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ESPRIT-SAINT


ia communication de l’essence divine au Saint-Esprit par le Fils est éternelle ; mais le rôle que, par cette communication, le Saint-Esprit exerce dans l’œuvre de la rédemption est temporaire. Franzelin, De Deo trino, p. 418, 419.

Nous pouvons donc résumer l’argument qui nous est fourni par le texte : // recevra de moi, en ce syllogisme : Tout ce qui est au Père, excepte la paternité, est au Fils. Mais la propriété de produire le Saint-Esprit n’est pas la paternité, c’est-à-dire n’est pas la propriété hypostatique du Père. Donc, si le Père a la propriété de produire le Saint-Esprit, le Fils l’a aussi. En d’autres termes, si le Saint-Esprit reçoit du Père, il reçoit aussi du Fils. S. Athanase, Episl., i, ad Serapionem, 20, P. G., t. xxvi, col. 580. La théologie orthodoxe accepte la majeure du syllogisme, Macaire, op. cit., t. i, p. 280 ; mais elle refuse d’en accepter la conclusion. On oublie que, par rapport au Fils, la propriété personnelle du Père est celle d’engendrer ; que, par rapport au Père, la propriété personnelle du Fils est celle d’être engendré. Il y a une réelle opposition entre la paternité et la filiation, et le Fils, en tant que Fils, ne peut pas avoir ce qui est au Père en tant que Père. Mais la spiration du Saint-Esprit ne s’oppose ni à la paternité ni à la filiation. Elle est donc commune au Père et au Fils. 3° Il y a dans l’Évangile de saint Jean plusieurs textes qui se rapportent à la mission du Saint-Esprit par le Fils. » Je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, » xiv, 16. « Je vous enverrai le consolateur d’auprès du Père, » xv, 26. « Si je m’en vais, je vous enverrai le consolateur, » xvi, 7. Cf. Luc,

xxiv, 49 ; Act., ii, 33 ; Tit., iii, 6. Ces textes prouvent

qu’il y a une mission du Saint-Esprit et que le principe de cette mission est le Fils. La théologie orthodoxe n’hésite pas à le reconnaître. Mais est-ce que cette mission comporte la dépendance de celui qui est envoyé vis-à-vis de celui qui envoie ? La théologie orthodoxe, de même que la théologie catholique, répond négativement à cette question. La parfaite égalité des personnes divines ne comporte pas qu’il y ait une différence de pouvoir, une supériorité et une infériorité de nature entre celle qui envoie et celle qui est envoyée.

Mais cette mission divine, faut-il l’entendre d’une mission temporelle, c’est-à-dire d’une mission qui n’implique pas une priorité d’origine de la part de celui qi i envoie, ou même est-elle un corollaire, une conséquence nécessaire de la procession d’origine, de telle manière que, celle-ci exclue, la mission ne soit plus possible ? La réponse que la théologie catho81que donne à cette question diffère de la réponse que îui donne la théologie orthodoxe.

La théologie catholique soutient que la procession éternelle est le fondement nécessaire de la mission du Saint-Esprit, que le concept de procession n’est pas inséparable du concept de mission, mais que le concept de mission présuppose nécessairement une procession divine, sans laquelle il n’y aurait plus d’égalité parfaite entre les personnes divines. Toute mission, en effet, emporte une distinction réelle entre celui qui envoie et celui qui est envoyé. Le Fils, qui envoie le Saint-Esprit, se distingue donc réellement du Saint-Esprit, qu’il envoie et qu’il répand sur les apôtres. Or la mission, de la part de celui qui envoie, suppose une supériorité morale ou une priorité d’origine. II serait impie de parler d’une supériorité morale du Fils par rapport au Saint-Esprit, car, alors, le Saint-Esprit serait inférieur en perfection au Fils, et, partant, n’aurait pas la nature divine du Fils. La mission du Saint-Esprit par le Fils implique donc, dans le Fils, une priorité d’origine, la procession divine de celui qui envoie.

