor von Nyssa, Johannes Chrysostomus und Johannes von Damaskus von der Eucharislie, dans la Revue internationale de théologie, 1894, t. ii, p. 427430. Pour J. Sorg, Die Lehre des hl. Chrysostomus iiber die reale Gegenwart Christi in der Eucharistie und die Transsubstantiation, dans Theologisehe Quarialschrift, 1897, t. lxxix, p. 259-298, et A. Nægle, Die Eucharistielehre de hl. Chrysostomus, des Doctor-Eueharistise, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 78 sq., le dogme de la transsubstantiation se trouve implicitement contenu ou même formulé en termes équivalents dans la doctrine de saint Jean Chrysostome ; et c’est bien, semble-t-il, ce qu’il est dirticile de contester.

En Cappadoce.

Nous venons de voir la contribution

importante qu’ont apportée à la doctrine eucharistique saint Cyrille de Jérusalem et saint Jean Chrysostome. Une contribution non moins importante est due aux Pères cappadociens, notamment à saint Grégoire de Nysse.

1. Saint Basile († 379). — L’évêque de Césarée est particulièrement retenu dans l’expression de sa pensée par la discipline du secret. Il fait allusion à la tradition non écrite, d’origine apostolique et de valeur égale à la tradition écrite, et lui attribue l’invocation ou épi-Clèse qui sert in tt ; àvaôiiËit to-j à’pTou tr, < ; E’jyap’.Ttia ; et qui est une prière précédée et suivie d’autres paroles de très grande importance pour le mystère, De Spiritu Sa/ïdo, xxvii, 66, P. G., t. xxxii, col. 188, mais il ne nous en fait pas connaître les termes. La liturgie qui porte son nom permet de suppléer à son silence. A l’épiclèse, le célébrant demande à Dieu que sur les antitypes du corps et du sang du Christ, à savoir, sur les oblata, descende le Saint-Esprit, sJÀoYTjTai, àyi.-k’jxi, âvaSsîlai tôv (i.sv apTov toOtov aCirb tô Tt’a : ov aiù).v. toO Kuptou… -h oî uoTi^ptov TO-JTO aÙTo TÔ Tiatov at(J.a toû Kupio’j… Et, à la postcommunion, il remercie Dieu de nous avoir donné la /.oivcovt’a toC àyîov « rcôpiaTo ; xocl aîu.aTo ; to-j Xpio-ioO lou. Brigthmann, Eastern liturgies, Oxford, 1896, p. 328, 342. Il est question d’antitypes, mais à propos du pain et du vin et avant leur consécration, car après il n’est plus question que du corps et du sang du Christ. Saint Basile, auteur ou non de cette liturgie, ne pensait pas autrement ; et, malgré toute la réserve et la prudence qu’il qfet dans son langage, il fait connaître suffisamment sa foi en la présence réelle. Il est convaincu, par exemple, qu’on reçoit le Christ lui-même dans la communion. « Ignorez-vous, demande-t-il, quel est celui que vous devez recevoir ? C’est celui qui a dit : « Moi et mon « Père, nous viendrons et nous ferons notre demeure II en lui. » De jejunio, homil. i, 11, P. G., t. xxxi, col. 184. >( Il est bon et utile de communier chaque jour (on communie quatre fois par semaine à Césarée) et de prendre sa part du saint corps et du sang du Christ. « Epist., ciii, P. G., t. xxxii, col. 484. Celui qui communie sans considérer qu’il participe au corps et au sang du Christ ne retire aucun profit. Mor., reg. XXI, c. 1, P. G., t. xxxi, col. 740. Pour manger le corps et boire le sang du Christ, il faut être pur. Mor., reg. lxxx, c. 22, col. 869. Dans ses Regulæ brevius tractatæ, intcr. clxxii, col. 1196, il règle qu’il faut participer au corps et au sang du Christ, d’abord avec crainte, parce que l’apôtre a dit : « Quiconque mange et boit indignement, sans discerner le

corps du Seigneur, mange et boit son propre jugement ; » ensuite avec une conviction intime, c’est-à-dire avec foi, puisque le Seigneur a dit : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang. » Son principe est qu’il ne faut point douter de la parole du Seigneur, mais être persuadé qu’il n’a rien dit qui ne soit vrai et possible, quand même la nature y trouverait de la répugnance. Or, parmi les paroles du sens desquelles il convient d’admettre la vérité et la possibilité, il cite précisément la réponse du Sauveur aux capharnaïtes : « Si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et ne buvez son sang, vous n’aurez point la vie en vous. «  Mor., VIII, reg. i, P. G., t. xxxi, col. 713.

