Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/517

Cette page n’a pas encore été corrigée

iOOo

EUCHARISTIE D’APRKS LA SAINTE ECRITURE

1006 « C’est l’esprit qui vivifie, » 63. Aussi beaucoup d’interprètes catholiques préfèrent considérer la réponse du Sauveur comme une explication : « Cela vous choque ? Etsi vous voyez le Fils de l’homme remonter où il était auparavant, me serezvous pas pleinement rassurés ? Ils le seront, supposent certains exégètes anciens, parce que la chair de Jésus étant alors glorifiée pourra être mangée sans répugnance ; explication un peu subtile, qui s’écarte d’un texte où il n’est pas parlé de gloire, mais d’ascension. Les disciples ne devront plus être surpris, pensent Maldonat et Batiffol, op. cit., p. 101, car il leur sera facile de croire à l’origine céleste de celui qu’ils verront monter au ciel. De même, plus tard, Jésus dira aux Pharisiens : « Je sais d’où je suis venu et où je vais ; mais vous, vous ne savez ni d’où je viens ni où je vais : vous jugez selon la chair, > viii, 14, 15 ; interprétation qui n’est pas sans mérite, mais qui prête à la question des disciples un sens peut-être différent de celui qu’elleavait enréalité. Sil’on veutadmettre que Jésus donne ici une explication, on peut enfin soutenir que le miracle de l’ascension, preuve de la toute-puissance du Sauveur, garantit la réalité du miracle eucharistique.

Loisy essaie de montrer dans l’affirmation du Sauveur une phrase à double face qui renforce l’objection « t prépare la réponse ; si vous voyez le Fils de 1 homme remonter là où il était auparavant, cela vous paraîtra autrement étrange et pourtant ce retour au Père permettra à ma cliair spiritualisée de devenir la nourriture des âmes. Grâce à cette hypothèse, on rattache fort bien la phrase aux déclarations antérieures et à celles qui suivent immédiatement. Mais est-il possible d’admettre la théorie d’après laquelle le discours de Jésus aurait deux sens, l’un < extérieur, qui déroute les âmes vulgaires, > l’autre < intime, qui doit satisfaire les âmes religieuses ? > Et n’est-il pas difficile, sinon impossible, de prêter à la même phrase deux intentions presque contradictoires, de lui donner un contenu si surabondant ?


Le théologien n’est pas obligé de prendre parti entre les diverses interprétations : il en prend connaissance et il constate qu’aucune de celles qui ne sont pas absolument irrecevables ne favorise l’interprétation spiritualiste du discours sur le pain de vie.’.

Doit-il, au contraire, reconnaître, dans les paroles postérieures, un désaveu formel de l’exégèse qui entend au sens littéral le précepte de manger la chair du Christ, une véritable négation de la présence réelle : < C’est l’esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie ? » 63, La plupart des protestants et des critiques indépendants le soutiennent. Ceux d’entre eux qui appliquent A la foi exclusivement le discours sur le pain de vie triomphent bruyamment. La plupart de ceux d’entre eux qui voient dans cet entretien un enseignement sur l’eucharistie concluent qu’elle est une union mystique du Logos et du lidéle : « Supposer que l’auteur ait prétendu faire dire à Jésus que, pour avoir part à la vie, II fallait absorber de la véritable chair matérielle et du sang matériel du Christ et lui ait fait dire ensuite, comme conclusion : La chair ne sert à . rien, » c’est lui prêter gratuitement une absurdité et imputer à ce grand idéaliste une thèse matérialiste rontre laquelle tonte sa pensée proteste… V.n Christ, le Verbe, qui est Lumière et Vie, s’est manifesté M)us les espèces de la chair afin de permettre aux hommes de saisir, sous cette forme plus accessible ii leur faiblesse, la Lumière et la Vie ; de même les aliments de leurliaristic sont la manifestation du Verbe sous les espèces du pain et du vin ; ils sont, après qu’il est remonté dans la sphère fie l’esprit, sa chair et son sang, correspondant à la chair et au sang du corps dans If-quel il s’est incarné. Le Verbe s’y incarne en quelque

