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h’ii’viim, quoique indivisible et immobile, ne peut coexister au temps, en l’excédant à l’infini, car, mesure des esprits créés, il est fini comme eux et ne peut contenir simultanément le passé, le présent et le futur. Il ne coexiste aux événements mesurés par le temps qu’à l’instant même où se produisent ces événements, absolument comme le bâton, lixe et immobile dans un cours d’eau, sans changer do place, reçoit cependant le contact de toute l’eau du fleuve à mesure qu’elle coule près de lui. C’est l’application de la définition que nous avons donnée plus haut de Vœvum : ici encore, l’imagination nous est de peu de ressource. Cf. Gonet, Clijpeus Iheologise thotnislicæ, tr. VIII, disp. VI, a. un., n. 4.

5° Une dernière question débattue entre philosophes sert à préciser davantage ces notions et à en montrer l’intime connexion avec l’ontologie thomiste. Plusieurs scolastiques se sont demandé si le terme « durée » , appliqué à l’éternité, n’était pas une contradiction. Au premier abord, en effet, le concept de durée paraît présenter une idée de succession ; or, nous avons vu que l’éternité ne comporte aucune idée de succession, même simplement envisagée comme possible. Aussi Auriol, In IV Sent., 1. I, dist. XIX, q. ii, a. 2, refuse d’appeler « durée » l’éternité. L’éternité, d’après lui, ne serait autre chose que la nature divine, en tant qu’apte à coexister avec un temps infini imaginaire. Personne ne nie qu’en réalité l’éternité s’identifie avec Dieu lui-même, mais l’explication d’Auriol ne vaut pas mieux que l’écueil qu’il voudrait éviter : une succession possible à l’infini (tel serait ce temps imaginaire) est aussi préjudiciable à l’idée d’éternité qu’une succession réelle. Il vaut mieux répondre avec Gonet, loc. cit., alTirmant la doctrine de saint Thomas, In IV Sent., 1. I, dist. XIX, q. ii, a. 2, que l’éternité, le temps et Vœvum sont tous trois des durées et comme les trois espèces d’un même genre. Mais l’idée de succession n’est pas essentielle à l’idée de durée : la durée consiste dans la permanence de l’être ; plus un être s’éloigne dans son essence ou dans ses opérations de l’être parfait, de l’acte pur, plus il s’éloigne de la permanence parfaite dans l’être. L’acte pur, sans mélange de puissance, principe de mutabilité, représentera donc la permanence absolue dans l’être ; les esprits purs, dont l’essence cependant est puissance par rapport à l’existence et aux opérations, participeront de la durée parfaite dans la mesure où ils sont actes purs ; de la durée imparfaite, qui implique succession réelle ou fin virtuelle, dans la mesure où ils sont puissance ; enfin, les êtres corporels, essentiellement et sous tous rapports composés d’acte et de puissance, seront soumis à la durée la moins parfaite, le temps, qui mesurera toutes leurs mutations, essentielles et accidentelles.

Nous retrouvons ici, à la base de la théorie philosophique de l’éternité, la doctrine fondamentale de l’acte et de la puissance, de l’essence et de l’existence, tant il est vrai que, dans le système de saint Thomas, tout s’enchaîne logiquement et que les grands principes de l’ontologie supportent tout l’édifice de la doctrine. Voir Essence, col. 845.

II. Éternité, attribut divin. — Que l’éternité soit un attribut divin, c’est là une vérité que la seule raison suffit à prouver. L’affirmation de l’éternité divine se trouve également dans l’Écriture sainte et dans la tradition : mais ici, le théologien doit tenir compte du mystère de la sainte Trinité et de l’attribution de l’éternité à chacune des trois personnes. Autour de la vérité de foi gravitent plusieurs questions secondaires dont la théologie ne se désintéresse pas complètement. Nous allons passer en revue celles-ci et celle-là.

Affirmation de l’éternité divine.

1. La raison

déduit l’éternilé de Dieu de son immutabilité parfaite. De même que le temps se fonde sur le mouvement, de même l’éternité est la conséquence de l’immutabilité. L’acte pur ne peut être qu’éternel. Cette position est celle de tous les théologiens qui procèdent par voie de déduction, sauf saint Anselme, qui semble déduire l’immutabilité de l’éternité. Cf. Monoloi/iiim, c. XXV, P. L., t. CLviii, col. 178. L’induction, en prenant comme point de départ la durée successive du temps, aboutira, par voie de négation des imperfections, à l’idée de durée permanente, c’est-à-dire d’éternité, comme attribut divin. Sur ces deux procédés d’arriver à la connaissance des attributs de Dieu, voir Attributs, t. i, col. 2226 ; Dieu, t. iv, col. 1157.

