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EUCHARISTIE D’APRÈS LES PÈRES


oppose. En outre, ce qu’il veut noter ici, et cela suffit pour traiter l’objet et atteindre le but de sa lettre, à savoir, la nécessité de se servir de vin et de mêler de l’eau au viii, c’est que, de même que le vin est employé parce qu’il a toujours été le symbole du sang d’après l’Écriture, de même l’eau doit être mêlée au vin parce qu’elle est le symbole du peuple chrétien ; un tel rapprochement est très légitime ; mais, d’une ressemblance purement accidentelle entre l’eau et le vin en tant qu, ’symboles, on ne peut pas conclure à leur ressemblance complète de fonctions et dire que le vin ne joue d’autre rôle que celui de l’eau.

Au demeurant, comme nous l’avons déjà indiqué et comme les scolastiques le mettront en lumière, le mot symbole peut parfaitement être attribué au signe sacramentel, à ce que nous appelons les espèces du pain et du vin ; mais ce symbolisme du signe n’est nullement la négation de la réalité contenue sous le signe, ni dans saint Cyprien, ni dans aucun des Pères qui ont le plus parlé de symbole. Dans l’Église latine, on retrouvera, sous la plume de saint Augustin, ce double courant de réalisme et de symbolisme, plus ample encore et plus réfléchi, mais non moins justifié. Dans l’Église grecque. Clément et Origène, deux allégoristes, parlent pareillement de symbole et ne sont pas moins réalistes que leurs contemporains ou leurs devanciers.

6 » A Alexandrie. — 1. Clément d’Alexandrie. — Ce disciple de Pantène parle peu de l’eucharistie et, quand il en parle, ce n’est pas toujours d’une façon claire et littérale à la manière d’un catéchiste qui voudrait expliquer le mystère eucharistique. Il est retenu par les usages du temps qui veulent qu’on soit discret sur ce point ; mais il suppose le mystère connu des initiés, et il s’en sert comme d’un point de départ ou comme d’une base pour se livrer à des spéculations, en exégète qui allégorise et en philosophe qui entend opposer une gnose chrétienne et orthodoxe à la gnose intempérante et hérétique des valentiniens. Ceux-ci, en effet, prétendaient qu’il y a deux christianismes, l’un tout à fait élémentaire pour les simples, les enfants ou la masse, l’autre supérieur pour ceux qui savent, les sages et les gnostiques ; l’un qui n’offre que le lait des commençants, celui que saint Paul avait donné aux Corinthiens, xo yà/a, c’est-à-dire les Tipto-ra lj.a9Ti|j.aTa, Trptoraç rpoçi ?, l’autre qui donne la vraie nourriture, l’aliment substantiel, le ^pwija, c’est-à-dire les 71ve-jij.aTt/.ai sTtiYvfô-Tecç ; et cette dernière nourriture, ils la qualifiaient de chair et de sang de Jésus, (jâpxa y.ai ac|j.a toû’Iir, (io’j. Psed., i, 6, P. G., t. viii, col. 296. Certes, Clément d’Alexandrie n’était pas homme à reculer devant de telles distinctions et qualifications, sauf à les justifier dans le sens de l’orthodoxie chrétienne. Il distinguait, lui aussi, deux degrés dans la connaissance religieuse, l’un proprement élémentaire, celui de la catéchèse, premier aliment de l’âme comparable au lait des tout petits enfants, et l’autre supérieur, celui de la contemplation, nourriture solide et gnose des initiés ; et il n’hésitait pas à dire que la chair et le sang du Logos constituent l’intelligence de la puissance et de l’essence divine, et que se nourrir du Logos divin, c’est connaître la divine essence. Strom., V, 10, P. G., t. ix, col. 101. Mais il prétendait que le lait donné par saint Paul aux Corinthiens est un aliment parfait, le lait du Christ, le Verbe allégoriquement compris, le Verbe incarné devenu une tfocpri Tive^fj-aTty-r, pour les sages comme pour les enfants. Car le Verbe est tout pour l’enfant : père, mère, pédagogue, nourricier. « Mangez ma chair, a-t-il dit lui-même, buvez mon sang. » Voilà les aliments qu’offre le Seigneur, la chair qu’il présente, le sang qu’il verse ; et rien ne manque alors pour la croissance de l’enfant. Pn’d., i, 6,

