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EUCHARISTIE D’APRÈS LA SAINTE ECRITURE


rains de Jésus. Mais surtout, il faut avouer que, nulle part dans ce discours du Sauveur, la passion n’est prédite en termes clairs : un seul mot y fait allusion ; et il est, avant l’événement, presque inintelligible pour les auditeurs : <i Le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde, » 51.

b) Jésus et les apôtres, 67-72. — Si Jésus a parlé à la foule, aux Juifs, à ses disciples même un langage figuré, énigmatique, on peut espérer qu’iU’expliquera à ceux pour lesquels il n’a pas de secret et à qui il est donné de connaître les mystères du royaume de Dieu. Or, il ne revient pas, devant les Douze, sur ce qu’il a enseigné auparavant ; il ne retire, il n’interprète, il n’ajoute rien devant eux. Il leur parle, mais pour leur laisser entendre dès la première phrase qu’il ne changera rien à sa parole afin de les retenir, et que, s’ils ne veulent pas l’accepter, ils peuvent à leur tour le quitter. Il leur dit : « Ne voulez-vous point vous retirer vous aussi ? » 67.

Et dans la réponse qu’il lui fait, sans doute au nom de tous, Simon Pierre ne dit pas que lui et les autres apôtres ont compris que la doctrine de Jésus n’offre pour eux, en elle-même, aucune difficulté. Il fait pour tous un acte de foi : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle. » Cette confession de la véracité et de la science du Verbe s’explique fort bien si on admet que le Sauveur a vraiment annoncé le don de sa chair et de son sang. Sans la foi, il est impossible d’accepter une pareille promesse.

5. Considérations générales qui confirment la conclusion tirée de l’examendétaillé des faits et des paroles rapportés au c. i. — a) La plupart des Pères et des écrivains chrétiens, tous les catholiques aujourd’hui croient que, dans les versets de ce chapitre, il est question de l’eucharistie et de la présence réelle. Les docteurs chrétiens qui ont parlé d’une communion mystique, spirituelle, n’ont pas repoussé l’idée d’une promesse du vrai corps et du vrai sang de Jésus. Ils rejettent les conceptions grossières et charnelles. Ils exigent du communiant la foi et la piété. Sans doute, les exégètes cathollqucs ne sont pas d’accord sur le sens non seulement de chaque verset, mais d’une partie notable du discours. Mais presque tous autrefois, tous aujourd’hui découvrent en quelques paroles au moins des affirniations du don de la chair et du sang du Christ.

b) On a dit : Le sacrement de l’eucharistie n’était pas institué. Si Jésus-Christ l’avait promis ici, il n’aurait pas été compris. Userait facile de répondre que, si le Sauveur a parlé au sens figuré, son langage n’a pas été mieux entendu : les Juifs, les apôtres probablement ayant cru qu’il promettait vraiment sa chair et son sang comme nourriture et breuvage. Tout homme a le droit d’annoncer qu’il donnera quelque chose ; pourquoi Jésus n’aurait-il pas pu en user ? Il a promis l’institution du baptême, sa passion, sa résurrection, son ascension, l’envoi du Paraclet, etc. Sans doute, en certaines phrases il emploie le présent, il dit : celui qui mange ma chair, , 56 ; mais ailleurs, le verbe est au futur : le pain que je donnerai, c’est ma chair, 51. Le présent, d’ailleurs, peut s’cxpliqucr fort bien par le caractère sentencieux des affirniations. Enfin, quand l’évangéliste rapporte les paroles de Jésus, la cène étant une institution établie, un acte qui s’accomplit sous ses yeux, il a pu être tenté de mettre le présent, dans la bouche du Sauveur, lorsqu il reproduit ses paroles.

