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ESPRIT-SAINT


par le Père et le Saint-Esprit, non pas en vertu de la priorité d’origine du Père, mais en vertu de cette autorité suprême que la nature divine exerce sur la nature humaine. Quant à son humanité, le Verbe fait chair est inférieur, non seulement à la première et à la troisième personnes, mais en quelque sorte à lui-même, en tant qu’il est une hypostase divine. Il s’ensuit donc que le Père et le Saint-Espiit envoient le Fils, en tant que celui-ci s’est revêtu de la nature humaine et que, par cette nature humaine, il diffère du Père et du Saint-Esprit. Dans un sens moins rigoureux, on pourrait dire aussi qu’il est envoyé par lui-même, car la nature humaine qu’il a adoptée est soumise à la nature divine. Bref, par sa participation à l’unité de la nature divine, le Saint-Esprit est envoyé par le Père et le Fils, parce qu’il procède éternellement du Père et du Fils. Mais le Fils peut être considéré ou comme Verbe de Dieu qui participe à la nature divine communiquée par le Père de toute éternité, ou comme Verbe fait chair. Dans le premier cas, la mission du Verbe est réservée exclusivement au Père, et le fondement de cette mission est la génération éternelle. Dans le second cas, la mission du Verbe appartient aux trois personnes divines, au Père et au Saint-Esprit dans un sens rigoureux, au Fils dans un sens moins rigoureux. Lorsque la théologie orthodoxe objecte que l’Iisprit-Saint envoie le Fils, nous répondons qu’il l’envoie en tant que le Fils s’est fait homme.

Le texte d’Isa’ie : Le Seigneur Jéhovah m’envoie avec son Esprit, xlviii, 16, de l’aveu des exégètes orthodoxes, se rapporte à Isaïc lui-même. Commentaire sur le livre d’haïe (en russe), Khristianskoc Tchlenie, 1893, t. I, p. 765, 76(). Voir Knabenbauer, Commentarius in Isaiam proplwlam, Paris, 1887, t. ii, p. 223-225. Isa’ie est le type du Messie, en tant que le Messie descend sur la terre pour remplir sa mission divine, c’est-à-dire le type du Verbe fait chair. Il ne répugne donc pas d’admettre que, d’après ce texte, le Verbe fait chair soit envoyé par le Saint-Esprit. Franzelin Examen Macarii, p. 30. De même, le texte d’Isa’i’e : L’Esprit du Seigneur est sur moi : il m’a oint pour porter la bonne nouvelle aux malheureux, lxj, 1 ; cf. Luc, IV, 18, se rapporte, d’après les Pères, à la nature humaine du Christ. C’est l’onction de l’humanité sainte du Sauveur, dit saint Grégoire de Xazianzc. Oral., XXX, 21, P. G., t. xxxvi, col. 132. Elle s’accomplit dans la nature humaine ((ue le Verbe a adoptée pour nous racheter. S. Cyrille d’Alexandrie, J)e recta fide ad reginas, 13, P. G., t. lxxvi, col. 1220 ; S. Jean Damascènc, De fide orlliodoxa, iv, 6, P. G., t. xciv, col. 1112 ; Schanz, Commentar iiber dus Evungelium des lil. Lulius, Tubingue, 1883, p. 185 ; Knabenbauer, Commentarium in Evangelium secundum Lucam, Paris, 1896, ]). 185 : Palmieri, La missione délie divine persanee la proccssione dellu Spirilo Sanio, Rome, 190n, p. 21-29.

Nous pouvons donc conclure par les belles paroles de saint Fulgencc : « Le Fils est envoyé par le Père, mais le Père n’est pas envoyé par le l’ils. parce que le Fils est né du Père, non pas le Père du l-’ils. Pareillement, nous lisons dans llicriture sainte que le Saint-Esprit est envoyé par h ? Père et le Fils, parce qu’il procède du Père et du Fils. Mais, puisque l’Écriture sainte donne plusieurs sens au mot mission, dans le mystère de l’incarnation, le I-’ils est présenté comme envoyé non seulement par le Père, nuiis aussi par le Saint-Esprit, parce que le médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-( ; iirisl, homme lui-niéiue, est le produit de l’opération divine de toute la Trinité. Il y a une différence entre la manière dont le Saint-Esprit, qui procède naturalilcr du Père et du Fils, est « nvoyé par le l’ère et le Fils, et la manière dont le

DICT. I)i : TIIKOI.. CATIIOI, .

I Fils est envoyé par le Père et le Saint-Esprit. » Contra Fahianum, xxix, P. L., t. lxv, col. 797.

