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ETATS DE VIE — ETERNITE

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ral, d’une manière indéterminée quant à rolijct, mais il peut arriver que l’iionime se trouve en présence de l’obligation de choisir un état de vie délerminc. Cette obligation sera négative ou positire. J’appelle obligation négative celle qui défend d’entrer dans un état de vie déterminé. Cette obligation peut provenir d’un défaut de forces physiques ou intellectuelles dans le candidat, d’où il résulterait que celui-ci est incapable de remplir les devoirs particuliers de cet état. Elle peut encore prendre naissance d’un défaut de forces morales. Lorsque, par exemple, quelqu’un est persuadé qu’il n’a pas le courage, la force de volonté, la constance nécessaires pour vivre dans un état déterminé.

L’obligation positive est celle qui prescrit de s’engager dans un état de vie déterminé. Cette obligation se produira lorsque l’homme a la certitude que, dans telles circonstances concrètes, tel état de vie est pour lui un moyen nécessaire de salut, par exemple, l’état de mariage ou l’état religieux.

La même obligation s’impose lorsque quelqu’un ne peut pas remplir des obligations graves sans embrasser un état déterminé, par exemple, l’obligation de continuer la profession paternelle pour aider ses parents, ses frères et sœurs en bas âge. Cependant, si quelqu’un éprouvait une grande répugnance à prendre telle profession, il faudrait considérer attentivement le cas, avant d’imposer une obligation grave. C’est le cas d’appliquer l’axiome : Carilas non obligat eum tanto incommoda.

Les parents doivent aider leurs enfants à se procurer un état qui leur periuette de gagnerhonorablemeiit leur vie ; dans ce but, ils doivent consulter les capacités et les inclinations de leurs enfants, conformément aux principes posés plus haut.

Lorsqu’il s’agit du mariage ou de l’état de perfection, en soi, les enfants ne sont pas tenus d’obéir à leurs parents jiour le choix d’un état de vie. Toutefois, si les parents avaient un besoin pressant du secours de leurs enfants, ceux-ci pourraient, et même en certains cas devraient retarder l’époque de leur mariage ou de leur entrée en religion.

D’une manière générale, les enfants sont tenus de prendre conseil de leurs parents avant de contracter mariage, mais si le refus des parents est injuste, les enfants peuvent passer outre. S. Alphonse, Tlieol. mor., 1. VI, n. 849. D’après saint Alphonse de Liguori, il pourrait y avoir péché grave à refuser, s « ; î.s un jusle motif, un mariage proposé par les parents, lorsque, par exemple, ce mariage est nécessaire à la réconciliation des familles ou encore à la subsistance de parents pauvres.

S. Thomas, Suin. theol., II" II’, q. xxiv, a. 9 ; q. CLXxxiii, a. 1, 4 ; q. CLXxxiv-cxxxvi ; Optiscuhim de perfectione nitæ spirilualis ; Passeiini, De hominiim slatibus et officiis ; Suarez, De religione, tr. VII, 1. I, III ; Lessius, £)e virliilibus cardinalibiis, 1. II, c. xr.i, dist. I ; Bellarmin, Controo., 1. II, c. II ; Ballorini-Palmicri, Opiis llieologiciini, t. iv, tr. IX, c. i ; Lehmkuhl, Theologia nioralis, t. i, n..586 sq. ; Vernicprsch, De religiosis, part. I, c. i, a. 1 ; Noklin, Siimma theolodiiv moralis, II, De pin’ccptis, part. IV.

C. Antoine.

    1. ETERNELS##


ETERNELS. C’est le nom assez arbitrairement choisi par l’auteur du Dictionnaire des hérésies, Migne, t. I, col. 677, pour désigner, sans la moindre référence, certains chrétiens des premiers siècles qui croyaient que, après la résurrection générale, le monde durera éternellement tel qu’il est aujourd’hui. Il est vrai que le premier écrivain ecclésiastique qui nous révèle l’existence d’une telle opinion, Philastrius, ne sait comment qualifier ses partisans, Hær., 80, P. L., t. XII, col. 1192 ; il nous apprend, du moins, qu’ils ne se laissaient pas arrêter par le passage si formel de Notre-Seigneur : « Le ciel et la terre passeront, » Matth., xxiv, 35 ; Marc, xiii, 31 ; Luc, xxi, 33,