Le Saint-Esprit, argumente Georges de Trébizonde, est envoyé par le Père et le Fils. Il s’ensuit que l’Esprit-Saint procède du Père et du Fils, parce que l’Esprit-Saint procède de ceux qui l’envoient. Ceux qui mettent en Dieu des progressions temporelles tombent dans l’erreur. Ils expriment ce qui est éternel parce qui est temporaire. Mais, dans la sainte Trinité, il y a seulement l’ordre d’origine. On ne peut pas concevoir qu’une personne divine soit supérieure en dignité et une autre inférieure. A cause de l’ordre d’origine, nous lisons dans l’Écriture sainte que le Père n’est pas envoyé par le Fils et que le Fils n’est pas envoyé par le Saint-Esprit, excepté le cas où il est question de l’humanité sainte du Fils. Op. cit., P. G., t. clxi, col. 832. Ratramne de Corbie remarque justement que la théorie grecque des missions conduit en dernière analyse à l’arianisme, à la différence de nature entre les personnes divines : Aut ergo missionem hanc confitemini missionem, aut, quod est impium, obseqiiium. Op. cit., i, 3, P. L., t. cxxi, col. 229. Cf. S. Thomas, Sum. theol., P, q. xliii, a. 1 ; Contra gentiles, 1. IV, c. XXIV ; Contra errores græcorum, ii, 2 ; Georges Métochite, Contra Manuelem Cretensem, 9, P. G., t. CXLI, col. 1333-1337 ; Heinrich, op. cit., t. iv, p. 244246 ; Franzelin, De Deo trino, p. 432-438 ; Kolllng, op. cit., p. 311-316.

Photius et les théologiens orthodoxes s’efforcent d’amoindrir la valeur démonstrative des textes où il est question de l’envoi du Saint-Esprit par le Fils. Amphiloch., q. clxxxviii, 2, P. G., t. ci, col. 909-912. « Cette idée, dit Macaire, que, dans le mystère de la sainte Trinité, l’envoi d’une personne par une autre suppose nécessairement que la seconde procède de la première, cette idée-là, loin d’avoir le moindre fondement dans la sainte Écriture, est tout à fait en opposition avec elle, car l’Écriture dit que même le Fils est envoyé par le Saint-Esprit et non point par le Père, dans Is., xlviii, 16 ; lxi, 1 ; Luc, xv, 18. Op. cit., t. i, p. 273, 274. Cf. Innocent, Théologie polémique (en russe), Kazan, 1859, t. ii, p. 31-34 ; Malinovsky, op. cit., p. 324, 325 ; Androutzos, Ao-xi|j.iov (j-ji.fir>'/.’.Y.’r, : i ? Ètiô’Iew ; opOoSûJo-j, Athènes, 1901, p. 132 ; Rhosi, S’jarvjaot So- ; |j.aTty.r, ç tti ; 6p608ôço-j’Exy.), v-|.Tt’a ;, Athènes, 1903, p. 255 ; Procopovitch, Tractalus de processione Spiritus Sancli, Gotha, 1772, p. 15, 16.

L’objection orthodoxe n’est pas difficile à résoudre. La mission du Fils ne présente pas les mêmes caractères que la mission du Saint-Esprit. Cette différence dépend de ce que le Saint-Esprit a l’unique nature divine, tandis que la personne divine du Fils incarné a la double nature divine et humaine. Ces deux natures ne se confondent pas et, partant, elles autorisent, à l’égard du Fils, l’emploi réciproque de dénominations qui se rapportent à la nature divine ou à la nature humaine. Eu égard à sa double nature, nous pouvons considérer le Fils, ou comme Verbe de Dieu que le Père engendre de toute éternité, ou comme Verbe revêtu de notre chair. S. Augustin, De Trinitate, iv, 20, 27, P. L., t. XLii, col. 906. Dans le premier cas, il est évident que le Fils ne peut pas être envoyé par le Saint-Esprit : ab illo mittitur de quo natum est. Ibid., col. 907. Cette mission du Verbe qui se prépare à l’œuvre de la rédemption, mais qui ne s’est pas encore incarné, ne suppose pas une supériorité morale de la première personne sur la seconde, parce qu’il y a la plus parfaite égalité entre les personnes divines. Le Saint-Esprit est donc envoyé par le Père uniquement parce qu’il y a, de la part du Père, une priorité logique d’origine. Mais le Verbe de Dieu s’est fait chair, et par rapport à sa nature humaine, il est devenu obéissant jusqu’à la mort : le Christ est soumis au vouloir de Dieu. Par son humanité, le Verbe incarné est envoyé