4° Après sa résurrection, Jésus-Christ se manifesta à ses apôtres, souffla sur eux et leur dit : « Recevez l’Esprit-Saint. » Joa., xx, 22. Ce texte est cité par les théologiens catholiques à l’appui de la doctrin «  catholique du Filioque. Heinrich, op. cit., t. iv, p. 246. Le métropolite Macaire affirme que les Pères de l’Église n’y ont jamais trouvé l’idée de la procession éternelle du Saint-Esprit. Op. cil., t. i, p. 283. On pourrait, à la rigueur, considérer ce texte comme n’exprimant pas clairement la procession du Saint-Esprit du Fils ; mais il est absolument faux que les Pères ne lui aient pas attaché le sens que la théologie catholique lui donne. « Pourquoi ne croyons-nous pas, dit saint Augustin, que le Saint-Esprit procède du t^ils, étant doimé que ! e Saint-Esprit est l’Esprit du Fils ? Si le Saint-Esprit ne procédait pas du Fils, avant sa résurrection, Jésus-Christ, en se montrant à ses disciples, n’aurait pas soufflé sur eux et ne leur aurait pas dit : « Recevez le Saint-Esprit. » L’action de souffler ne signifie pas autre chose que la procession du Saint-Esprit du Fils. » In Joa., tr. XCIX, 7, P. L., t. xxxv, col. 1889. Par conséquent, ce texte est denwnslralio pcr congruam significationem, non lantum a Paire, sed et a Filio procedere Spirilum Sanctum. De Trinilale, iv, 20, 29, P. L., t. xlii, col. 908 ; xv, 26, 45, col. 1093 ; Contra Maximinum, ii, 14, 1, ibid., col. 770. Cf. S. Fulgence, De flde ad Pelrum, xi, 52, P. L., t. lxv, col. 696 ; S. Athanase, De incarnalione et contra arianos, 9, P. G., t. xxvi, col.997 ; Franzelin, Examen Macarii, p. 62-66.

5° On lit ilans l’Évangile de saint Jean : « ; L’Esprit de vérité qui procède du Père, » xv, 26. Ce texte est cité par Photius comme un dard acéré et inévitable contre les latins. Mijslagogia, 2, P. G., t. eu, col. 280. Le Saint-Esprit procède du Père, objectent les théologiens orthodoxes ; donc il ne procède pas du Fils. Et bien souvent, ils ne se bornent pas à cette fausse déduction. L’Évangile de saint Jean déclare que le Saint-Esprit procède du Père. La théologie orthodoxe n’hésite pas à ajouter au texte un mot qui tranche nettement la question en sa faveur. Au lieu de lire : ’Ky. toO îta-pbç èxTropE-jETat, elle lit : èx to-j TiaTp’o ; (xcivou. Mesoloras, ^jlJ.fjo’/'.y.r Tr, ; od605’JEo-j àvaTo/.iy.f, ; ’l']x/.), r|iTia ;, Athènes, 1901, t. I, p. 120 ; i]ûvTrilJ.o ; à7 : api’Û[jiTi(Ti ; y.a’i àv ; tTpo7CTi T(i)v xaivoTotJLiôjv TT, ; TzxTAY.fii’Kxy.>, /-, 17[aç, Constantinople, 1900, p. 5. Les controversistes latins ont maintes fois reproché aux grecs leur acharnement contre l’insertion du Filioque dans le symbole de Nicée, tandis qu’ils ne se faisaient pas scrupule, pour les besoins de leur cause, d’altérer le texte de saint Jean. Pierre Chrysolan, Oralio de Spirilu Sancio, I, 6, P. G., t. cxxvii, col. 915 ; Allatius, ’Ef/eiûiSiov Tzec’i Tf|î ây.uopE’JTco) ; toj à-ci’j lIvE’JaaTo ;, Rome, 1658, p. 16.

Tout d’abord, la théologie ortiiodoxe se livre à de longs commentaires sur ce texte i)()ur prouver que le Saint-I^sprit procède du Père. Cette démonstration est de tout point inutile, puisque la théologie latine est absolument du même avis. Mais est-il vrai que ce texte exclut aussi la procession divine du Saint-Esprit du I-’ils ? La théologie orthodoxe ré))ond allirmativemenl, parce cpie la spiration est une proj )riété personnelle exclusive du Père. « Quand on dit que le Père engendre le Fils et fait procéder le Saint-Esprit, on parle proprcment du Père comme ayant un attribut personnel qui le distingue du I-’ils et du Saint-Esprit. Par conséquent aussi, lorsqu’il est dit que le Saint-Esprit procède du Père, sous le nom du Père, on ne saurait comprendre en même temps le Fils, qui est un avec le Père par essence et non point en personnalité. » Macaire, op. cit., t. i, p. 271. Cf.

V. - 2.".