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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ECRITURE


tiques sur les circonstances de lieu, plus attentif aux conditions historiques du fait" ? C’est lui qui nous apprend que les apôtres se rendent vers Capharnaum, 17 ; qu’ils avaient fait environ vingt-cinq ou trente stades, au moment où ils virent Jésus, 19. « L’inquiétude des disciples abandonnés sur le lac au milieu de la nuit » figurerait " leur angoisse au temps de la passion et la situation de l’Église au milieu du monde : en dépit des apparences, le Christ ne délaisse pas les siens. » Loisy, op. cit., p. 437. S’il en est ainsi, comment expliquer que les Synoptiques soulignent plus fortement la durée des ténèbres, la rage de la tempête, la peur des apôtres, l’action miraculeuse de Jésus ; comment comprendre que Jean représente les disciples effrayés, non de l’absence, mais de l’apparition du Maître, qu’il ne raconte ni le demi-naufrage de Pierre ni son relèvement par le Sauveur ? Que vient faire, d’ailleurs, ce symbolisme accessoire dans le chapitre qui serait consacré exclusivement au pain de vie, dans un épisode destine à prouver que Jésus peut donner une chair qui n’est soumise ni à la loi de la pesanteur ni à celle de l’étendue ?

Que la marche sur les eaux prouve la toute-puissance du Sauveur et facilite l’acceptation de la promesse du pain de vie, rien n’est plus vrai. Mais il faudrait démontrer que le fait a été inventé de toutes pièces pour établir la thèse. C’est’ce qu’on ne fait pas. Et il faut convenir que le miracle se trouve dans les Synoptiques, que la toute-puissance de Jésus marchant sur les flots y est mise en meilleur relief.

L’indépendance du Sauveur à l’égard des lois de l’étendue n’est d’ailleurs guère apparente en cet endroit. Loisy prétend que, contrairement au récit des Synoptiques, la narration de Jean fait atterrir la barque aussitôt que Jésus paraît, sans pourtant qu’il soit entré dedans. Op. cit., p. 436. C’est ainsi que ce critique interprète le v. 21 : « Ils (les disciples) voulaient donc le prendre dans la barque et aussitôt (ilhiia :) la barque aborda au lieu où ils allaient. » Cette traduction donne à l’adverbe t-yiio) : le sens de aussitôt ; ce mot peut signifier ici directement. Le contexte permet de lui attribuer ce sens. Jusqu’à l’arrivée de Jésus, en raison de la tempête, la barque était ballottée, n’avançait point. Le Sauveur paraît : le vent devient favorable et lembarcation va en droite ligne, mais non subitement au but. Le quatrième Évangile ne dit pas que.Jésus n’entre v.is dans la barque, mais que les apôtres, voyant qu’il n’était pas un fantôme, consentirent à le prendre. II n’y est donc pas clairement question d’un triomphe du corps du Christ sur l’étendue. Fùt-il affirmé, le fait ne pourrait être récusé que pour de bonnes raisons. « Le miracle de la marche sur les eaux » a-t-il encore été inséré pour montrer dans ce retour de Jésus à son pays terrestre le symbole de la rentrée du Fils de l’homme dans sa gloire éternelle et des conditions de son immortalité ? » Loisy, op. cit., p. 437. Pourquoi ce nouveau symbolisme ? D’ailleurs, ce n’est pas à -Nazareth, mais à Capharnaum, que va Jésus. Et le retour en sa patrie terrestre a-t-il quelque rapport avec la rentrée dans la gloire ? Ici le rapprochement n’est pas seulement gratuit, il est inexplicable et prescjue imperceptible.

La foule, elle aussi, traverse le lac pour rejoindre Jésus, 2’2-2.5. Cet épisode que ne mentionnent pas les Synoptiques serait invraisemblable ; Jean l’aurait imaginé pour renfire plus éclatant le prodige en laissant croire qu’il a été constaté par la foule. Loisy, op. cit., p. 438. Cette supposition n’est pas facile à comprendre. Ce que dit.lean n’est ni impossible à admettre ni en contradiction avec les afiirmations des autres évangélistes : une partie de la foule a pu revenir par la voie de terre, une autre par le lac, El

le quatrième évangéliste paraît vouloir faire œuvre d’historien : il mentionne Tibériade, connaît son emplacement précis, sait que dans ce port se trouvaient des barques.

