Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/578

Cette page n’a pas encore été corrigée
1127
1128
EUCHARISTIE D’APRÈS LES PÈRES


(† 107) est un témoin certain du dogme de la présence réelle.’Son langage est assurément très symbolique et mêle beaucoup d’images à l’idée de l’eucharistie ; mais il ne parle pas qu’en métaphores, sa pensée s’exprime parfois en des termes qui échappent à toute interprétation symbolique et doivent s’entendre au sens littéral et obvie, quoi qu’en aient pensé von der Goltz, Jgnalius von Anliochien, 1894, p. 71-74, et Stahl, Palristische Untersiichungen, 1901, p. 121 sq. Malgré quelques restrictions, Loofs avoue que « la conception de l’eucharistie, chez Ignace, n’est pas purement symbolique. » Art. Abendmahl, dans la Realencyklopudie fiir protestantische Théologie, t. i, p. 40. Saint Ignace parle, en effet, du pain de Dieu, et il veut le pain de Dieu, mais c’est celui qui est la chair de Jésus-Christ, né de la semence de David, et, pour breuvage, il veut son sang. Ad Rom., vii, 3, Funk, Opcra Patriim apostolicorum, Tubingue, 1881, t. I, p. 200. C’est là, dit-on, la désignation de l’union avec le Christ et de la possession de Dieu dans le ciel ; soit. Ailleurs, Ad Eph., iv, ibid., p. 176, ce pain désignerait l’union du fidèle avec le Christ, non pas dans le ciel, mais dans l’Église ; soit encore. Mais lorsque, parlant des docètes qui s’abstiennent de l’eucharistie et de la prière commune, i ! dit qu’ils » ne reconnaissent pas que l’eucharistie est la chair de notre Sauveur Jésus-Christ, celle qui a souffert pour nos péchés, celle que le Père a ressuscitée, » Ad Smyrn., vii, 1, ibid., p. 240, il semble bien difficile de ne pas voir là une affirmation nette de la présence réelle du corps du Christ dans l’eucharistie. Mgr Batifîol, il est vrai, a des scrupules sur ce texte et des difiicultés sur son sens obvie. Éludes de théologie positive, 2 « série. L’eucharistie, 3e édit., Paris, 1906, p. 124-125. Rauschen s’en étonne, op. cit., p. 5, car, dit-il, « si Ignace avait voulu dire que l’assemblée des fidèles était le corps du Christ, il aurait sans doute pu employer l’expression de chair du Christ aussi bien que celle de corps du Christ, mais il n’aurait pu ajouter : « qui a « souffert pour nos péchés et que le Père dans sa bonté « a daigné ressusciter. » Dira-t-on que saint Ignace a donné aussi le nom de corps et de sang à la foi et à la charité ? Ad TralL, viii, 1, op. cit., p. 208. Il n’y a point parité. Ici le langage est manifestement symbolique ; car on ne peut dire ni de la foi, ni de la charité, ni de l’Évangile, ni de l’Église, qu’ils soient, comme il le disait tout à l’heure de l’eucharistie, la chair du Christ qui a souffert et qui est ressuscitée. Après avoir affirmé. L’eucharistie, p. 188, que « saint Ignace n’a jamais parlé directement de l’eucharistie, mais seulement par allusion, par métaphore, » Mgr Batiffol est obligé de reconnaître que, « dans ce qui nous reste de saint Ignace, il y a un texte dont on peut dire que l’eucharistie y est affirmée directement, » j6 ! d., p. 123 ; c’est le texte de l’cpître aux Éphésiens, où il est question de l’union dans « l’obéissance à l’évêque et au presbyterium par une pensée indivise, rompant un pain unique, qui est le remède de l’immortalité, l’antidote pour ne pas mourir, mais pour vivre en Jésus-Christ toujours. » Ad Eph., xx, 2, op. cit., p. 190. Voir encore dans la Revue du clergé français, du l^ septembre 1908, p. 519-520. De son côté, Harnack reconnaît aussi, po(7men(7esc/i/c/ ! /e, 3e édit., t. i, p. 202, que saint Ignace s’est exprimé d’une manière strictement réaliste. C’est, du reste, l’impression produite sur tout lecteur non prévenu, comme le note Hoffmann, Das Abendmahl in Urchristentum, Berlin, 1903, p. 164 ; et Rauschen a raison, op. cit., p. 4, de qualifier saint Ignace d’excellent témoin de la présence réelle. Ajoutons seulement qu’en parlant de l’eucharistie comme d’un remède d’immortalité, saint Ignace se fait l’écho de l’Évangile de saint Jean et annonce la doctrine de saint Irénce.

