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ESDRAS ET NÉHÉMIE (LIVRES DE)

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p. 529 ; Ed. Meyer, op. cit., p. 19-21. Pour ce qui est des lettres de gouverneurs aux rois de Perse et de leurs réponses, il est plus dillicile d’en établir le caractère public, encore que l’on puisse dire que la plainte de Réhum, par exemple, n’était pas seulement formulée dans l’intérêt, mais au nom des habitants de la Palestine, qui pouvaient ainsi en connaître le texte. Meyer, op. cit., p. 19. Peut-être ont-elles été connues par quelque juif bien placé à la cour des rois de Perse, comme Daniel ou Néhémie, pour rechercher dans les archives royales les pièces intéressant l’histoire d’Israël, et intervenir au besoin en faveur de ses compatriotes ; ainsi le prêtre Uzal.jor usa de son influence à la cour persane au bénéfice des Égyptiens. Cheyne, -Dos religiôse Leben derJuden nach demExil, trad. allemande par Stocks, Giessen, 1899, p. 41 sq. Le texte araméen qui relie les difl’érents documents autorise l’hypothèse de leur première mise en œuvre par un juif vivant à la cour des Achéménides, l’araméen étant, en effet, la seule langue susceptible d’être comprise par des lecteurs juifs et perses ; de plus, quelques passages indiquent que la composition ne se fit pas en Palestine. Esd., iv, 23 ; v, 5.

A ces considérations générales on peut en ajouter quelques autres, plus spéciales, corroborant la valeur de chacune des pièces conservées en araméen.

1. Échange de lettres entre le gouverneur Réluiin cl Artaxerxès. — L’attitude du roi, opposé ici aux projets des Juifs, paraît en contradiction avec les autorisations données à Esdras. Esd., vii, 12 sq. Si l’on remarque que, dans le premier cas, il est question de la reconstruction des murs de la ville, et dans le second, de la restauration du culte, on ne trouvera plus matière à contradiction, moins encore si, comme le veulent quelques-uns, la lettre, Esd., iv, 18-22, est d’Artaxerxès P, et le firman, Esd., vii, 12-26, d’Artaxer. xès IL La prétendue couleur judaisante de certains passages exaltant l’antique gloire de Jérusalem n’est en réalité qu’un moyen habile ou de faire croire au danger ou de rehausser l’éclat des victoires remportées jadis par les ancêtres du roi. Même habileté dans le choix des prétextes invoqués contre les Juifs, à savoir, leur refus de payer l’impôt et le tribut, une fois qu’ils se sentiraient à l’abri derrière leurs murailles reconstruites. Esd., iv, 15, 19, 20.

2. Échange de lettres entre le gouverneur ThaUianai et Darius. Esd., v, 6-vi, 12. — La lettre deThathanaï (Sisinnès selon III Esd., vi, 3) au roi Darius n’offre I)as de difliculté, si nous laissons de côté la question de l’essai de reconstruction du temple, mentionnée au c. III. Voir plus loin. Incertain de la légitimité de l’œuvre entreprise par les Juifs, le gouverneur informe son souverain dans une lettre où l’influence