Après cet examen minutieux des deux miracles, nous avons le droit de conclure que, si la multiplication des pains et la traversée du lac sont reliées au discours sur le pain de vie, le préparent, ces épisodes ne sont pas des créations de l’écrivain. Ces deux prodiges peuvent préparer l’esprit à accepter plus facilement l’idée d’un Dieu -homme qui commande à la nature et promet un pain merveilleux. On comprend que l’évangôliste ait rapproché ces épisodes du discours. Rien n’empêche mêmei que la connexion ait été établie par Jésus : le Sauveur a pu partir du fait de la multiplication des pains et du voyage de la foule à sa recherche pour en tirer une leçon sur l’empressement qu’il faut avoir pour le pain de vie qu’il est lui-même. » Lepin, La valeur historique du quafrième Évangile, Paris, 1910, 1. 1, p. 69.

Suit le discours sur Jésus nourriture céleste. Il faut noter que l’entretien est séparé du récit de la multiplication des pains par celui de la traversée du lac : ce qui donne à entendre que les choses se sont passées comme elles sont racontées : un symboliste aurait été tenté de supprimer toute interruption entre la production du pain miraculeux et celle du pain eucharistique.

Sur le lieu où fut prononcé le discours, Loisy croit trouver des indications contradictoires : « Le Christ, au début de l’entretien, était près de la nwr, comment le discours a-t-il pu être prononcé en si/nagoguo à Capharnaiiml Les versets 25 et 59 sont en désaccord. « L’évangéliste n’a aucun souci de l’incohérence introduite dans son récit par les indications contradictoires qu’il a données ; » « il n’a visé qu’à une certaine vérité générale de représentation. » Op. cit., p. 464-465.

Mais l’opposition existe-t-elle véritablement ? Sans doute, à la fin du discours, on lit ces mots : « Jésus dit cela en synagogue à Capharnaum, » 59. Mais est-il affirmé au début que l’entretien est commencé.sur le bord du lac, 25 ? Nullement, il est dit que la foule trouve Jésus « de l’autre côté de la mer. » L’évangéliste n’ajoute pas que c’est sur la rive même. Puis, si c’est en cet endroit que la rencontre eut lieu, le discours fut-il commencé aussitôt ? S’il le fut, ne put-il pas être terminé à l’intérieur de la synagogue ? L’entretien d’ailleurs a pu être très long ; saint Jean ne prétend pas en donner un compte rendu textuel, il rapporte ce qu’il a retenu et qui va à son but.

Le dialogue du Sauveur avec la foule paraît très naturel, très vivant et très vraisemblable, l-^lle trouve .Iésus, hii demande comment il est passé d’une rive à l’autre du lac. ICIie semble attendre un nouveau miracle. Jésus lui répond : Vous me cherchez jjarce que vous avez clé rassasiés. Travaillez en vue de la nourriture éternelle. — Que faut-il faire ? — Croire en celui que Dieu a envoyé. — - Quel miracle accomplis-tu ? Moïse donnait la manne à nos pères. — La manne n’était pas le vrai pain du ciel. Le pain de Dieu est celui qui descend du ciel et accorde la vie au monde. — Donne-nous toujours de ce pain. — Je suis le pain de vie. Croyez en moi et je vous ressusciterai. — N’est-ce pas là.Jésus, le fils de Josej) !  ! ? — Ne murmurez jias. Celui qui croit en moi a la vie éternelle. Je suis le pain de vie. Et le pain que je donnerai c’est ma chair. — -Comment peut-il nous donner sa chair ? — Si vous ne la mangez, vous n’aurez »as la vie. - — Olte jiarole est dure ; qui iieut l’écouter ? - Cela vous scandalise ? Et quand vous verrez le I-’ils de l’homme monter où il était auparavant ? II y en a qui ne croient point. Nul ne lient venir à moi si cela ne lui a été donné par le