Saint Justin.

L’apologiste martyr du iie siècle

est un témoin des usages liturgiques et de la foi de l’Église romaine. Dans sa I Apologie, il décrit deux fois la liturgie eucharistique, celle de la messe baptismale et celle de la messe dominicale, et il affirme formellement le dogme de la présence réelle. « Ceux que nous appelons diacres, dit-il, distribuent aux assistants et vont porter aux absents le pain et le vin mêlé d’eau qui ont été eucharisties. » Apol., I, 05, P. G., t. VI, col. 428. a Nous appelons cet aliment eucharistie. Nul ne peut y participer s’il ne croit à la vérité de nos doctrines, s’il n’a été auparavant purifié et régénéré par l’eau du baptême, s’il ne vit selon les préceptes de Jésus-Christ. Car nous ne regardons pas cette nourriture comme un pain et un breuvage ordinaires. Mais de même que, par la parole de Dieu, Jésus-Christ notre Sauveur s’est fait chair, a véritablement pris chair et sang pour notre salut, de même, d’après l’enseignement que nous avons reçu, cet aliment eucharistie par la parole du Christ est sa chair et son sang, qui nourrit notre chair et notre sang ; «  ApoL, 1, 66, col. 429 : o’jtw ; xa’t Tr, -/ 61’ey/r, ;).dyo’j ToC uap’a-jTov e-jy_ap’.'7rr, 6£Ï<îav Tpo5r, v… âxEivou tov TxpxoTTO’.oOovTi ; ’ItiHoO "/.al nj.y/.a. y.a’i a’i|j.a èôiSiy/JriiJ.Ev elvat. Saint Justin, on le voit, rapproche l’eucharistie de l’incarnation : l’incarnation a pour objet réel la chair et le sang du Christ, pour cause efficiente la parole de Dieu, pour cause finale le salut de l’homme ; l’eucharistie contient la même réalité de la chair et du sang, elle a pour cause efficiente la parole de Jésus, et pour cause finale l’alimentation du chrétien. Impossible d’affirmer plus catégoriquement le réalisme eucharistique. Pour saint Justin, le pain et le vin sur lesquels est prononcée l’action de grâces, ou plus spécialement la prière de la parole de Jésus, deviennent ce qu’ils n’étaient pas ; il n’est pas dit que le Verbe soit uni au pain et au viii, mais il est dit que cette nourriture eucharistiée est la chair et le sang de Jésus incarné, et qu’elle sert à nourrir notre chair et notre sang. Or c’est là, notc-t-il, un enseignement de tradition. Point de théorie, mais des affirmations : affirmations de réalités incompréhensibles pour la raison et inaccessibles aux sens, très acceptables pour la foi, puisque, dans l’eucharistie comme dans l’incarnation, le prodige opéré est dû à l’intervention toute-puissante de Dieu. Ci. Revue du clergé français, du 1°"^ septembre 1908, p. 520-521. Semisch avait déjà remarqué, Jus/ ! /j der A/a/ ; yrt’/-, Brestau, 1840, t.ii, p. 438, que « l’Église réformée n’est nullement autorisée à faire appel au témoignage de Justin pour soutenir son interprétation de la cène. » « On ne peut nier, dit Harnack, Dogmengeschichle, loc. cit., que Justin proclame la merveilleuse identité, réalisée par le Logos, du pain consacré et du corps que le Logos avait pris. » « On voit clairement ici, avoue à son tour Loofs, Abendmahl, loc. cit., p. 41, que Justin regarde comme une doctrine commune à tous les chrétiens de tenir Ve’jyaçiityTrfizl’ja Tpoyri pour le corps et le sang du Christ. » Rien donc de plus opposé à la thèse du symbolisme des calvinistes que le réalisme absolument certain de saint Justin. Sur la matière de l’eucharistie d’après Justin, voir A. Harnack, Brot und Wasser, die eucharistiche Elemente bei Justin, dans Texte und Unlersuchungen, nouv. série, Leipzig, 1891, t. vii, fasc. 2 ; M. Goguel, L’eucharistie des origines ù Justin martyr, Pari ?, 1910, p. 275-277.

4 » A Lyon. — Saint Irénée n’est ni moins formel ni moins catégorique que saint Justin. Sans chercher à faire de la spéculation, et à s’en tenir rigoureusement à la doctrine des Églises apostoliques, l’évêque deLj’on est un témoin qui, par saint Polycarpe, son maître, se rattache à saint Jean, et connaît tout ce qui se passe dans l’Église ; il fait appel, lui aussi, à la liturgie, et il