Ce langage réaliste et conforme à la liturgie ne l’empêche pas d’allégoriser à la manière d’Eusèbe de Césarée ou d’Origène, et de dire qu’on mange la chair du Christ et qu’on boit son sang, quand on participe au Verbe et à sa sagesse, à sa venue mystique et à sa doctrine, Epist., viii, 4, P. G., t. xxxii, col. 253 ; mais pas plus qu’Origène ou qu’Eusèbe, il n’entend prétendre que cette interprétation allégorique détruise ou remplace l’interprétation littérale des passages eucharistiques.

2. Saint Grégoire de Nazianze († 390). — L’ami de Basile emploie les mots de type et d’antitype. C’est ainsi que, racontant la guérison miraculeuse de sa sœur Gorgonie, il dit qu’elle mêla ses larmes aux antitypes du corps et du sang de Jésus-Christ. Oral., viii, 18, P. G., t.xxxv, col.809. Dans un autre discours, il s’adresse ainsi au préfet : « Je mets devant vos yeux cette table où nous communions ensemble, et les images de mon salut, t-Jttou ; iriç Èp. ?, !  ; (Twxr, p ; 3 ;  ;, que je consacre de cette même bouche avec laquelle je vous présente une requête, ce sacrement qui nous élève au ciel. » Orat., xvii, 12, col. 980. Grégoire de Nazianze n’est pourtant pas un symboliste, car il recommande aux fidèles de participer sans honte et sans hésitation au corps et au sang de Jésus-Christ : çâvs -h « Ttôtia, dit-il dans un langage réaliste, nie tô aljj.a. Oral., XLV, 19, P. G., t. xxxvi, col. 649. Dans une de ses lettres à Amphilochius, il écrit : « Ne négligez point, très saint homme de Dieu, de prier et d’intercéder pour moi, lorsque, par votre parole, vous ferez descendre le Verbe divin, et que, par une incision non sanglante, vous diviserez le corps et le sang du Seigneur, votre parole vous servant de couteau, ôtav àvaiaixTJp to(j.ïj (7(ô[xa xai alfia Ti[j.vr| ; Seo-TioTf/.ov, çrovYjV à’x’ov TÔ Ëe’yo ;. » £’pIS^, CLXXI, P. G., t. xxxvii, col. 281. Mais ni lui ni son ami Basile n’ont laissé trace dans leurs ouvrages d’un essai quelconque d’examen pour s’expliquer le mystère eucharistique et le mode de la présence réelle : ils croient à cet te présence réelle sur l’autorité de Dieu, ils l’affirment, ils ne font pas d’analyse. Saint Grégoire de Nysse est beaucoup plus explicite.

3. Saint Grégoire de Abysse (-|- après 394). — La manière dont saint Grégoire de Nysse entend l’excellence que la bénédiction donne aux objets matériels tels que l’eau, l’huile, le pain, le viii, et la différence qu’il fait entre la bénédiction des objets ordinaires et celle du pain et du viii, montrent qu’il croît à la présence du Christ dans l’eucharistie. Le pain, en effet, qui n au commencement était du pain ordinaire, devient et est appelé le corps du Christ, dès qu’il a été consacre par la parole mystique. » Orat. de baptismo Clvisti, P. G., t. xLvi, col. 581. Mais c’est surtout l’effet spécial qu’il attribue à l’eucharistie, celui de procurer à noire corps le privilège de l’incorruptibilité, qui implique la présence du corps immortel et incorruptible du Christ dans ce sacrement. Là, en effet, est, pour le corps humain, le remède salutaire, le contrepoison ou l’antidote qui lui assure l’immortalité et l’incorruptibilité. C’est par son union physique avec le corps