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ESPRIT-SAINT


p. 449. Avec une grande érudition patristique, NôS^en s’est essayé à démontrer que la thèse de Harnaclv est bien fondée ; que des textes nombreux, puisés dans les écrits de saint Justin, d’Athénagore, de Théophile d’Antioche, de Clément d’Alexandrie, d’Irénée, ne laissent pas le moindre doute sur l’identification du Verbe avec le Saint-Esprit par la théologie anténicéenne. Geschichie der Lehre vom heiligen Geisle, Gutersloh. 1899, p. 8-26. Les théologiens du modernisme reprochent aux Pères anténicéens des tendances prononcées vers le sabellianisme ou le dithéisme ; eurs écrits identifient le Saint-Esprit avec le Fils, ou le représentent comme un attribut divin, une force impersonnelle de la divinité. Dupin, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, t. xi (1906), p..355. La théologie anténicécnne, déclare cet écrivain, ne connaît que le Verbe, fils de Dieu en réduction. Elle aurait donc dû renoncer à la formule trinitaire et à la personne du Saint-Esprit, mais parce que la liturgie^ le symbole, la foi du peuple témoignaient contre les conclusions lo^nques de leur spéculation doctrinale, les théologiens de l’époque laissèrent subsister l’appellation de Saint-Espri*. Ibid., p..356. La personne du Saint I "iiirit, dans la lliéologie chrc !.( nne, est le produit logique des infiltrations platoniciennes et philonienncs dans la doctrine des Pères anténicéens concernant le mystère de la sainte Trinité. Morin, Vérités d’hier, Paris, 1906, p. 221.

A ces attaques contre la continuité de la tradition patrislique touchant la divinité et la personnalité distincte du Saint-Esprit, nous répondons en affirmant que, malgré ses lacunes, ses obscurités, l’imprécision de ses termes et de ses formules, la théologie anténicécnne, par la bouche des apologistes chrétiens du iie siècle et des Pères et écrivains du tiie siècle, reconnaît le Saint-Esprit comme une personne divine, égale en dignité au Père et au Fils, mais réellement distincte du Père et du Fils par l’hypostase. Toutefois, avant d’aborder la démonstration directe de cette thèse, il est utile de faire les remarques suivantes :

n) Il faut distinguer avec soin ce qui fait le fond, la substance du dogme, des images, des expressions sous lesquelles ce dogme est énoncé ou expliqué. La théologie anténicécnne, dans ses représentants les plus illustres, ne s’est point trompée au sujet de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit, mais manquant d’expressions précises et de formules rigoureuses, dans l’exposé de la doctrine trinitaire. elle s’est servie de ternies équivoques, que les hérétiques ont exploités pour la dilTusion de leurs erreurs.

&) La doctrine commune des théologiens catholiques est que les l’ères et écrivains du ii’^ et du iii<e siècle, aissi bien qvic les Pères et écrivains des siècles postérieurs, ont eu la conviction nette et arrêtée de la divinité et de la personnalité du Saint-Esprit. On nesaurait, en effet, admettre que ces Pères, dans leur ensemble, aient eu une idée vague et confuse de la troisième personne divine, et par suite une idée vague et confuse (le la sainte Trinité, d’un dogme fondamental de la foi chrétienne. Une telle supposition, remarque Scheeben. t. II, n. 8.32. p. 561, est inacceptable a priori, puisquc la personne du Saint-Esprit est exprcssément mentionnée dans ri’^criture, dans la formule du baptême, dans les symboles de foi, dans les doxologies de l’I^glise, dans les prières et les confessions des martyrs. Il s’ensuit donc que les passages et termes obscurs des Pères anténicéens touchant le Saint-t-2sprit ont besoin d’être compris et interprétés dans le sens que leur attachent les Pères qui, au concile de Nicéc ou après ce concile, en ont a|)pelé à leur témoignage pour combattre les pneumatomaques. l-’ran/.elin, op. cit., p. 1 16-147.

