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ESPRIT-SAINT


à se frayer des voies nouvelles dans le domaine de la spéculation Liiéologique, car ce domaine a été savamment exploré par les Pères. Mais ceux-ci ont dispersé les résultats de leurs spéculations dans un grand nombre d’écrits, et le mérite de saint Jean Daniascéne est précisément de les avoir recueillis, coordonnés dans les quatre livres De fide orlhodoxa qui, durant des siècles, a été l’unique manuel de théologie des écoles orthodoxes.

La doctrine de saint Jean Damascène sur la procession du Saint-Esprit comprend deux séries de textes. Jl y a des textes qui déclarent explicitement que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils ; il y en a d’autres qui semblent insinuer que le Saint-Esprit procède du Père seul.

Examinons d’abord les textes de la première série. Saint Jean Damascène décrit les notes caractéristiques des trois personnes divines. Le Père est le voOç, l’abîme du Logos, le générateur du Logos, et par le Logos le producteur de l’Esprit. Le Fils est la seule puissance du Père et la vertu primordiale de toute création. Quant au Saint-Esprit, il est la puissance manifestatrice du Père manifestant le secret de la divinité, puissance procédant du Père et du Fils. Le Père est l’aï-iov, le principe ; le Fils est le terme engendré, aiTiarbv yewr, -TÔv ; le Saint-Esprit est le terme procédant, aÎTic/rôv âxitopEuTÔv. Le Père est la source et le principe du Fils et du Saint-Esprit, Père du Fils seul et prolateur du Saint-Esprit. Le Fils est le Logos, la sagesse, la puissance, l’image, la splendeur, le caractère du Père, tenant son origine du Père. Le Saint-Esprit n’est pas Fils du Père. Il est l’Esprit du Père, comme procédant du Père, car il n’y a aucun mouvement sans l’Esprit. Il est en même temps l’Esprit du Fils, non pas qu’il tire du Fils son origine, mais parce qu’il procède du Père par le Fils. Car, seul, le Père est le principe. De fide orlhodoxa, i, 12, P. G., t. xciv, col. 848, 849. Le saint docteur déclare que le Père ne peut pas être aÀ5-, ’oç, sans logos : il a donc un Verbe, qui est sa sagesse et sa puissance. Or, leVerbe, la parole, n’est pas dépourvu de soufïle (uvejaa). Le Verbe a donc un esprit. Ibid., i, 6, col. 804, 848. Le Verbe n’a jamais manqué au Père, ni l’Esprit au Verbe. Ibid., i, 7, col. 805. Le Fils est l’image du Père et l’Esprit du Fils, par le moyen duquel le Christ habitant dans l’homme donne à celui-ci d’être l’image de Dieu. Ibid., 13, col. 656. Cf. de Régnon, op. cit., t. iii, p. 155-158. Le Saint-Esprit tire son origine du Père, procédant par le Verbe, mais non par filiation. De hijmno Irisagio, P. G., t. xcv, col. 60.

Mais à côté de ces textes, il y en a d’autres qui semblent exclure le Fils de la spiration du Saint-Esprit. « Nous ne disons pas que le Père tire son origine de quelqu’un. Mais nous disons qu’il est Père du Fils. Nous ne disons pas que le Fils soit principe du Père ; mais nous disons qu’il tire son origine du Père et qu’il est le Fils du Père. Quant au Saint-Esprit, nous disons qu’il tire son origine du Père et nous le nommons l’Esprit du Père. Nous ne disons pas que l’Esprit tire son origine du Fils, mais nous le nommons l’Esprit du Fils. …De plus, nous confessons que c’est par le Fils qu’il a été manifesté et qu’il nous est connnuniqué. » De fide ortliodoxa, i, 8, P. G., t. xciv, col. 832, 833. Et ailleurs : « Le Saint-Esprit n’est pas Fils du Père. II est l’Esprit du Père en tant qu’il procède du Père, car il n’y a aucun clan sans l’Esprit. Il est aussi l’Esprit du Fils, non pas comme d’un principe originaire, mais en tant que par lui il procède du Père. En effet, le seul principe est le Père. » Ibid., i, 12, col. 849. Nous avons un seul Dieu, le Père, son Verbe et son Esprit. Le Verbe est subsistant, engendré : c’est pour cela qu’il est Fils. Le Saint-Esprit est subsistant, procédant et projeté. Son origine est le Père ; il est du Fils, mais il n’a pas le

