Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/520

Cette page n’a pas encore été corrigée
1011
1012
EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ECRITURE


langage devait être entendu au sens propre. S’il a usé de figures pour recommander la foi ; il a, le sachant et le voulant, adopté un langage qui devait induire en erreur beaucoup de disciples, presque tous les chrétiens ])cndant quinze siècles, tous les catholiques ; il a permis que des millions d’hommes adorassent un pain et un vin qui n’ont rien de Dieu. Donc, ici, Jésus promet de donner sa chair et son sang ; et s’il a pris cet engagement, il l’a tenu ; et s’il n’y avait pas été fidèle, le quatrième Evangile se garderait de rappeler la parole donnée du Sauveur. Donc, le c. VI du quatrième Évangile enseigne la présence réelle. Il met aussi en pleine lumière l’efficacité de la nourriture eucharistique. Tout ce qu’on dira plus tard est en germe dans ces mots : Ma chair est une vraie nour.riture et mon sang est un vrai breuvage. » Les affirmations des conciles de Florence et de Trente, des Pères et des théologiens ne seront que le commentaire de cette parole. Déjà, dans TÉvangile, certains corollaires de cette proposition sont ènumérés : l’eucharistie donne la vie, vi, 51, 53, 54. 58, la vie par le Fils, 57, la vie éternelle et la résurrection, 51, 54, 58, la vie dans l’union intime à Jésus, 56. Voir Communion

    1. EUCHARISTIQUE##


EUCHARISTIQUE, t. III, COl. 507 Sq.

Les enseignements de ce chapitre sur la nécessité de recevoir l’eucharistie ne sont pas moins précis. Il y a obligation de manger la chair et de boire le sang de Jésus. C’est une nécessité. Ne pas obéir, c’est se priver de la vie, 53. Aucune formule ne pourrait être plus énergique. Voir Communion eucharistique, t. m. col. 481, 482, 483.

L’Évangile ne dit rien des dispositions requises, du moins d’une manière explicite. Mais la métaphore employée suppose que, pour communier, il est nécessaire de satisfaire à certaines conditions : on ne peut manger, soutenir sa vie, si on n’existe pas auparavant. Il faut se souvenir aussi que la nécessité de la loi en Jésus a été fortement inculquée dans une grande partie du discours, 35, 36, 45, 47. Enfin, comme nous l’avons observé, selon beaucoup de commentateurs, les mots : « C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien, » enseignent que la vraie communion à la chair réelle de Jésus n’est pas la manducation matérielle, mais une manducation spirituelle faite avec foi et amour.

Sur la matière de l’eucharistie, nous sommes peu renseignés. Le pain est nommé : " Le pain que je donnerai, c’est ma chair, » 51. Et cette indication est confirmée par le récit de la multiplication des pains, si ce prodige est vraiment une figure de la communion.

Les mêmes mots : « Le pain que je donnerai, c’est ma chair, » rappellent-ils les paroles consécratoires, ce que les théologiens appelleront plus tard la forme’l Peut-être. Il est certain qu’ils ressemblent à la phrase : « Ceci est mon corps… donné pour vous. »

Sur la manière dont le corps de Jésus apparaît et réside dans l’eucharistie, le discours est muet. J. Réville, op. cit., p. 67, suppose que le quatrième Évangile croit à une « incarnation eucharistique » . Le Verbe « s’incarne » dans les éléments eucharistiques « en quelque sorte à nouveau. Ils ne cessent pas pour cela d’être pain et viii, et cependant ils font office de chair et de sang. » C’est en vain qu’on chercherait dans les paroles du Sauveur la preuve de cette hjpothèse. Jésus offre sa chair, il dit qu’on doit la manger, il la présente comme le pain qu’il donnera. C’est tout. Et l’oeil le plus exercé ne peut rien découvrir qui fasse connaître les relations du corps eucharistique avec le pain et le vin. Ce dernier élément n’est même pas nommé, et le premier est à peine indiqué.