P. G., t. VIII, col..301. Alais tout cela n’est qu’allégorie : le sang lui-même et le lait du Seigneur ne sont que le symbole de sa passion et de son enseignement : -ô a-jTÔ -/.ai a’ij.axal yi’/oi-.’j’j Kvoio-j TtiOoj ; /.a ; ôiîxt/.-j’."/ ; a ; a-^pSoÀov. Ibid., col. 309. Mais si cette double nourriturc, le lait et la gnose, est traitée par Clément de chair et de sang du Christ par manière d’allégorie, en est-il de même de cet autre aliment qu’est l’eucharistie ? Clément sait très bien que la liturgie eucharistique comporte l’oblation du pain et du viii, puisqu’il accuse ceux qui ne se servent que d’eau, à l’exclusion du viii, d’être en opposition savec la règle ecclésiastique, (j./, -/.aTa Tov zxvova : >, ; i/./.’ir^’jl-X’. Strom., I, 19, P. G., t. VIII, col. 813. Il sait très bien que Melchisédech était la figure du Christ, que le pain et le vin qu’il offrit étaient le type de l’eucharistie, ô tôv o ; vov /ai tÔv apTûv Tr|V r, ’['.’x17’j.i-/r, ^ ôtîoo ; T^, & : pr, ve !  ; z-’jtzo’j sOyapiTtîa ;. Strom., IV, 25, col. 1369. En qualifiant ainsi la figure de nourriture sanctifiée, Clément laisse entrevoir ce qu’il pense de la réalité bien plus sanctifiée et sanctifiante qui l’a remplacée, c’est-à-dire de l’eucharistie. Il sait également que le Sauveur, après avoir rendu grâce sur le pain, le distribua pour qu’on le mange Xrjyr/.w :, c’est-à-dire en connaissance de cause. Strom., I, 10, col. 744. Il sait qu’à la synaxe, quand l’eucharistie est divisée, chacun des fidèles en prend sa part. Strom., I, 1, col. 692. Qu’est donc à ses yeux cette eucharistie figurée par le pain et le viii, faite avec du pain et du vin et reçue par les fidèles ? Sans le dire d’une façon positive et nette, il le laisse suffisamment entendre dans sa réfutation des encratites. Ceux-ci prohibaient l’usage du vin pour des motifs d’un ascétisme mal compris. Et Clément de leur faire observer que Jésus a bu du viii, qu’il a béni du viii, quand il a dit : « Prenez, buvez, ceci est mon sang. > Mais, dit-il, Jésus allégorise en désignant par la figure du vin le Verbe qui doit être répandu pour la rémission des péchés. L’allégorie porte sur le vin et sur la vigne, car Jésus n’est ni le vin ni la vigne au sens propre. Porte-t-elle également sur l’eucharistie ? Car Clément voit dans l’eucharistie le Verbe mêlé au breuvage. « Double, dit-il, est le sang du Seigneur ; il est charnel, et c’est celui par lequel nous avons été rachetés ; il est spirituel, et c’est celui par lequel nous avons été oints. Et boire le sang de Jésus, c’est participer à l’incorruptibilité du Seigneur. L’esprit est la force du Verbe, comme le sang l’est de la chair. Analogiquement donc se mêlent le vin à l’eau, et à l’homme l’esprit ; l’un, le mélange (d’eau et de vin), rassasie pour la foi ; l’autre (l’esprit) mène à l’incorruptibilité. Et le mélange des deux, à savoir du breuvage et du Verbe, est appelé eucharistie ; r, oï à|j.soïv x-lbic tiotoC tî y.at Aôyo-j s-j/y.pii-’. x xplr, -0Lu « pied., il, 2, P. G., t. vill, col. 409412. Cette manière d’entendre l’eucharistie comme une y.pâfftç ou un mélange du vin et du Verbe peut prêter à la critique au point de vue de la justesse ; elle écarte du moins toute idée de symbole et exprime une réalité présente, et une réalité sanctifiante, car ceux qui y prennent part sont sanctifiés quant au corps et quant à l’âme : ^ç o xarà Ttiaicv [j.£Ta"Aajj.ôivovrE ; âyiis^^’T^’ai T(i)[j : a xx J/u/iqv, car c’est la volonté du Père qui ajoute mj-stiquementl’Esprit etle Verbeàce composé divin qu’est l’homme ; et de même que l’esprit est vraiment uni à l’âme portée par lui, de même la chair est unieau Logos qui, pourelle, s’estfaitchair : y.at yàp w ; aL’i.r, %ùii |j.èv tô 71v£-j|j.a (oxsctiiTac Tr, àir’ajToCi çspofxlv/) ij/u/y, ô 2k cràp ? tm Aôv(Ti, oc’y, v ô Aôyo ? YÉ-fOVî (70<pf. Ibid., col. 412. L’un des effets de la communion, c’est d’assurer l’immortalité ; voici, en effet, les paroles que Clément prête au Sauveur : i^M trou rposî-Jç, à’pTov È[j.a’JT"ov 6 ; So-Jc, O’j y£’j(jct(j.£vo : o’^cs’i ; k’riTTsrpav Oaviro-J).a[j.êàvîi, y.ai T.6>.01 y.a6’r, jj.épav èvS’.Soù ; a6a’/a(jta, -. Quis dives, 23, P. G., t. ix, col. 628.