r) Il y a lieu d’admettre r|ue dans les monuments de la théologie anténiccennc on rencontre çà et là des

inexactitudes dogmatiques touchant le Saint-Esprit. Dans ce cas, les affirmations erronées d’un Père, considéré comme docteur particulier, n’infirment pas la tradition commune des autres Pères. Mais il faut, remarque Franzelin, que ces afiirmations erronées soient clairement énoncées, de telle sorte que le doute sur leur authenticité ou leur véritable portée ne soit pas admissible. Op. cit., p. 148-149.

d) Il ne faut pas oublier que, pour ce qui concerne le Saint-Esprit, à côté de termes vagues et obscurs, et d’expressions inexactes, la théologie anténicéenne contient des affirmations nettes et précises de la vraie doctrine catholique. Les données des Pères, puisées dans la tradition, sont justes et exactes ; les théories et les raisonnements qu’ils bâtissent sur la philosophie platonicienne et philoniennc ne sont pas toujours heureuses. Tixeront, La théologie anténicéenne, Paris, 1905, p. 233. En pareil cas, les passages obscurs d’un Père touchant le Saint-Esprit doivent être expliqués à la lumière des passages clairs et explicites du même Père. Ce que prescrit une saine critique, dit Mgr Freppel, c’est de constater le fond de la croyance des passages d’une clarté irrécusable, puis d’expliquer par eux ce qui est moins formel ou plus enveloppé. Saint Justin, Paris, 1869, p. 366.

e) Les ombres qui enveloppent la personne du Saint-Esprit dans la théologie anténicéenne se dissipent aisément, si l’on étudie soigneusement la terminologie trinitaire des trois premiers siècles, si l’on fixe surtout les divers sens du mot esprit chez le même Père, qui le prend tantôt pour désigner l’essence divine, tantôt une hypostase divine. Voir Franzelin, p. 151-186 ; Schell, t. ii, p. 298-300.

/) Enfin, il est utile de rappeler que quelques écrits des Pères ont subi les interpolations des hérétiques et les altérations involontaires de copistes ignorants. C’est aux hérétiques et aux copistes, ou même ; la simplicité de leurs auteurs que saint.Jérôme attribue les expressions dangereuses qu’on rencontre çù et là dans les écrits des Pères anténicéens et qui ont servi de prélude on de jirétexte à l’arianisine : Fieri poiest, li.’simpliciler erraverint, vel a librariis imperitis corum paulalim scripta cnrrupta sinl ; vel ccrte anlequam in Alexandria quasi dœmnnium meridianum Arius nasccretur, innocenter quædam et minus caute loculi sunt, et quæ non possunt perversorum hominuni calumnias declinare. Apol. adversus libros Ruflni, 1. II, c. xvii, P. L., t. xxiii. col. 440.

2. Les apologistes grecs du iie siècle. — a) La théologie du Saint-b-sjjrit est à peine ébauchée dans les œuvres du plus célèbre des apologistes grecs du ne siècle, saint.lustin martyr. Cependant, on y rencontre à plusjnurs reprises des textes qui affirment expressément li (llinité et la personnalité du.Saintl’s |>i-il. On formulait contre les chrétiens le reproche d’alliéisme. Saint.Justin rciioussc cette calomnie. <i Nous ne sommes pas des athées, dcclare-t-il. nous qui reconnaissons eu, Jésus-( ; hrist le Fils de Dieu et l’honorons en seconde ligne, et honorons aussi en troisième ligne l’esprit prophétique, Jl/£j[j.dt xs 71po ?T, Tixôv èv rpiTïi Tïhi…’iiJMijti. » Apol., I, 13, P. G., t. VI, col. 318. Ce passage est d’une clarté frappante en ce qui concerne la divinité et la personnalité du Saint1 -esprit, adoré comme troisième personne div.ne à l’égal du Père et du I-’ils. Ceiiendanl, la critique ration.iliste y a vu une jirofession explicite de subordinatianisme entre les trois prr ?onnes divines et a reproché à saint .Justin de considérer le Saint-F’sprit comme inférieur un Père et au Fils. Le reproche est injuste. La pensée do saint.lustin est très claire, et ses expressions ne sont pas inexactes. Le Saint-Iîsprit est le troisième dans l’ordre d’origine. dans l’ordre des relations divines, mais le rang qu’il occupe n’emporte pas une infériorité do