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ESPÉRANCE

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que Dieu me pardonne en ce moment. Est-ce qu’il vous le dit ? Le concluez-vous d’une révélation générale et conditionnelle, qui vous montre le pardon attaché à certaines conditions de votre part ? Êtes-vous sûr de réaliser ces conditions ? Ou bien, le concluez-vous de quelques émotions qui peuvent n’avoir d’autre origine qu’une excitation nerveuse. Il ne vous reste qu’à recourir à cet illuminisme qui, à toutes les époques, a sévi parmi les protestants. Aujourd’hui encore, dans plusieurs sectes, chaque fidèle doit avoir son grand jour de conversion, où Dieu est censé lui apparaître, lui certifier son pardon ou son salut. William James, dans son livre des Variétés de l’expérience religieuse, en donne de curieux exemples. Cf. Études du 20 octobre 1907, p. 2Il sq.

Le concile de Trente a donc sauvegarde le bon sens aussi bien que la foi, par cette défmition :

Nemini fiduciamet certiOn nedoitpasdirequeles

tudinem reniissionis peccapéchés sont pardonnes à qui torum suorum jactanti et in conque vante sa confiance

ea sola quiescenti peccata et la certitude de la rémis dimitti vel dimissa esse dision de ses péchés et se re cendum est… Vana hîec et poseuniquementlà-dessus…

ab omni pietate remota fiCette confiance est vaine et

ducia. Sed neque illud assebien loin de la piété. Il ne

rendum estoportere eos.qui faut pas dire non plus que

vcrejustificati sunt, absque les vrais justes doivent se

ulla omnino dubitatione persuader sans le moindre

apud semetipsos statiiere se doute.qii’ils sont justifiés…,

esse justificatos… quasi qui comme si, en dehors de cette

hoc non crédit, de Dei propersuasion, on doutait des

inissis deque mort i s et repromesses de Dieu et de l’ef surrectionisChristi efficacia ficacitédelamortetdelaré dubitet. Nam, sicut nemo surrection du Christ. Car, si

piusdeDei misericordia, de l’on ne peut sans impiété

Christi mcrito deque sacradouter de la miséricorde de

mentorum virtute et efficaDieu, du mérite du Christ et

cia dubitare débet : sic quide la vertu des sacrements,

libet, dumseipsum suamque on peut toujours, quand on

propriam infirmitatem et se regarde soi-même et sa

indispositioncm respicit, de propre faiblesse et son peu

sua gratia formidarc et tide disposition, craindre et

merepotest.cumnuUusscire redouter de n’être pas en

valeat certitudine fidei, oui état de grâce, personne ne

non potest subesse falsum, pouvant savoir d’une certi se gratiam Dei esse consetude infaillible de foi, qu’il

cutum. Sess. VI.c. ix, Denest en grâce avec Dieu, zinger, n. 802 (684).

Aux yeux du simple bon sens, quand il s’agit d’un jugement certain, il faut tenir compte de tous les cléments de la question. Le fait de mon pardon ne dépend pas seulement des promesses de Dieu et des mérites du Christ, mais aussi des obstacles que je puis y mettre, de la valeur réelle de ma foi et de mes autres dispositions, ce qu’il m’est difficile d’apprécier. A fortiori pour mon avenir et mon salut : je ne puis sa-oir avec certitude si ma cooiiération à la grâce ne jnanqucra pas un jour. Aussi, le concile ajoute :

Si quis magnum usque in Siquelqu’unditqu’ilaura

fincm persevoranli.Tdonum certainement, d’une ccrti sc certohabiturum absoluta turic absolue et infaillible,

et infallibili certitudine dice grand don de la pcrsévé xerit, nisi hoc ex spcciali ratice finale, hors le cas ex revelatione didicerit, anaceptionnel d’une révélation

thema sit. Sess. Vl.can. 16, particulière, qu’il soit ana Dcnzinger, n. 820 (708). Cf. thème, can. 15.