Parce que Dieu est acte pur, l’éternité n’est autre chose en réalité que Dieu lui-même. Parce que l’essence de Dieu est son existence même. Dieu est non seulement éternel, mais il est son éternité. Telle est l’expression de saint Thomas, Sum. theol., I^, q. x, a. 2 ; cf. Contra gent., 1. 1, c. xv, après saint Augustin, Enar. in ps. ci, serm. ii, 10, P.L., t. xxxvii, col. 1311 ; saint Grégoire, Moral., 1. XVI, c. x, P. L., t. lxxv, col. 119. Il ne peut donc y avoir deux principes coexistants de toute éternité et indépendants l’un de l’autre. Ainsi se trouve réfutée d’avance l’erreur fondamentale du manichéisme. Voir ce mot.

2. Mais c’est surtout à l’Écriture sainte que le théologien doit demander l’affirmation de l’éternité divine. Les théologiens ont l’habitude de déduire l’éternité divine du nom ineffable mn’, Exod., iii, 14, et de toutes les expressions qui marquent l’absolue permanence de Dieu dans l’être. Voir Dieu, t. iv, col. 954-962. C’est ainsi que Notre-Seigneur Jésus-Christ affirme de lui-même l’éternité dans sa réponse aux Juifs, Joa., VIII, 58 : Aniequam Abraliani fieret, ego sum, et saint Paul, reprenant le texte du ps. ci (en), 25-28, exprime la même idée au sujet du Sauveur, Heb., i, 5-12 : Ipsi peribunt, tu autem permanebis…, tu autem idem ipse es, même par rapport aux anges.

Le nom d’Éternel a été constamment donné à Dieu par les Juifs et les chrétiens. Gen., xxi, 33 ; Bar., IV, 7 ; Dan., vi, 26 ; xiii, 42 ; Eccli., xviii, 1 ; Il Mach., I, 25 ; Rom., xvi, 26. Dans tous ces passages l’expression œlernus semble devoir être prise dans viii sens absolu ; on peut en rapprocher les formules si courantes in seternum, in sempiternum, in ssecula sxculorum, in seternum et ultra ; cette dernière rend d’ailleurs insuffisamment le pléonasme voulu de l’hébreu pour mieux afiirmer l’idée d’éternité : "iv

VT

aSyb. Exod., xv, 18 ; Mich., iv, 5 ; cf. Deut., xxxii, 4 ;

T :

Ps. IX, 8 ; xci, 9 ; Dan., iv, 31 ; Eccli., xviii, 1 ; Apoc., i, 18 ; IV, 9-10 ; v, 14.

Des figures et des comparaisons expriment la même idée : le nombre des années de Dieu ne saurait être compté. Job, XXXVI, 26 ; Dieu reste à jamais, tandis que les impies passent, Ps. ix, 8 ; il habite l’éternité, Is., Lvii, 15 ; il est l’Ancien des jours. Dan., vii, 9.

Son existence est en dehors du temps : au principe de toutes choses, c’est-à-dire avant que rien n’existât encore. Dieu était déjà, Joa., i, 1, 2 ; cꝟ. 3 ; Gen., i, 1, quoique, en cet endroit, principiumn’ait pas la même signification qu’en Joa., i ; son existence précède le temps, Eccli., xlii, 21, pensée que l’on rencontre souvent exprimée sous diverses formes, ante consiiiU’tionem nmndi, Joa., xvii, 24 ; Eph., i, 4 ; I Pet., i, 10 ; aniequam terra fieret, Prov., viii, 23 ; Ps. lxxxix (xc), 2 ; ante hiciferum. Ps. cix, 3. L’éternité de Dieu, considérée par rapport au temps, est encore exprimée par ces paroles de l’Apoc, i, 4 : gratia vobis et pax, âno (ov /.al ô r, v y.ai 6 éç)-/_ôi.E.-ioç, qui montrent clairement que toutes différences de passé et de futur