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ETHIOPIE (ÉGLISE D’)

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humanité à l’essence divine, de tout, en un mot. Abba Adarâ prêcha donc cette formule : Wald Kab’âi, wald takab’âï, wald Keb’, c’est-à-dire Filius in semctipso ungiiens, iinctus, unguentum, en opposition à la formule courante : Ab Kab’âi, wald takabâi, man’fas Kedus Keb’, c’est-à-dire Pater est ungens, Filius iinctus, Spirilus Sanciiis unguentum. Le Verbe, fils de Dieu, s’incarnant en Marie, assuma, éleva son humanité, et son union même en fut l’onction divinisante. D’où fut donnée aux partisans de ce monophysisme outré l’épithète de Wuld-Kcb’ou encore iawahedo, dans le sens le plus intégral et absolu, désormais exclusif de l’école de Dabra-Libanos, sa mère, stigmatisée des surnoms de Sar/â-lidj ou Sostladal’.

Les Saf/â-lid/oç, avec leur triple génération, sont répudiés et traités de nestoriens, parce que, avec le tawahedo de l’union déifiante, reconnaître un takahc’o ou une onction génératrice du rôle messianique, c’est reconnaître un être différent qui en soit le sujet, Jésus, fils de Marie en chair et en os, dans l’auréole de la divinité : dualité physique et hypostatique.

Contre les Keb’âtoç, les Wald-Keb’voient dans le tawahedo ou l’union la cause de la transformation de l’humanité noyée dans la divinité, tandis que, eux, les onc/i"o/7(s/fs, prennent l’effet pour la cause en attribuant à l’onction la déification. Contre leurs anciens partenaires de Dabra-Libanos, ils nient l’efficacité spéciale que ceux-ci attribuent à l’onction pour le rôle messianique, vu que l’onction est résultante de l’union ; car, une fois saisie par l’union avec l’essence du Verbe, l’humanité n’est plus qu’une chose avec elle. Les autres, à leur tour, reprochent aux Wald-Keb’de réduire à rien c fils de l’homme, le nouvel Adam, le premier-né de toute créature…, en attribuantles deux rôles, l’actif et le passif, et toute l’œuvre de l’incarnation au seul Verbe lui-même. En assumant l’humanité, il la noie dans la divinité ; absorbée, elle disparait dans l’essence divine. Aussi, donna-t-on à cette école le sobriquet de Karra, « couteau » , parce que leur formule est semblable au tranchant d’un coutelas qui réduit les viandes en morceaux, et réduit à néant l’humanité. Ce sobriquet leur est resté dans ce refrain populaire :

Ten’l' tawahedo-Keb’ât nuio,

Karra takiamero,

Scgâ halaka zen’dro.

C’était lawahedo-kebaV que jadis on sonnait ; On ajoute à présent le karra dit couperet. Ah ! c’en fut vite fait de toute la chair, d’un trait.

Le système Wald Keb’resta d’abord confiné dans le Tigray (1770-1850), pendant que le système SostladaV s’étendait des écoles de Gondar au Choa, malgré la condamnation de rabounaKerlos, ets’y établit sans conteste. Grâce aux menaces de l’abouna Salamâ et de Théodoros (18.56), le monophysisme du tawahedo et Wald-i : eb fut proclamé » foi de l’État » imposée sous peine de mort ; il battit en brèche l’opinion choanc.

Les Keb’âlfigardaient leurs positions dans le liamasscn, le LastA et le Go ;  ; iam, mais effacés, retranchés dans un silence prudent, sous la férule de Théodoros et celle surtout de.Johanès IV (1868-1889), dont les conquêtes furent celles du parti du santon Adarâ, duquel il se réclamait dans son triomphe et dans la possession de tout l’empire reconstitué entre ses mains..Son successeur Ménélik maintint les choses en l’état, et porta son attention sur d’autres soins.