3 » Cette promesse remonte à.Jésus. — - Non seulement pour le théologien catholique, mais pour l’histo rien incroyant il est absolument certain qu’au moment et dans les milieux où le quatrième Évangile fut composé et reçu, l’eucharistie était une institution établie et qu’on voyait dans la cène une participation promise et voulue par Jésus lui-même à son corps et à son sang, nourriture indispensable au chrétien, pain de vie spirituelle et éternelle.

Peut-on, doit-on remonter plus haut, aller de l’auteur de cet écrit à Jésus ? Doit-on nier toute contradiction entre la pensée de l’évangéliste et celle du Sauveur ?

Le théologien catholique n’hésite pas. Le quatrième Évangile est canonique, inspiré, c’est un organe de la révélation ; et si l’on a pu discuter sur l’étendue de l’inerrance à certains domaines, on a toujours cru qu’en matière doctrinale, la Bible ne nous trompe pas. Aucun catholique ne peut donc opposer sur l’eucharistie l’enseignement de Jean à celui de Jésus, croire que les affirmations de l’évangéliste ne correspondent pas à un enseignement du Maître.

De très bons exégètes, d’ailleurs (les catholiques et des protestants), en usant des seules méthodes qui leur sont propres, aboutissent à la même conclusion. Ils soutiennent et établissent que les discours du quatrième Évangile ne sont pas « une création de l’écrivain qui utiliserait l’expérience de faits postérieurs à Jésus et traduirait les préoccupations du monde chrétien à la fin du i’^'e siècle. » Ils montrent que « ces discours olïrent des marques notables d’authenticité, » < ne trahissent pas la main d’un théologien qui composerait de son propre fond, » mais « accusent plutôt un écrivain en possession d’une tradition ou de souvenirs » très sûrs. Ils reconnaissent seulement « que l’auteur avait son but, sa méthode, son tour d’esprit personnel, » « qu’on en trouve la marque dans ses récits, » « que sa mémoire pouvait avoir oublié une partie des paroles de Jésus, » qu’il rapporte les discours tels qu’il les a entendus, tels qu’il les a saisis, tels qu’il les a retenus, tels que son divin ami les lui a fait comprendre dans les confidences intimes, dans ses longues méditations, tels enfin que le requièrent la fm poursuivie par lui et l’obligation qui s’impose à tout témoin de condenser ou d’abréger, « de sorte que la doctrine est la doctrine du Maître reproduite fidèlement par le disciple sous l’action de l’Esprit-Saint. » Lepin, La valeur historique du quatrième Évangile, t. II, p. 398 sq. ; Mangenot, art. Jean (Évanf/ile de saint), dans le Dictionnaire de la Bible, t. iii, col. 1189. Tel est le sentiment de la plupart des catholiques : Calmet, Corluy, Fillion, Knabenbauer, Fouard, Nouvelle, Fontaine, Chauvin, Jacquier, Brassac, Lebreton, Venard, et d’un certain nombre de protestants : Westcott, Godet, Reynolds, Sanday, Zahn. Si quelques catholiques croient pouvoir élargir la part faite à l’auteur du quatrième Évangile (Batiffol, Calmes, Lagrange), ils ne déclarent pas moins fermement que les discours conservent avec fidélité la substance de l’enseignement de Jésus. Voir aussiB. Weiss.

Mais les critiques aux yeux desquels les discours, attribués par Jean au Sauveur sont inventés de toutes pièces ou complètement remaniés concluent que Jésus n’a pas en réalité promis l’eucharistie. Beaucoup ne posent même pas la question : ils croiraient faire preuve d’excessive na’iveté en la soulevant. Il n’y a pas lieu de discuter ici leur théorie de la valeur historique du quatrième Évangile. Voir Jean (Évangile de saint). Mais il est nécessaire de montrer que rien dans le c. vi ne prouve le caractère fictif des faits, la non-authenticité des paroles.

Les principaux arguments mis en avant sont les suivants : le cadre du discours, les faits racontés, du moins les détails du récit ont une valeur symbolique et obligent à conclure que nous ne sommes pas