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polite Macaire : « La sainte Écriture enseigne bien clairement et même littéralement que le Saint-Esprit procède du Père, mais elle n’enseigne point, ni selon la lettre, ni même selon l’esprit, qu’il procède également du Fils. » Op. cit., p. 28.’}. Les textes que nous avons cités plus haut montrent, au contraire, que la pro cession du Saint-Esprit du Fils est une conséquence logique de la doctrine révélée sur la sainte Trinité. Si on admet cette doctrine, on ne peut pas ne pas admettre les conséquences légitimes qui en découlent ; en d’autres termes, si le Saint-Esprit ne procédait pas du Fils, il n’aurait pas tout ce qu’a le Père, hors la paternité ; il serait et ne seraitpas iaseconde personne ; il ne se distingueri.it pas du Fils. Il n’est donc pas étonni.nt que Mgr Sylvestre Malévanslcy, un des meilleurs théologiens russes modernes, ait préféré ne pas attaquer le dogme latin sur le terrain scripturaire, jugeant qu’il était inutile de commenter les textes qui attestent la procession du Saint-Esprit du Père. Essai de théologie dogmatique orthodoxe (en russe), Kiev, 1892. t. II, p. 137.


II. D’après les pères.

Anténicéens. —

Il y a des théologiens latins qui, dans les écrits des Pères apostoliques, découvrent les traces du Filioquc, ii doctrine catholique de la procession du Saint-Iisprit du Fils. Huiz, op. cit., diss. LXVII, sect. vi, 1, p. 574. Sans doute, ces Pères mentionnent le Saint-Esprit comme troisième personne de la Trinité ; ils l’appellent l’Esprit du Christ ; ils déclarent que le Saint-Esprit provient de Uieu. De telles assertions, remarque Sprinzl, insinuent la doctrine catholique du Filioque, Die Théologie der aposlolischen Voter, Vienne, 1880, p. 288, mais elles ne l’énoncent pas d’une manière précise, décisive.

Ola ne doit pas nous étonner, car la doctrine officielle de l’Église catholique, développée par le travail de la pcTisée chrétienne, est beaucoup plus claire et plus explicite que la théologie de l’âge apostolique. Les Pères apostoliques énoncent les elementa fidei : l’Église médite sur ces premiers principes et en lire les conséquences. Sprinzl, op. cit., p. 287. Le silence des Pères apostoliques sur la procession du Saint-Esprit du Fils, aussi bien que sur la procession du Saint-Esprit du Père, n’implique donc pas la négation ou l’ignorance d’un dogme qui découle de ce que l’Écriture allirme des relations mutuelles entre les trois personnes divines.

D’ailleurs, il est inutile d’en appeler à ces Pères pour réfuter les théologiens orthodoxes. Ceux-ci, en effet, reconnaissent aujourd’hui que leurs écrits ne renferment aucun témoignage contre la prétendue fausseté de la doctrine catholique du Filioque. Kokhomsky, La doctrine de t’anciennc Église sur la procession du Saint-Fsprit (en russe), Saint-Pétersbourg, 187.Î, p. 3..Nous disons aujourd’hui, parce que le farncux Zoernikav citait parmi les adversaires du Filioque saint Marc l’èvaiigéliste et les apôtres saint Jacques et saint André. lUp’i t/, ; v/.nnci-jrjim ; toO i-io-j Un- :, , , :., Saint-Pétersbourg, 1797, t. i, p.’2-7.

Quant aux Pères et écrivains ecclésiastiques du ii"> et (lu iiie siècle, ils se bornent, en générât, à des allusions imprécises louchant la procession du Saint-Iilsprit du Fils. La raison de cette réserve, nous l’avons iiiiliquée plus haut. La théologie anténicéennc visait presque exclusivement à la défense du Verbe et laissait dans l’ombre la personne du Saint-Esprit. Quant à celle troisième personne, elle se bornait à la simple énoncialioii de la foi catholique, telle qu’elle est exprimée par l’Écriluie. F’ranzelin, De Deo Irino, p. 444. Ix-s Pères du ive siècle sont unanimes à admettre « ju’avant le concile « le Nicèc, les héréliques ne s’étaient pas attaqués à la personne du Saint-Iôsprit, ce qui explique le peu de place qu’il occupe dans la théologie anténicéenne. S. Basile, Epist., cxxv, 3 ; cxl, 2 ; ci.ix, 2, P. G., t. XXXII, col. 549, 589, 620 ; S. Grégoire de Nazianze, Epist., ii, ad Cledonium (en), P. G., t. xxxvii, col. 193.

