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ESPERANCE

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tin.a ; ucr un autre groupe, où l’analyse de la connance, he peut pas être absolument identique. C"est lorsque la possibilité d’aequérir l’objet désiré dépend nécessairement du secours d’un autre ; l’espérance chrétienne rentre précisément dans ce cas. Arriaga, S.J., a eu le mérite de signaler cette vérité, qu’une ani-lysc plus approfondie de l’espérance et de la confiance ne peut pas être la même dans ces deux groupes différents de fairs. Cursus tlieol., Anvers, 1641. t. iir, p. 339.

Quand la possibilité d’acquérir l’objet dépend du secours d’un nuire, de sa puissance et de sa bonté, la confiance devient unacteaffectif bien plus compliqué, parce qu’une autre personne entre ici en jeu, c’est-à-dire un bienfaiteur. La cou tiance alors, outre la /oi’e dont parlait Pallavicini, renferme un commencement d’amour pour la personne de ce bienfaiteur secourable, comme l’a si bien observé saint Thomas : « L’espérance peut regarder deux choses. Elle regarde comme son objet le bien qu’elle espère. Mais comme ce bien est diflicilc et possible, et comme dans certains cas il nous devient possible non par nous-mêmes, mais par le secours d’autrui, l’espérance regarde aussi ce secours qui nous le rend possible. — En tant qu’elle regarde l’objet espéré, l’espérance dérpe de l’amour (d’un premier amour qui est à sa base) : on n’espère qu’un bien désiré et aimé. Mais, en tant qu’elle regarde la personne. grâce à laquelle l’acquisition d’un bien nous devient possible, l’amour (un second amour) dérive de l’espérance. Car, dès que nous espérons acquérir des biens par quelqu’un, nous allons à lui comme à notre bien, et ainsi nous commençons à l’aimer. » Suni. llieol., I" II » , q. XL, a. 7..mour intéressé d’abord, et rentrant par 1 ; dans l’espérance : puis vient peu à peu l’amour désintéressé, voir plus haut, col. 622 sq. De i)Ius, si le secours que nous attendons d’un autre est si important, si au-dessus de nos forces, qu’il éclipse ou semble presque éclipser notre part d’action (et tel est le cas du secours divin dans l’espérance chrétienne, oii il s’agit d’obtenir un bien surnaturel), alors la joie d’un tel secours, Vamonr d’un tel bienfaiteur, s’accompagne d’un humble sentiment de nous-mêmes, d’une défiance de nos propres forces qui est une sorte d’abandon. Le malade, convaincu de son impuissance, s’abandonne à la main puissante et bonne qui vient le guérir. Cette défiance de nous-mêmes est bien c(uekiue chose de négatif, mais c’est l’ombre qui fait valoir la lumière, c’est la suppression d’un grand obstacle au côté positif de la confiance. " Quand je suis faible, dit l’apôtre, c’est alors qv.e je suis fort. » II Cor., XII, 10. Le manque de moyens humains invite l’âme à se tourner vers Dieu avec confiance, et A obtenir par cette confiance la force divine. Avec cette force, tous les grands ohjets poursuivis par l’apôtre deviennent possibles, et par conséquent objets d’csjjérnnce : « .le puis tout en celui qui me fortifie. Phil., IV, 13. l.h encore, la liberté humaine doit coopérer à la grâce : il faut choisir entre cette humble défiance de soi, et une ortîueillcusc présomption qui aisément ninis empêcherait de demr.nder du secours, de tendre la main. Par là, l’espérance chrétienne, avec la prière qu’elle inspirera, est foncièrement aniipélagienne, et reconnaît pratiquement la nécessité de la grâce.