ImIs pour origine, puisqu’il est le souffle de la bouche du Père, manifestant le Logos. £>e Itymnu Irisagio, P. G., t. xcv, col. 60. (x’s derniers textes, d’après la théologie orthodoxe, contiennent la condamnation pércmptoire du dogme latin. « Dans ses lignes générales et dans ses traits particuliers, la doctrine de saint Jean Damascène sur la procession du Saint-Esprit est conforme à l’enseignement de l’Église orthodoxe, et exclut le Filioque. C’est une doctrine cpii professe toujours la procession du Saint-Esprit du Père seul. En parlant des rapports entre le Père et le Saint-Esprit, le saint docteur déclare que ces rapports expriment un état de dépendance du Saint-Esprit vis-à-vis du Père, considèrent le Père comme la cause de l’être du Saint-Esprit. La procession du Saint-Esprit du Fils est ouvertement niée par saint Jean Damascène, qui n’admet pas que le Saint-Esprit reçoive son être du Fils. La relation éternelle du Saint-Esprit au Fils est autre que la relation éternelle du Saint-Esprit au Père. La première n’est pas une relation de dépendance quant à l’origine, mais une relation d’unité éternelle dans l’être, ou dans la substance éternelle. En d’autres termes, le vSaint-Esprit procède du Père au même moment où le Fils est engendré. » Bogorodsky, La doctrine de saint Jean Damascène sur la procession du Saint-Esprit, Saint-Pétersbourg, 1879, p. 158.

La manière dont le saint docteur s’exprime parut si étrange aux docteurs latins du moyen âge qu’ils n’hésitèrent pas à la considérer comme entachée d’hérésie. Saint Thomas d’Aquin reproche à saint Jean Damascène des tendances nestoriennes. II l’excuse cependant, parce qu’il ne nie pas formellement la procession du Saint-Esprit du Fils. Sum. theol., l-i, q. XXXVI, a. 2. Cette même raison est donnée par saint Bonaventure pour écarter du saint docteur le soupçon d’hérésie. In IV Sent., 1. I, dist. II, q. i, a. 1. Allatius remarque que l’ignorance de la terminologie théologique des grecs a suggéré ces critiques sévères. Vila Georgii Cijprii, ii, 0, P. G., t. cxlii, col. 117, 118. En effet, les polémistes latins, qui étaient versés dans la connaissance des Pères grecs, pouvaient dire de saint Jean Damascène ce que disait de lui, au xiie siècle, Hugues Etherianus : Non discordât Iiic sanctus a latina veritate : hoc ad consueludinem Ecclesiæ grsecorum rejerendo, quæ non esse Spiritum ex Filio confitetur usque in hodiernum. De hæresibus græcorum, iii, 21, P. L., t. ccii, col. 394. Et au concile de Florence, le cardinal Bessarion n’hésitait pas à affirmer que les passages cités plus haut de saint Jean Damascène apportaient de nouvelles preuves en faveur de la doctrine catholique.

Pour bien saisir la véritable pensée du saint docteur, nous devons répondre à deux questions : a) Est-ce que la formule a Paire per F’ûmm. s’oppose, pour ce qui concerne le Fils, à la formule a Pâtre FiIioque ? b) Est-ce qu’il est conforme à la saine théologie catliolique d’avancer que le Père seul est la cause, le principe du Saint-Esprit /

a) Quant à la première question, il est hors de d utc que, chez les Pères grecs, la formule a Paire per Filium est employée à côté de la formule a Paire Filioque (Didyme, saint Épiphane, saint Cyrille d’Alexandrie). Et si quelques polémistes grecs ont aflirmé arbitrairement que saint Cyrille s’est laissé inlluencer, en l’eniployant, par les écrits de saint Augustin, cette échappatoire serait ridicule à l’égard de Didyme et de saint Épiphane. Allatius, Vindiciæ si/nodi Ephesinæ, p. 608, 609. Les théologiens orthodoxes contestent l’identité de signification des deux formules et appuient leur négation sur l’autorité de saint Jean Damascène. Bogorodsky, qui a le mieux résumé, sur ce point, l’argumentation de la théologie orthodoxe, déclare que la formule a Paire per Filium exprime la simultanéité de