X. État au xixe siècle. — " Le clergé séculier et régulier. — Le clergé ou Kahendt’comprend deux catégories : 1. les clercs laïcs, écoliers ou lettrés, sous le nom général de dabtara ; 2. les clercs ecclésiastiques.

Les premiers ont la charge du chant aux offices de l’église et de l’enseignement aux écoles. Les seconds ont celle des cérémonies, du service du sanctuaire, de l’administration des sacrements. Les dabtara, ou clergé lettré, méprisent le clergé sacerdotal, parce que le prestige de la science les élève au-dessus de l’ignorance classique des autres.

Les dabtara se recrutent, ou par la descendance naturelle, car ils peuvent avoir famille, ou par le choix libre des vocations sur les bancs de l’école, où même les familles de plus haute condition aiment à envoyer leurs fils dès l’enfance. Ils sont prébendes par la commune pour l’école, et par la paroisse pour le chant à l’église.

Les clercs ecclésiastiques se divisent en régulier et séculier. Ces deux appellatifs ne répondent pas exactement à la classification qu’ils expriment dans l’Église latine. Il faut les prendre comme synonymes de lévitique et monacal, parce que le clergé séculier en Ethiopie ne comprend que des prêtres engagés dans les liens du mariage. A la manière de la tribu de Lévi parmi les Hébreux, ce clergé séculier forme une caste, où la descendance masculine est destinée au service des autels, naturellement, mais pas obligatoirement ; d’où elle s’appellera avec justesse « lévitique » . Tout prêtre célibataire doit obligatoirement appartenir à l’un des deux ordres religieux reconnus dans l’Église d’Ethiopie. Voir plus haut. Voilà pourquoi il est appelé clerc monacal, à la différence du clerc lévitique. A part le service du culte à l’église et celui des bénédictions à répandre de maison en maison, le personnel du clergé lévitique ne diffère guère du bon paysan attaché à la glèbe ; car, comme les gens des champs, les prêtres et clercs en ménage ont les mêmes soucis matériels, le même genre de vie champêtre.

Les réguliers ou moines dépendent par leur admission et leur formation religieuse de tel ou tel couvent. Mais le nombre de ceux qui y gardent la clôture est fort restreint : l’abbé ou prieur, Mamher, le régisseur des choses temporelles, Magâbi, et leurs assesseurs, c’est-à-dire les religieux qui s’attachent à leur service ou à leur suite, puis les vieux impotents et les novices, forment le personnel à demeure du couvent. Le moine, comme le lettré, est vagabond. Pendant que celui-ci vole d’école en école au gré de sa curiosité ou de son amour de l’étude, celui-là court les couvents et surtout les châteaux, la cour et les camps des seigneurs féodaux.

Les trois vœux de religion forment virtuellement le fond de la vie religieuse, mais on n’en prend aucun engagement exprès, formel et précis. Le principal consiste dans les rigueurs des austérités corporelles ; elles sont le thermomètre de la progression et de la perfection graduelle dans la sainteté monastique. C’est l’idéal…, mais le réel ?

Les résidants même du couvent y vivent peu en communauté. Ils n’ont d’obligation de se réunir qu’aux offices très matinaux à l’église, sans être tenus ni à la confession, ni à la communion, même annuelles, ni à l’assistance de la messe les dimanches et fêtes ; pendant que les ofiiciers de la semaine célèbrent le saint sacrifice, la plupart des autres devisent sous quelque ombrage, dans l’enceinte ou cimetière qui entoure l’église. La mense ou réfectoire en commun n’est pas connue. Les dignitaires vivent du rendement des bénéfices qui leur sont alloués, chacun d’eux entretient sa maison et sa table à son gré. Quant aux inférieurs écroués par les disgrâces du sort à la garde du couvent, le magâbi leur fait distribuer à chacun leur part de la marmite de fèves, lentilles ou autres denrées cuites à l’eau. Quelquefois, aux fêtes, ils ont aussi leur coupe d’une grosse bière faite par les novices. L’habillement religieux consiste à porter, dès l’en-