^-de la langue persane ne serait pas étrangère. Meyer, op. cit., p. 29, 43. Si Kosters refuse l’authenticité à ce document, c’est qu’il nie, sans raisons suffisantes, voir plus loin, le retour sous Cyrus et la première tentative de reconstruction. La réponse de Darius, fils d’Hystaspe, est précédée d’un extrait de l’autorisation donnée jadis par Cyrus. Cf. Esd., i. Le fait de la découverte de ce texte à Ecbatane, résidence d’été des rois de Perse, est une preuve de la véracité du récit, un faussaire d’époque tardive aurait, en effet, placé cette découverte à Babylone ou du moins à Suse. Meyer, op. cit., p. 47-48. Quant à la teneur du décret de Darius, elle est tout à fait conforme à ce que nous savons de ce roi. Pour lui, une fois le texte de la décision de Cyrus retrouvée, la chose était jugée. Comme dans l’inscription de Gadata, il s’en rapporte à la manière de voir de ses ancêtres : àyvooiv pixà-/ tioo-YÔvwv Et ; TÔv Œôv…, et la part qu’il prend dans la construction du temple et la célébration quotidienne du culte, toutes deux assurées par la perception d’im pôts de l’autre côté du fleuve, n’a pas lieu d’étonner, lorsque l’on sait son attitude nettement favorable aux cultes étrangers aussi bien en Asie-Mineure qu’en Egypte. Inscriptions de Gadata et de Uzal.ior ; dans cette dernière Ntariuth (Darius) donne des ordres afin que le nom de tous les dieux, leurs temples, leurs revenus et leurs fêtes soient conservés à jamais, Brugsch, Geschichte ^Egyptens, 1877, p. 748 - 751 ; Hérodote, vi, 97, rapporte que Datis, général de l’armée perse, épargna les habitants de Délos, ayant reçu l’ordre de son roi Darius de ne faire aucun mal aux hommes du pays qui a vu naître Apollon et Diane. L’expression Dieu du ciel, 9, 10, n’est pas à rejeter, , elle n’efl’arouchait pas l’esprit de tolérance des rois de Perse, elle correspondait à celle employée dans la demande de Thathanai, Esd., v, 11, et était d’ailleurs fréquemment usitée dans la désignation des divinités syriennes. Bertholet, op. cit., p. 27. Le supplice réservé aux transgresseurs de l’ordre royal, Esd., v, 11, est manifestement d’origine persane. Hérodote, iii, 159. Cf. Schrader, Die Keilinschriflen und das Allé Testament, 2e édit., Berlin, p. 378, 616. Enfin, la menace du V. 12, qui semble viser le roi lui-même, y a fait voir une glose de l’époque du persécuteur Antiochus Épiphane, il s’agit tout simplement des voisins d’Israël, avertis de n’avoir plus à s’opposer, comme par le passé, à la reconstruction du temple, sous peine : des plus sévères châtiments.

3. Le rescrit d’Artaxerxès. Esd., vii, 11-26. — n Le roL n’y parle pas comme un fidèle de Zarathustra, mais comme un croyant Israélite. » Kuenen, Éinleitung, . t. ii, p. 166. A cause de la couleur juive de ce passage, beaucoup, en eflet, refusent d’j' voir un document authentique, Kosters, Cheyne, Cornill, Wellhausen, . Torrey, Jahn. L’énumération des animaux du sacrifice, 17, des différentes classes de serviteurs du temple, 24, le ton général que pourrait revendiquer un adorateur de Jahvé, tout cela dénoncerait un rédacteur juif, le compilateur lui-même. Quelquesuns ont supposé, et non sans vraisemblance, que les termes mêmes du décret avaient été inspirés par Esdras, à qui serait due la précision nécessaire dans les ordres relatifs à la réorganisation du culte, Meyer, Nikel, Bertholet ; le texte original serait l’araméen, . destiné qu’il était aux compatriotes d’Esdras auprès desquels il fallait l’accréditer. Nikel, Die Wiederherstellung des jiidischen Gemeinwesens nach dem babylonischen iix//, Fribourg-en-Brisgau, 1900, p. 170. D’autres voient dans les traits spécifiquement juifs l’œuvre du Chroniste, remaniant un document dont la valeur historique n’en demeure pas moins ; on peut ainsi l’établir : un décret royal était nécessaire à Esdras pour entreprendre son œuvre, il a trouvé sans doute une place dans les Mémoires ; le cas est tout à fait analogue à celui de Néhémie sollicitant avant son retour des lettres pour les gouverneurs de l’autre côté du fleuve. Neh., ii, 7. Le zèle pour l’accomplissement de la loi de Jahvé s’accorde bien avec la politique des rois pa’iens en général, dont le panthéon était hospitalier pour toutes sortes de divinités et avec celle des rois de Perse en particulier, cf. inscriptions de Cyrus, de Gadata… ; et n’est-ce pas le fait d’un habile politique que d’imposer en même temps le respect des lois religieuses et des lois civiles ? quiconque n’observera pas la loi de son Dieu et la loi du roi, qu’il soit fait de lui exacte justice, 26. Le titre de roi des rois donné à Artaxerxès est un des titres employés dans les inscriptions royales, le compilateur aurait écrit roi de Perse. Enfin ce que le souverain avait entendu raconter par Esdras, viii, 22, était bien fait pour le décider à la bienveillance ; le Dieu du ciel, à Jérusalem, était en effet un Dieu puissant qu’il convenait d’honorer en favorisant son culte afin que « sa colère ne vienne