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ENFER D’APRÈS LES OPINIONS ERRONEES

en apparence à la sanction morale, elle écartait de la vied’ici-bas ces rcsponsabilitésetdécisionsdéfinitives si redoutables. Mais la sc’ric métenipsycosiste aboutissait à riinivorsalisme ou au conditionalismc, ou peut-être même h réternalisme en général ; elle ne fut aflirniée indéfinie que dans le palingénêsismc absolu gréco-romain, d’origine stoïcienne.

Dans l’antiquité chrétienne, nous ne trouvons qu’Origène qui ait défendu, non pas précisément l’univcrsalisme, comme on le répète souvent, mais la variabilité indéfinie de toutes les intelligences créées. Voir plus haut, col. 60.

On est revenu au xixe siècle à l’origénisme eschatologique, dans le monde des métaphysiciens transeendentalistes d’abord, Srhelling, Krause, Gœthe, Ilerm. Fichte, etc. ; cf. Henri Martin, op. cit., p. 248 sq. ; puis, dans le monde des utopistes, des rêveurs pseudoscientifiques et des spirites. Citons quelques ouvrages : Fourier, L’harmonie universelle, 2 in’12, l.y ou, liS49 (rêveries de métempsycose sidérale, corps terrestre, corps aromal, corps cométaire par dépcrsonalisation successive, etc.) :.1. Reynaud, Terre et ciel, in-8°, Paris, IS.’jl (discussion spéciale dans H. Martin, op. cit., note XV, p. 562-573 ; l’auteur veut nous ramener au druidisme, puis à la métempsycose indéfinie dans le monde infini) ; L. P’iguier, Le lendemain de la mort ou la vie future d’après In science, in-12, Paris, 1874 ; Les bonheurs d’outre -tombe (métempsycose solaire seulement et circulation indéfinie de la Terre au Dieu-Soleil par des corps élhérés, redescente sur Terre, etc.) ; C. Flammarion, dans ses nombreux ouvrages : /, ; (men ou Bécits de l’infini, in-8°, Paris, 1872 ; Vranic, Paris, 1891 ; Bien dans la nature, in-8°, 1866, etc.

On trouve des idées semblables, quoique sous des formes différentes, chacun ayant ses rêves, dans Pelletan, La profession defoidu xix’e siècle, Varis, 18^2 ; Laurent, Eludes sur l’histoire de l’humanité, in-8°, Bruxelles, 1860-1869, fit. i-xvi ; Rouzier-Joly, Les horizons du ciel, -Burci, L’esprit de vérité ou métaphysique des esprits, Paris, 1856 ; f^ezzani, La pluralité des existences de l’âme, in-8°, Paris, 1864 ; cf. H. Martin, op. cit., p. 272 sq. ; Th. Ortolan, Astronomie et théoloijie, Paris, 1804, p. 327-343 (étude de J. Reynaud, L. Figuier, C. Flammarion).

Contre le fond de ces rêves et de cette conception métempsycosiste indéfinie, il suffira d’observer que la liberté n’est un attribut essentiel de l’homme qu’en tant que faculté. La relation de cette faculté à ses divers objets n’est pas nécessairement toujours identique ; Dieu est libre et ne peut pécher ; la liberté humaine peut donc être constituée en un état de fixité par rapport à certains objets sans qu’elle soit détruite. Dans l’autre vie, elle sera ainsi fixée dans le choix de sa fin dernière concrète. Dieu ou soi ; dès lors fixité morale absolue ; donc, possession ou privation de Dieu, ciel ou enfer. Nous prouverons cela plus bas. Contre les réincarnations spécialement, voir Métempsycose.

c) Universalisme. — Toute peine est médicinale et temporaire ; le mal doit donc finir. Cela est exigé par tous les attributs divins : sagesse, justice, bouté. D’autre part. Dieu ne peut créer pour anéantir : ce serait absurde. Enfin, il est de la nature de l’être libre de pouvoir toujours se repentir. Tous les êtres libres le feront donc un jour ou l’autre, après les expiations nécessaires, aussi longues qu’on voudra, et sous l’inqiulsion des grâces triomphantes de Dieu. Un jour, tous les êtres libres seront saints et heureux, et Dieu ne saura plus distinguer. Père ébloui de joie. Bélial de Jésus. V. Hugo, Contemplations.