Voilà, dans son plein (lévcloi)pement, la notion de la confiance. Que les derniers éléments que nous venons d’énumérer soient réellement compris dans l’espérance théoloyale, nous pouvons le déduire de l’enseignement commun drs théologiens et des catéchismes, qui, lorsqu’ils assignent les ices directement opposés à la vertu (l’espérance, à côté du désespoir mettent toujours la présomption ; et l’une des formes de la présomption, la pire peut-être, est d’attendre de ses propres forces ce qu’on ne devrait attendre que de Dieu. L’Écriture elle-même nous montre tous ces di vers éléments de la confiance en Dieu. — Fille réprouve la présomption ou confiance exclusive dans lesforces humaines, comme opposée à l’espérance religieuse : « Ceux-ci mettent leur confiance dans leurs chars, ceux-là dans leurs chevaux ; nous, nous invoquons le nom de notre Dieu. » Ps. xx (xix), S. « Maudit soit l’homme qui se confie en l’homme… Béni soit l’homme qui se confie en Jéhovah.’» Jer.. xvi, 5, 7. Elle montre l’âme s’abandonnant à Dieu, se reposant sur lui ; abandon de l’enfant entre les mains de son père, abandon fait d’humilité et d’amour. « Beposetoi sur Jéhovah, et il te soutiendra. » Ps. i.v (i.iv). 23.’I Déchargez-vous sur lui de toutes vos sollicitudes, car lui-même prend soin de vous. « I Pet., v, 7. Elle rattache explicitement cet abandon à « l’espérance, à la « confiance » . « Oui, ô mon âme, à Dieu abandoni.etoi en paix, car de lui vient mon espérance… En tout temps, ô peuple, confie-loi en lui. " Ps. lxii (lxi), 0, Elle indique l’amour du bienfaiteur secourable, impliqué dans cette confiance. « Je Vaime, Jéhovah, ma force : Jéhovah, mon rocher, ma forteresse, mon libérateur. » Ps. X viii ( xvii), 2, 3. Elle signale la joie, caractère général de la confiance : « .Mors se réjouiront tous ceux qui se confient en toi ; ils seront dans une perpétuelle nllcr/resse, et tu les protégeras. « Ps. v, 12.

On voit combien le concept de confiance, quand il s’agit de l’espérance religieuse, est complexe, important et riche. Ce n’était pas toutefois une raison pour Luthcrderéduireàce concept toute la vie spirituellcet tout l’essentiel de la religion.


VI. Matière de l’espérance chrétienne

Son objet matériel en général.

Comme nous l’avons vu, l’acte d’espérance théologale reproduit les éléments qui entrent dans la composition de tout autre espoir. La différence essentielle est ici du côté de {’objet, qui est Dieu lui-même : d’un si sublime objet doit forcément rejaillir sur tous les éléments de l’acte une excellence plus haute : le désir, par exeiuple, devra se proportionner à nu objet placé infiniment au-dessus de tous les autres ; mais, enfin, ces éléments seront toujours de l’amour intéressé, du désir, du courage et de la confiance, et par là il y aura ressemblance avec tout autre espoir. Voir phis haut, col. 608. 622 sq. C’est donc’objeU donnera à l’acte religieux son caractère spécial, et qui distinguera de toute autre espérance celle que le théologien doit étudier, lixiiminons d’abord l’objet matériel, plus facile à déterminer, et sur lequel les théologiens sont d’accord.

L’objet matériel, ou matière de l’espérance, ce sont les choses espérées. A première vue, leur champ est immense. Voyez, dans l’Ancien’restamenl, combien de prospérités tenqiorelles espérait l’âme religieuse, pour elle même, pour sa famille, pour sa patrie, sur la foi des promesses divines ; ajoutez l’espérance de dons spirituels et moraux, l’espérance de la venue du Messie, et de son royaime plus ou moins v : guenicnt conçu. l’t l’espérance ne s’arrête pas à la limite de cette vie. « Sur la tombe, dit Schiller, l’espér.iuce croît encore. » Et c’est seulement sur la porte de l’enfer que Dante a pu lire : < Vous qui entrez, laissez toute espérance.

La matière de lespérancc chrétienne est aussi étendue que celle de la prière, suivant la remarque de .saint Augustin. Os deux actes religieux se correspondent : l’un produit l’aulre. l’espérance fait prier. Dr la prière, d’après les données de la révélation, que demande-t-elle à Dieu ? Des biens éternels, des biens spirituels en cette vie, et même des biens temporels. Voyez, par exemple, les diverses demandes de l’oraison dominicale. S. Augustin, IJnchiridion, c. r.xiv. cxv, P. I., t. XL, col. 28, 5.

Son objet matériel principal, on « d’attribution ".