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ETHIOPIE (EGLISE D’)


raison intrinsèque de ce nom ou de Vonction formatrice du Christ dans l’union de l’iiumanité avec la divinité. Jeux byzantins d’antan.

L’origine de ces débats remonte à un certain maâllem Piétros (non le P. Paëz.qui s’appelait abba Piétros), mais Pierre Heiling, Saxon luthérien, venu en Abyssinie avec l’abouna Marcos, le nouveau métropolitain envoyé du Caire (1637). Il était médecin de profession, très instruit, habile et rusé, très versé dans les langues orientales, même l’éthiopien ; sa science et son savoir-faire lui firent donner le qualificatif arabe de maâllem. Ses talents, ses remèdes, ajoutés à la confiance et à la recommandation de l’abouna, le mirent en faveur auprès de Basilidès. Son antipapisme a ajouté à son crédit ; et les deux martyrs capucins, Agathange de Vendôme et Cassien de Nantes, lui sont redevables de leurs palmes. Voir leur Vie par le P. Emmanuel de Rennes, et Le B. Agalhange de Vendôme, par l’abbé de Préville, Blois, 1905. Son grand crédit au palais attira près de lui tous les lettrés de tout rang et sa haine de l’Église romaine enlevait toute méfiance à leur sectarisme.

Les conversations quotidiennes firent de sa demeure une école, un centre de controverse. Il posa un jour cette question : « Christ signifie oint, en quoi consiste cette onction ? Quel a été son elTet ? » Demande fort simple, mais fort insidieuse auprès des monophysites ; c’est une étincelle qui va de nouveau mettre le pays en feu, et pour trois siècles 1 On ne peut s’empêcher d’y voir un châtiment providentiel du rejet de la vérité, sous prétexte de paix nationale. Hist. manuscr. d’abba Takla-haymanot’. Le roi Basilidès convoqua un synode à Aringo (1654), où la question fut posée devant tout ce que la théologie comptait de lumières et d’autorités scientifiques. Des réponses furent données, mais non pas la solution. Au contraire, le choc des formules proposées mit toutes les écoles en heurt les unes contre les autres. Les disputes se sont étendues des écoles dans les camps et, de là, en toutes les provinces. Elles vont aboutir à l’anarchie doctrinale et à des discordes intestines sanglantes.

Opinions ci écoles adverses.

 Deux systèmes

apparurent en face et se disputèrent la chaire de l’enseignement officiel, sous les rois Basilidès et Johanès I" (16, 50-1682).

L’école les distingue par des dénominations indiquant la nuance caractéristique des formules qui énoncent leurs thèses opposées. La première s’intitule des Keb’âl’, et la deuxième des Saga-lidj. Les partisans du premier système opinent que le" Christ, en tant qu’homme, est devenu fils naturel de Dieu par Vonrlion du Saint-Esprit : Ba-Kcb’ât’Waldabâhrnj ; l’onction a divinise la nature humaine jusqu’à n’en faire qu’une : c’est le monophysisme^absolu jusqu’à l’absorption. Les adeptes de ce système sont les disciples d’Eustalios à Dabra-NVark dans le (joi.iani et à Dabra Bizan’dans le Hamassèn.d’où ils s’étendent dans les provinces environnantes du Tigré. Les partisans du deuxième système soutiennent de leur côté : a) que l’onction n’élève pas d’un état inférieur à un état supérieur et qu’elle fait simplement du Christ le second Adam ou le premier-né de toute créature : Da-Kcb’ûV dùijmâwi Adam, l’aîné, la souche de régénérés, et par conséquent Fils de Dieu par grâce ou Fils adoptif : Ba-Keb’ûC Walda-Sagâ, (en amarina Ya-Sagâ lidj), ou pcr unctioncm factus gratiæ fîlius ; — b) que la déification ou l’élévation à la qualité de Fils naturel de Dieu résultait de l’union de la nature humaine avec la divine : Kohara scgâ balawâhedo, ou ba-tawahedo W’aldn-Egziabicr, pcr iinionem lactiis J’ilius consiibstantialis Dei. Cf. Tarikn-Siujii’-f, synode d’octobre 1081, sous Johnnès I", Les tenants de ce système sont les disciples de Takla DICT. t)E TIIKOL CATHOL.