Parmi ceux qui croient à l’immortalité et ne veulent pas de l’éternité de l’enfer, voilà l’opinion

la plus répandue. Dans l’antiquité païenne, ce fut l’affirmation explicite du zoroastrisme. D’après les gnostiques, quoi que fissent ici-bas les pneumatiques, ils étaient nécessairement sauvés. Origène admettait une réconciliation mnverselle à la fin de notre monde, l’apocatastasis, quitte.-’i faire répéter ensuite de nouvelles chutes et de nouveaux mondes. Les origénistes des iv^, v « et xie siècles insistèrent plus sur l’univcrsalisme de leur maitre que sur son palingénésisme indéfini. Voir plus haut, col. 58, 67. La secte des miséricordieux, en particulier, aux v « et vie siècles, affirma simplement l’univcrsalisme pour tous les chrétiens ou pour les catholiques, ou pour les catholiques charitables, etc. Dans le haut moyen âge, nous trouvons le panthéisme évolutionniste de J. Scot Érigène, De divisionc naturx, P. L., t. cxxii, par exemple, 1. V, col. 1020, qui aboutit finalement à une franche négation de l’enfer éternel, dans De pnedestinntione, c. xvii, 7, ibid., col. 428 sq. ; le rationaliste irlandais avait déjà commencé à n’interpréter le supplice éternel que d’une simple privation, état négatif, dit éternel par tradition, mais en contradiction avec l’esprit panthéiste du traité. Même universalisme panthéiste dans les sectes des amauriciens (Amaury de Bène f 1204, avec son disciple David de Dinan) et des albigeois pour qui l’unique enfer était la prison du corps terrestre, punition des âmes ou anges déchus. 1-a Renaissance commença, xV’et xvi"e siècles, le mouvem.ent général d’incrédulité systématique de l’époque moderne. Les protestants afiirmèrent d’abord l’enfer et nièrent le purgatoire, prétendant défendre la pure doctrine contre l’Fglise catholique, cf. Confession d’Augsbourg, I, c. xvii, ; dès l’origine, pourtant, les anabaptistes furent universalistes ; un peu jjI’.is tard, les sociniens nièrent en Dieu toute justice vindicative, n’admettant de lui que des peines médicinales. Actuellement, presque toute la dogmatique protestante orthodoxe ou rationaliste a fait volte-face et ne veut plus que du purgatoire. On trouvera de nombreuses références détaillées pour l’.Xllemagnc dans J. Kôstlin, Apokalastasis, dans llealenctjl : lopàdic, t. i, p. 61 6-G61 ; Hettinger, Apolor/ie du christianisme, les dogmes, t. ii, p. 387, 388. Citons Berigel, Schleiermacher, Reinhardt, Martensen, Strauss et surtout Ritschl qui a comme imposé le sentiment universaliste, malgré le scepticisme de la thèse, à tout le protestantisme libéral. En Angleterre, le porte-drapeau de l’univcrsalisme fut le chanoine anglican F. Farrar, Eternal hope : five sermons prcached in Westminster Abbei/ nov.-dec. 1877, livre qui fut très discuté et très lu. Cf. dans Contemporarij review, l’article : The future punishment, avril, mai, juin 1878, décembre 1880. Connue document sur l’état actuel des esprits dans le protestantisme plus ou moins orthodoxe, on iieut voir Kôstlin, toc. cit., et Milton S. Terry, BiblicalDogmalics, in- 8°, Londres, 1907, p. 128-136 ; en principe, dit celui-ci, il faut savoir discerner la pure doctrine de la rétribution morale et de l’enfer de toutes les imaginations qu’y avait surajoutées un esprit barbare et grossier..vec notre sens moral plus développé, plus liii, plus humain, notre vue plus profonde sur la nature intime des choses, il faut, dans l’I-’critnre, dans l’Évangile même, dégager l’idée pure de la destinée humaine ? Quelle est-elle ? Le conditionalisme ? Non, certainement. Alors, l’universalisme ? C’est une hypothèse possible ; qui sait ce que Dieu fera en l’autre vie ? Quehiucs textes lui sont favorables : 1 Cor., xv, 2428, mais d’autres affirment assez clairement la fixité éternelle dans le mal ; en tout cas, mieux vaut la liberté avec péché possible, même éternel, qu’un monde sans liberté et sans péché. Le dernier mot est : Dieu peut faire cela, mais le fer.t-t-il ? Ignorabimus ; la