sorte à nouveau. Ils ne cessent pas pour cela d’être du pain et du viii, et cependant ils font office de chair et de sang. Durant l’incarnation, ce n’était pas la chair dans laquelle le Verbe avait vécu qui communiquait la Vie, c’était le Verbe lui-même, l’Esprit seul ; de même dans l’incarnation eucharistique, ce n’est pas le pain ou le vin qui donnent la vie, mais l’Esprit qui s’incarne en eux. » J. Réville, op. cit., p. 67. « L’évangéliste affirme que ce qu’il a dit de l’eucharistie ne doit pas être pris dans un sens littéral. Si on le prenait dans ce sens, comment concilier l’affirmation : < Celui qui mange ma chair aura la vie » avec le principe : « La chair ne sert de rien ? » Et comme si ce rapprochement ne suffisait pas à montrer au lecteur que les paroles de Jésus sont une allégorie, l’évangéliste ajoute cette déclaration de Jésus : >< Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie. » La chair et le sang du Christ ne sont donc qu’une allégorie de l’esprit et le rite dans lequel les fidèles reçoivent le corps et le sang du Christ sous les espèces du pain et du vin n’est qu’un symbole, « qui exprime l’union étroite du fidèle avec le Christ. » Goguel, op. cit., p. 208.

Avant de discuter ces interprétations, il n’est pas inutile d’observer que le texte offre des variantes. La version syriaque sina’itiquea : "C’estl’espritquivivifie le corps, mais vous [dites] : le corps ne sert de rien ; » la curetonienne : « C’est l’esprit qui vivifie le corps. » Si la première de ces leçons était primitive, on ne pourrait même pas songer à élever une objection contre l’interprétation littérale : les mots : « le corps ne sert de rien » n’étant plus une parole de Jésus, mais une affirmation des auditeurs qu’il repousse. Seulement ce témoin isolé a l’air d’avoir ajouté au texte embarrassant et original une interprétation fort ingénieuse.

Les paroles à expliquer restent donc celles qu’on lit communément : « C’est l’esprit qui vivifie ; la chair ne sert de rien. » Beaucoup parmi les anciens protestants rapprochaient de cette afiirniation le mot de saint Paul sur la [dire qui tue et Vcsprit qui vivifie. II Cor., III, G. Ils prêtaient ainsi à Jésus ce langage : Vous avez tort de vous scandaliser : la signification litléralc ne sert de rien ; c’est au sens spirituel qu’il faut entendre mes paroles. Mais < le texte de Paul ne fait pas loi pour l’interprétation de Jean. Loisy, op. cit., p. 170 ; Baliffol, op. cit., p. 102. Le rapprochement n’est d’ailleurs pas justifié. L’apôtre oppose lettre et esprit ; l’évangéliste établit un contraste entre esprit et chair. Il n’est pas question ici de textes à interpréter, de paroles à entendre dans un sens ou dans im autre, mais seulement (l’esprit et de chair, d’esprit et de vie. « Loisy, loc. cil. Jamais, dans l’Écriture, chair n’a voulu dire ce qu’on essaie de lui faire signifier ici, sens littéral.

Plus communément, les partisans d’une manducation mystique de Jésus traduisent :. La chair, c’c stà-dire ma chair, mon corps, ne sert de rien ; seul mon esprit (par exemple, Goguel, B. Weiss) ; seule, ma chair devenue tout esprit après mon retour au Père (par exemple, Hoitzmann) ; seul, le Logos incarné en quelque sorte dans le pain et dans le vin (par exem|)Ie, J. Réville), peut donner la vie. > Ces explications ajoutent au texte. Jésus ne dit pas : jnu chair, mon esprit, mais la chair, l’esprit. Les termes de l’opposition sont pris dans le domaine des généralités, dans l’ordre métaphysique. Calmes, op. cit., p. 260. Le sens paraît donc être le suivant : dans un être vivant, c’est l’esprit qui donne la vie ; la chair, comme chair, n’est pas apte à ht communiquer, elle ne sert de rien. Le qu.atrièmc Évangile, l’Évangile de Logos incarné, ne peut, sans se contredire, soutenir que la chair de Jésus ne sert de rien. Et si les explications spiritualistes étaient admises, pourquoi, comme l’affirme le v. 66. « beaucoup de disciples > se retireraient-ils ? La difficulté s’évanouit, le mystère disparaît. Mais l’argument le