haymanot’, du couvent de Dabra-Libanos. Ils sont plus importants par le nombre, l’influence et l’étendue dans l’empire. Au synode précité, l’orateur de Dabra-Libanos fut l’abba Nicolaos et celui de DabraWark l’abba Akala-Christos. Celui-ci fut déclaré battu, grâce à la partialité du roi ; l’excommunication sanctionna sa défaite et la proclamation de la formule : Segâ Kabara ba-tawâhedo, ou per unioncm humanitas elevata est (id est, ad esse diviniim Filii). Réduit au silence, mais non vaincu, Akala-Christos défendra quand même sa thèse avec l’aide de disciples aussi combatifs que lui et avec une opiniâtreté indémentie durant plus de vingt-cinq ans ; il en tombera champion irréductible, à la bataille de Kabaro- ! léda, sous le règne de Takla-haymrnot’(1707).

D’ici là, durant le règne de Yasu-làlâc ou le Grand (1682-1706), les discussions ne seront que des chicanes où, sous des subterfuges et des ambiguïtés de mots, se dissimuleront les deux thèses rivales : la nature humaine est entrée en participation de la nature divine, par Vonction selon les uns, par Vunion selon les autres. L’empereur Yasu, quoique incliné à favoriser l’opinion des unionistes, travailla constamment à amener les deux écoles à la conciliation. Les réunions, les pourparlers et cinq ou six synodes solennels, où il espérait trancher le différend, n’aboutirent qu’à opiniâtrer les partis dans leur sentiment respectif. L’apparence de conciliation ou d’acquiescement ne fut que dissimulation. Ainsi, la formule, adoptée par le synode de 1686, fut conçue en ces termes : Tasar’â Walda-egziabier ba-hayla-Keb’à manfas-Kedus, ou ordinatus est Filius Dei virtute iinctionis Spiritus Sancti. Elle semblait accorder ensemble les deux divergences, qui n’ont d’ailleurs d’importance que dans l’amour-propre des parties adverses.

L’ambiguïté du terme tasar’â ou ordinatus est comportait une double interprétation en conformité avec l’une et avec l’autre des deux thèses. Les Kcb’âtor, voyant que l’interprétation des adversaires ramenait à la distinction fondamentale des’^agà-lidjdç, repoussèrent la formule.

Hostilités ouvertes dégénérées en factions.

Dans

des assemblées ultérieures, les iveft’â/orou onctionistes refusèrent d’entrer en discussion, sous leprétcxtcqu’ils n’étaient pas libres, puisque l’excommunication pesait toujours sur eux, mais surtout par la raison tacite que les arbitres appartenaient au camp des ^a.’/âlid /or ou unionistes. A l’excommunication qui leur interdisait l’entrée des écoles, Yasu ajouta le bannissement. Ils se retirèrent dans le Gocriâm.

Les exilés Sedudân — ce fut leiir qualificatif — paraissaient soumis. Ils mordirent leur frein "dix à onze années, mais ne laissèrent pas que d’entretenir une sourde agitation. Le roi en voulut avoir raison et il convoqua deux nouveaux synodes en 1697 et 1699. Il obtint, non l’accord, mais la soumission à la volonté impériale. Les exilés, anmistiés, purent reparaître dans leurs monastères et leurs écoles. Des écoles et des couvents, les chicanes des doctrinaires étaient passées dans les camps, où elles dégénérèrent en factions et en intrigues politiques qui coururent par toutes les provinces et y semèrent la division. Les trames des moines s’étendirent même au delà des frontières, par des émissaires à la cour patriarcale du Caire, et l’onvit leurs intrigues couronnées de succès par les nominations (Vab : ninas, on remplacement, d’abord’de Christodolu I"parSinoda, et puis de celui-ci par Àlarcos IV, gagnés au monophysisme mitigé des Sariâ-lid}or.

Avec l’avènement de Takla-haymanot’(17061708), recommencèrent de nouvelles trames. A des démarches des Kcb’alor qui sollicitaient un revirement en leur faveur, le roi répondit : < Est-ce qu’il m’est possible de rétablir votre croyance comme un

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