Les Pères et écrivains du ii « et du 111"e siècle glorifient le Saint-Esprit avec le Père et le Fils, déclarent que le Saint-Esprit procède du Père et reçoit du Fils, qu’il est envoyé par le Père et le Fils. Ces affirmations insinuent, en quelque sorte, que le Saint-Esprit procède du Fils, mais elles n’ont pas la valeur d’un témoignage péremptoire en faveur de la procession du Saint-Esprit ab utroque. Ce dogme de l’Église catholique a suivi, à travers les siècles, les lois du progrès dogmatique, telles qu’elles sont formulées par saint Vincent de Lérins : Ut quod antea simplicilcr eredebatur, hoc idem poslea diligenlius crederctur ; quod antea lenlius prsedieubatur, hoc idem postea instantius pnedicaretur ; quod antea securius colebatur, hoc idem postea sollicitius excoleretur. Commonitorium, xxiii, P. L., t. l, col. 6(J9.

A l’appui de la doctrine catholique du Filioque, quelques théologiens catholiques invoquent l’autorité de saint Justin, qui mentionne le Saint-Esprit comme l’Esprit du Christ, Dial. cum Tryphone, 87, P. G., t. VI, col. 684 ; Costanzi, op. cit., t. i, p. 44 ; et Athénagore, dont on cite les deux textes suivants : « Le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père, par l’unité cl la vertu du Saint-Esprit. » Légal, pro christianis, x, P. G., t. VI, col. 909. Le Saint-Esprit jaillit de Dieu (inàpç^ota) comme la lumière de la flamme. Ibid, , XXIV, col. 945 ; Costanzi, o/j. ciï., p. 44-45. Il est évident que ces passages n’autorisent pas à en tirer un argument en faveur du dogme catlwliquc, de même que les passages de Justin et d’Athénagore, cités par Zoernikav, op. cit., p. 7-9, ne disent absolument rien contre le Filioque.

Origène est le premier parmi les écrivains ecclésiastiques grecs qui, avec une suffisante clarté, énonce la procession divine du Saint-Esprit du Fils. Dans son commentaire de ce texte de saint Jean : Tout par lui a été fait, I, 3, il se pose la question suivante : « Est-ce que le Saint-F’sprit aussi a été l’œuvre du Fils ? Ceux qui ne reculent pas devant cette conclusion sont forcés d’admettre que le Verbe est plus ancien que le Saint-I-lsprit. Mais ceux qui croient à la vérité de l’Évangile reconnaissent que le Saint-Esprit n’a pas été fait ni engendré. Pour ce qui nous concerne, déclare Origène, nous croyons à l’existence de trois personnes divines, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Nous sommes persuadés que le Père seul n’a pas été engendré. Le Saint-Esprit n’est pas dit le P’ils de Dieu, parce que le seul Fils unique, dès le commencement, est fils par nature. Le Saint-Esprit paraît avoir besoin du Fils, parce que le Fils communique à l’hypostase du Saint-i : spnt, non seulement l’être, mais aussi la sagesse, rintelligence, la justice. » In.Joa., 11, 6, P. G., t. xiv, col. 128, 129. Le Saint-Esprit doit donc au Fils ce qu’il est, c’est-à-dire son être et ses attributs divins. Cette communication de l’être divin par le Fils au Saint-Esprit n’est autre que la sipiration active du Saint-Esprit de la part du Fils, spiralion qui implique la procession divine du Saint-i : sprit du Fils. Voir Franzelin, De Deo irino, p. 446, 447.

La même doctrine est formulée jiar Origène dans son commentaire sur l’Épître aux Romains. Le Saint-Esprit est l’Esprit du Christ, parce que l’Évangile allirme qu’il procède du Père et qu’il reçoit du Fils. Si le Saint-I- ; sprit reçoit du Fils, si ce qui est au Fils est en même temjjs au Père, si le Père et le Fils sont très étroitement unis, l’I^sprit de Dieu et l’Esprit du Christ ne forment, en réalité, qu’un seul et même F2sprit. In Lpisl. ad Rom., vi, 13, P. G., t. xiv, col. 1098.