pas plus du reste que |jar les autres passages de l’Écriture, où il est dit qu’il y aura des cieux nouveaux et une terre nouvelle. Is., lxv, 17 ; II Pet., iii, 13 ; Apoc, xxi, 1. Il ne s’agit pas là, pensaient-ils, d’un changement proprement dit, au point qu’il doive y avoir des créatures nouvelles, un autre ciel et une autre terre, mais plutôt d’une restauration qui procurera à tout ce qui existe actuellement plus d’éclat et plus de gloire, comme saint Paul l’aflirme en particulier du corps de l’homme, I Cor., xv, 44 ; et ils ajoutaient que le monde, ainsi transformé, n’aura plus de fin. Saint Augustin, qui emprunte ces courts renseignements à l’évêque de Brescia, ne sait comment appeler cette hérésie, sine auctore et sine nomine. Hier., 67, P. L., t. XLii, col. 42. Mais, postérieurement, l’auteur ûuPnvdestinatiis n’hésite pas : sans indiquer ses sources, il l’appelle l’hérésie des sataunicns, du nom de leur chef, Sataunius, personnage d’ailleurs complètement inconnu. Prædest., G", P. L., t. lui, col. 610.

S. Philastrius, Ilœr., 80, P. I.., t. xii, col. 1192 ; S. Augustin, De huer., 67, P. L., t. XLii, col. 42 ; Migne, Diclionndire des Iiérésies, Paris, 1847, t. i, col. 677.

G. Bareille.

    1. ETERNITE##


ETERNITE. — I. Notions philosophiques. II. Éternité, attribut divin. III. Éternité participée. IV. Éternité improprement dite.

I. Notions philosophiques.

L’éternité nous échappe totalement ; pour nous en faire une idée, il nous faut partir de la notion du temps, qui tombe sous notre expérience. Sans entrer dans toutes les discussions philosophiques que soulèvent les problèmes ardus de l’espace et du temps, tenons-nous en aux données générales, expression du bon sens et traduction de l’expérience sensible.

1° Le temps a son fondement réel dans le mouvement local. Saint Thomas l’a défini après Aristote : numerus motus secundum prias et posterius. Physic, 1. IV, lect. xviii. Le « nombre » n’est pas pris ici in abstracto, mais il consiste dans la réalité même des instants se succédant les uns aux autres sans interruption et de façon continue. C’est ce que saint Thomas appelle le nombre nombre par opposition au nombre nombrant : numerus numerutus, nunjerus numeravs. Loc. cit. Succession des instants, l’avant et l’après, tel se présente à nous le temps. Sa continuité est celle du mouvement lui-même, qu’on a défini précisément : acius eniis in poteniia quatenus in potentia, acte d’un être toujours en puissance d’un acte subséquent. En réalité, le temps dépend donc du mouvement, dont il mesure les actes successifs.

La notion de temps comporte également une idée de commencement et de fin. Non pas qu’essentiellement le temps doive avoir un commencement ou une fin, car le temps peut se concevoir comme ayant duré et comme devant durer toujours, mais parce qu’il suppose, aux choses mesurées par lui, un commencement et une fin : « Il n’y a à être mesuré par le temps que les choses qui ont un commencement et une fin dans le temps… et cela, parce que, dans tout être qui est mû, se doit pouvoir assigner un certain commencement, une certaine fin. » Sum. theol., P, q. x, a. 1. Laissant de côté les questions de subtile méthaphysique dont Cajctan nous livre le secret, dans son commentaire sur cet article, disons immédiatement qu’il ne s’agit pas ici de réprouver l’hypothèse d’une création ab œtcrno. Mais faisant abstraction de ce problème spécial, déjà envisagé, voir Création, t. ii, col. 2086, et surtout col. 2174-2181, nous disons que la notion de temps comporLe pour les êtres mesurés par lui un conuuencement et une fin, sinon réels, au moins virtuels. On appelle un commencement virtuel l’assignation d’un point déterminé auquel aurait pu commencer le mouvement, à supposer qu’il n’ait