Ces définitions mettent au point la formule devenue commune parmi les théologiens : « L’espérance est certaine. » Elles nous disent au moins dans quel sens il ne faut pas la prendre : aucun jugement absolu ment certain sur le fait de notre salut personnel ne doit être exigé pour l’espérance ou la confiance, de quelque manière que ce soit ; soit que l’on confonde un (cl jugement avec l’espérance ou la confiance, soit que l’on en fasse seulement un préambule nécessaire, i

Quant à l’explication positive de cette formule théologique, saint Bcnaventure nous avertit qu’elle n’est pas facile. La difficulte vient de ce que l’espérance en général est regardée plutôt comme ayant un objet incertain, voir plus haut, col. 610, et de ce que l’espérance chrétienne elle-même, d’après la doctrine de l’Église, a un objet incertain, le pardon et le salut de celui qui espère. De plus, tout le monde entend par’< certitude » une perfection purement intellectuelle ; or, l’espérance n’est pas un acte intellectuel mais alTectif, voir plus haut, col. 615 ; comment donc peut-elle être certaine ? Il y a deux réponses à cette difficulté, deux explications de cette « certitude de l’espérance » . Elles ne se contredisent point d’ailleurs, et peuvent s’additionner.

La première explication, qui nous pnrait la meilleure, c’est qu’il y a une certaine analogie entre la certitude proprement dite et certaines qualités de l’espérance, comme la fermeté du courage en face des difficultés et dans ce courage, la sérénité, la sécurité, le calme de la confiance. Voir plus haut, col. 609. La certitude n’a-t-elle pas, elle aussi, sa fermeté opposée au doute ? Comme repos de l’intelligence dans le vrai, n’a-t-elle pas sa tranquillité, sa sécurité ? L’analogie est incontestable. Or, si l’on peut, à cause d’une pareille analogie, transporter ; un de nos cinq sens les mots qui ne conviennent proprement qu’à un| autre, et parler de la « gamme des couleurs, de la blancheur de la voix » , etc., on pourra aussi transporter le nom de « certitude » d’une faculté à l’autre, de l’intelligence à la volonté, pour signifier la sereine fermeté d’un mouvement affectif. I^e chrétien qui espère n’a pas de son salut la certitude proprement dite, qui chasse de l’esprit la trépidation du doute : mais il a quelque chose d’analogue, le courage tranquille et confiant qui chasse de la partie affective le trouble, la trépidation de la terreur, l’abattement du désespoir. Son intelligence peut douter quand il considère sa faiblesse, son courage ne chancelle pas.

Cette explication est indiquée par saint Thomas, quand il nous dit que la certitude est premièrement et proprement dans la connaissance, mais qu’elle peut se trouver ailleurs pcr simililiidinem ; que « la certitude de la foi est intellectuelle, mais la certitude de l’espérance est affective » : qu’à la certitude de la foi s’oppose le doute, à la certitude de l’espérance, la défiance ou l’hésitation. » 7 ; i IV Sent., 1. III, disl. XXVI, q. III, a. 4. Saint Bonaventure ajoute ; i Quoique ces deux certitudes soient différentes, cependant elles ont ceci de commun, qu’elles ont chacune une certaine fermeté. La foi affermit l’intelligence contre l’incrédulité ; l’espérance affermit la partie affective contre la défiance… c’est une certaine adhésion virile. » In IV Sent., I. III, dist. XXVI, a. 1, q. v. « La certitude de l’espérance, disent les Salmanticenses, consiste dans la fermeté et la détermination de la volonté à atteindre le salut, et non dans la détermination d’un jugement énonçant qu’on sera sauvé. La perte du salut, qui arrive à plusieurs de ceux qui l’ont espéré, convaincrait de fausseté un tel jugement s’il avait précédé, mais elle n’empêche nullement la détermination et la fermeté de ciiur, tant que dure l’es ;) v.mce (ainsi, le malheur final ne jirouve nullemeiii. qu’on n’ait pas véritablement espéré, ni qu’on ailvspcrésansmotif, ou sans fermeté) » . Disp. II, n..3.3.

Seulement, après cette explication, on peut se demander si les anciens théologiens n’auraient pas mieux fait de parler d’espérance « ferme » , expression plus générale et convenant aussi à la volonté, plutôt que d’espérance « certaine n. expression réservée à l’intelligence. Que voulez vous ? Commentant le texte du Maitre des Sentences, ils y prenaient la définition de l’espérance. Et le Lombard, qui ne semble