c) Souvent des protestants ont affirmé que la conception catholique de l’eucharistie est trop grossière, trop matérielle pour pouvoir se trouver dans l’Évangile pneumatique. Il serait facile de répondre et de démontrer que cette appréciation du sacrement et inexacte, injuste. II faut observer aussi <|ue le concept de commujiion à la chair du Christ s’accorde avec les afllrmations du quatrième Évangile : Icau du baptême et

le pain eucharistique « ne sont pas plus en contradiction avec la religion de l’esprit que l’humanité du Christ avec la notion du Verbe, » a dit un critique qui fait profession d’oublier, lorsqu’il interprète l’Écriture, les définitions ecclésiastiques. Loisy, op. cit. « Il ne s’agit aucunement pour l’évangéliste de rejeter tout élément visible, mais de soumettre le sensible au spirituel. Sa conception du baptême et de l’eucharistie est enharmonie parfaite avec sa doctrine de l’incarnation. La notion du Verbe n’exclut pas l’humanité qui est l’instrument de la révélation ; » de même, elle n’exclut pas les éléments sacramentels dont elle use pour accomplir son œuvre. Le Logos s’est fait chair pour devenir la voie, la vérité et la vie : par l’eau du baptême et l’Esprit, il donne une existence nouvelle ; par la chair de l’eucharistie et toute sa personne devenue nourriture des fidèles, il augmente et développe la vie surnaturelle. Le Logos — c’est encore une thèse du quatrième Évangile — vient unir Dieu et l’humanité ; déjà la foi, l’amour, l’observation des commandements sont requis pour que Jésus demeure dans les disciples et qu’ils dcTneurent en lui : l’eucharistie est une autre communion, la plus intime et la plus réelle : celui qui me mange, demeure en moi et je demeure en lui, les paroles sont vraies à la lettre. Le Logos confère la vie éternelle, saint Jean le rappelle à maintes reprises. Or l’eucharistie est présentée comme un gage de résurrection et on comprend qu’une chair qui a été en contact intime avec la chair du Logos participe aux qua » lités glorieuses de l’humanité du Verbe. Sans doute, ce n’est pas le corps matériel du Sauveur qui vivifie par la seule manducation matérielle, c’est ce corps animé par le Fils de l’homme ; de même, ce n’est pas l’eau matérielle du baptême qui régénère par la seule ablution matérielle, c’est l’eau et l’Esprit qui donnent la naissance nouvelle ; de même, ce n’est pas la chair de Jésus qui, par elle-même, sauve l’humanité, c’est le Verbe fait chair. Ces considérations démontrent que l’eucharistie n’est nullement déplacée dans la tliéologie johannique ; qu’au contraire su présence s’explique, se justifie à merveille ; c’est une pièce indispensable d’un tout très harmonieux.

Et le mystère de la passion n’est pas davantage en opposition avec le mystère de l’eucharistie. Au Calvaire, Jésus livre sa chair pour la vie du monde, afin de lui assurer la résurrection et la vie éternelle : mais sa mort ne met pas fin à son œuvre ; de son côté ouvert s’écliai)pent l’eau et le sang : dans les temps nouveaux que caractérise la venue du Paraclet, la chair du Sauveur sera sans cesse et jiartout donnée aux fidèles afin d’entretenir en eux, par une coiinniniion réelle à Jésus glorifié, la vie qui coule de la croix et commence au baptême. A sa mort, le Verbe olîrc le don ; à la communion, les hommes le reçoivent. La passion accorde droit à la vie, les sacrements la communiquent..Sans do.ilc, la foi est nécessaire : sans elle, le (lis(iple ne peut rien obtenir ; mais de même que la foi prescrile à la mort de Jésus ne supprime pas cette mort, de même la foi exigée dans la communion ne supprime pas cette communion. Ainsi, le dogme catliolique de l’eucharistie se concilie fort bien avec les enseignements du quatrième Évangile sur la foi et sur la passion.

G. Conclusions. — Les enseignements du c. vi sur l’eucharistie. — Comme l’a justement observé Wiseman, op. cit., col. 1221-1223, si Jésus a voulu parler métaphoriquement, il ne pouvait plus mal le faire, choisirdes mots plus inintelligibles, plusimpies même ; il ne pouvait jias mieux entretenir rc(|nivoque, se composer davantage une attitude capable d’cnlrelenir l’erreur. oir col..’{S ?. Si Jésus a voulu enseigner qu’il donnait vraiment sa chair en nourrilure, il ne pouvait pas choisir de termes plus simples, plns clairs, , plus expressifs, mieux affirmer par ses actes que son.