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Droit social, p. 32. Il faut donc, avec Léon XIII, conclure que « le mariage, étant sacré par son essence, par sa nature, par hii-niême, doit être réglé et gouverné, non point par le pouvoir des princes, mais par l’autorité divine de l’Église qui, seule, a le magistère des choses sacrées. » Encyclique Arcanum. Toutefois, si l’État ne peut exercer aucun pouvoir sur le mariage lui-même, il a du moins le droit de soumettre le mariage validement contracté aux lois qu’exige l’intérêt public. C’est ainsi que l’État possède le droit de définir les effets civils et de régler les conséquences sociales du mariage. Il lui a])partient de déterminer par ses lois la condition sociale des époux, de leurs enfants, de la possession, de l’administration et de la transmission de leurs biens, à raison de la situation qui résulte pour eux d’un mariage validement contracté. Cf..1. Crozat, -Des droits et des dcuoirs de lu jamille et de l’Élat, Paris, 1884, p. 139.

Lorsque le mariage a donné ses fruits, la société domestique voit son cercle s’étendre, et à la société conjugale vient s’ajouter une autre société composée des parents et des enfants : c’est la sociéle paternelle, seconde et dernière étape de la famille. La fin propre de celle-ci est l’éducation des enfants, non seulement physique, mais encore intellectuelle et surtout morale et religieuse ; car la société qui préside à la génération des enfants exige aussi que son œuvre ne soit ni frustrée ni incomplète. Or, c’est la mission spéciale de l’éducation d’entretenir et de développer l’être et la vie reçue jusqu’à ce que l’enfant devienne, selon le mot de saint Thomas, « un homme parfait, de cette perfection qui procède de la vertu. » Svm. theoL, III » -’Supi>l., q. ? : li, a. 1. Te ! est le devoir et te ! est aussi le droit que la nature consacre chez les parents : car tout devoir a pour corrélatif un droit et l’un implique essentiellement l’autre. Ainsi donc, les enfants relèvent immédiatement de leurs parents et « la même loi naturelle qui impose aux parents le devoir de l’éducation leur accorde le droit de disposer de leurs enfants, c’est-à-dire le pouvoir de les diriger, de les obliger, et au besoin de les corriger jusqu’à ce qu’ils soient parvenus à l’âge d’iiommes parfaits. » E. Valton, Droit social, p. 38.

Ces principes généraux doivent déjà nous fixer sur les rapports juridiques de l’État avec la famille. En effet, la famille, étant une société nécessaire et naturelle antérieure à la société civile, possède à l’égard de l’État des droits inaliénables qui ne sauraient être méconnus ou violés sans que soient atteints en même temps les principes essentiels de la loi naturelle. Or, comme la mission spéciale de la famille se réfère à l’éducation des enfants et que c’est de là qu’elle tire sa raison d’être, la cpiestion des rapports juridiques de l’État avec la famille se précise de cette manière : quels droits l’État a-t-il le devoir de respecter et de protéger dans la famille touchant l’éducation des enfants ? Mais l’éducation des enfants doit être à la fois physique, intellectuelle, morale et religieuse, et, à ces divers points de vue, la famille a été investie par Dieu et la nature d’une mission spéciale et sacrée. Il suit de là que le premier devoir de l’État consiste à ne pas s’opposer à ce droit imprescriptible des parents et à ne pas se substituer à eux, contre leur gré, dans cette œuvre de l’éducation de leurs enfants ; en d’autres termes, la « liberté de l’éducation » , tel est le premier droit que l’État a le devoir de respecter dans la familK-. Cependant, la nature impose à l’État un second devoir : celui d’assister et, au besoin, de suppléer la famille dans l’accomplissement de cette mission de l’éducation des enfants ; en elTet, l’État ayant pour raison d’être de prêter son assistance et son concours aux familles dont les moyens se trouvent parlois insuffisants, il doit se préoccuper de l’éducation

des enfants lorsque les parents ne peuvent pas ou ne veulent pas s’en charger. L’État peut encore ex’rcer sur les moyens d’éducation, par exemple, sur l’enseignement dans les écoles libres, u)i droit de vigilance et d’inspection, afin que rien ne s’y passe qui soit contraire à l’ordre public et au bien général de la société. Mais ce rôle de l’État est plutôt négatif et l’autorité publique ne saurait intervenir directement que s’il se commettait quelque délit, ou s’il y avait réellement danger prochain que l’ordre public ne fût troublé. Il faut observer en outre que, dans les rapports juridiques de l’État avec la famille, il ne peut être question que de l’éducation jihysique et intellectuelle des enfants ; car, pour ce qui regarde l’éducation morale, et surtout l’éducation religieuse, la mission de suppléer la famille, et même de la diriger dans l’accomplissement de ses devoirs, est dévolue à ime autre société parfaite, en vertu d’une vocation spéciale et d’un droit prédominant : cette société est l’Église. Pour plus de détails touchant la liberté d’enseignement et le droit d’intervention de l’État, voir l’ouvrage déjà cité. Droit social, p. 79 sq. Voir aussi ÉCOLE, t. IV, col. 2082.

L’État et les associations.

La famille, nous

l’avons vu en traitant des origines de l’État, voir col. 881, afin d’obtenir aide et assistance dans l’accomplissement de sa mission, a été poussée, par un instinct naturel, à s’unir à d’autres familles. Telle a été la première espèce d’associations qui donna naissance aux tribus primitives, de la réunion desquelles sortit un jour la société civile, universelle et indépendante, ou l’État. Ces associations naturelles, quoique peut être volontaires et libres dans leur principe, sont antérieures à l’État, dont elles sont devenues plus tard les éléments constitutifs.

Cependant, il existe une autre classe d’associations, postérieures à la constitution même de la société géné.’-ale. Ces associaiions naissent de la libre initiative des individus qui, obéissant à leur instinct de sociabilité, et afin de pourvoir à des exigences particulières que l’autorité publique ne peut pas toujours satisfaire, s’unissent entre eux pour se prêter assistance et concours mutuel. Ces associations libres se forment donc en dehors de l’intervention de l’autorité publique et elles jouissent d’une organisation propre, quoiqu’elles doivent rester unies à la société générale, dont elles aident, loin de la contrarier, la fin et la mission. Elles sont aussi variées qu3 le but particulier qu’elles poursuivent, et c’est ainsi que, dans l’État, apparaissent les sociétés commerciales, industrielles, les associations ouvrières, les mutualités et syndicats de toute sorte, les sociétés scientifiques, littéraires, artistiques, etc.

Enfin une troisième espèce d’associations est constituée par l’action directe et immédiate du pouvoir public : ce sont ces sociétés i ?iférieures et subordonnées que constitue l’autorité publique comme rouages de gouvernement de la société générale ; elles jouissent d’une circonscription territoriale déterminée et sont soumises à des autorités subalternes qui relèvent directement du pouvoir public. C’est ainsi que, dans l’État, existent les provinces, les départements, les districts, les municipalités, etc.

Or, quels sont les rapports juridiques entre l’État et les associations" ? La question ne souffre aucune difiiculté s’il s’agit de la troisième classe d’associations qui, étant purement administratives et gouvernementales, reçoivent leur organisation de l’autorité publique elle-même, dont elles sont de simples rouages. Il est certain, en effet, que ces sociétés secondaires dépendent absolument du pouvoir de l’État qui les a constituées. Quant aux associations ou tribus primitives qui donnèrent naissance à l’État, il n’y a pas lieu