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ESDRAS ET NÉHÉMIE (LIVRES DE)

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ne sauraient prétendre aux droits et privil(ges de la communauté juive : ceux-là seuls le peuvent qui sont les véritables descendants des exilés revenus de la captivité, aussi des listes généalogiques sontelles soigneusement établies pour maintenir dans sa pureté cette descendance. Tout ce qui la compromettrait est criminel, telles sont les unions d’Israélites avec les femmes étrangères ; elles sont rigoureusement interdites et ceux qui avaient pris des compagnes pariui les filles des peuples du pays sont énumérés. Esd., x, 18-44.

En sauvegardant ainsi l’unité et la pureté de la race et de la religion, l’Israélite se conforme non seulement à la loi reçue de Jahvé, mais encore aux ordres des rois de Perse. Esdras, à la tête du mouvement de réforme religieuse, est l’envoyé d’Artaxerxès, il en a reçu plein pouvoir pour imposer à tous ses compatriotes tout ce qui est selon la loi du Dieu du ciel, et pour sévir impitoj’ablement contre quiconque oserait contrevenir aux ordres de Jahvé qui sont aussi ceux du grand roi. Esd., vii, 23, 26. Que les Samaritains et autres adversaires des Juifs ne s’autorisent pas de l’appui et de l’approbation des maîtres de la Perse pour empêcher la restauration d’Israël, leur opposition est illégitime, le bon droit est du côté des Juifs, le rédacteur tient à le démontrer, de là l’insertion dans son récit des documents araméens. Holzhey, op. cit., p. 9-10 ; Fischer, op. cit., p. 1-3. Ces idées maîtresses, dont il est facile de suivre la trame à travers les différentes parties des livres d’Esdras et de Néhémie, en maintiennent l’unité malgré leur caractère de compilation.

VII. Valeur iiisxoriQUE.

La conception traditionnelle, qui voit dans Esdras-Néhémie l’histoire des commencements de la communauté juive après l’exil et date les événements selon l’ordre chronologique qui leur y est assigné, a eu à subir depuis un demi-sîècle de nombreuses contradictions : les grandes lignes de cette histoire ont été bouleversées, la véracité des documents qui permettaient de l’établir a été niée ou tout au moins très suspectée, la chronologie a été déclarée incompatible avec la suite réelle des faits : en un mot, si l’on excepte les Mémoires de Néhémie, rien dans les deux livres qui n’ait été mis en question. Il importe donc, après un rapide coup d’œil sur l’état de la critique historique, de montrer ce que l’historien d’Israël peut encore demander à ces livres de notre Bible, quels matériaux il peut y puiser et dans quel ordre les agencer pour restituer à cette période si intéressante de la vie du peuple hébreu, sa physionomie originale.

Dès 1867, Schrader, Die Douer des zweilen Tempelbaues, dans Theologische Sludien und Kriliken, p. 460-504, se refusait à admettre l’essai de reconstruction du temple, dans la deuxième année du retour, pour la raison qu’on n’en trouve aucune trace avant la deuxième année de Darius, ni dans l’extrait araméen du c. v d’Esdras, ni dans les prophètes contemporains, Aggée et Zacharie ; l’origine de cette erreur chronologique serait à rechercher dans l’hypothèse qui regardait les exilés comme animés d’un zèle très ardent et trop dévoués à la cause de l’ancienne religion pour laisser passer une quinzaine d’années avant d’entreprendre la reconstruction du sanctuaire national. Kosters s’en est pris à l’ensemble de l’histoire traditionnelle ; d’après lui, le récit du retour sous Cyrus ne serait qu’une invention tardive et tendancieuse, la reconstruction du temple serait l’auvre des Israélites restés dans le pays, ayant à leur tête Zorobabel et Josué ; l’unique retour serait celui d’Esdras, encore faudrait-il le placer pendant le deuxième séjour de Néliémie à Jérusalem, vers 432. Hci Herstel van Israël in het perzische tijdrak, I.eydc,

1894 ; trad. allemande : Die Wiederherslellung Isræls in der persisch. Période, par H.isedow, Heidelberg, 1895. Dans le même sens, avec des nuances diverses^ Maniuart, Wildeboer, Cheyne. Tout en rejetant la thèse de Kosters, Wellhausen lui concédait la présence en Palestine, lors de la restauration, d’une bonne partie de l’ancienne population et, plus encore que le critique hollandais, mettait en doute l’authenticité des documents araméens, Esd., iv-vi. Die Riickkehr der Jiiden ans dem babylonisehen Exil, dans-Gôttinger Gelehrlen Anzcigen, 1895. Cette défiance vis-à-vis des documents araméens, Kuenen et Stade l’avaient déjà éprouvée et Noldeke ne voyait dans le décret d’Artaxerxès, Esd., vii, que pure fiction. Contre cette tendance des critiques, abandonnant l’une après l’autre les différentes parties d’Esdrascomme non historiques, Ed. Mej’er réagit vigoureusement dans son ouvrage : Die Enlslehung des Jiidentiims. Halle, 1896, brillant plaidoyer en faveur desdocuments conservés dans le livre d’Esdras. Wellliauscn en essaya une réfutation, ne voulant voir dans les prétendus documents qu’une forme dramatique d’exposé. Gôit. Gel. Anz., 1897, p. 89-97. Cf. la réponse d’Ed. Meyer, Julius Wellhausen und meine Schrijl « Die Enlslehung des Judentums » , Halle, 1897.

Renrn, drns scn Histoire du peuple d’Israël, Paris, 1893, t. iv, p. 99, note 2, écrivait : « Tout en considérant les Mémoires d’Esdras comme une œuvre artificielle, il est permis d’en retenir quelques traits que le faussaire aurait empruntés à une tradition sérieuse ou aux données historiques générales du temps. » Ce n’était cependant pas l’opinion généralement reçue parmi les critiques sur la valeur des Mémoires d’Esdras, lorsque Torrey entreprit de démontrer que ces Mémoires attribués au scribe Esdras, ainsi qu’une partie de ceux mêmes de Néhémie, n’étaient que l’œuvre du Chroniste, par conséquent sans valeur historique. The composition and historicai Value of Esra-Nehemia, Giessen, 1896, supplément à la Zeilschrijl fiir die aUtestamentliche Wissenschafi. Le succès fut médiocre et à quelques rares expressions près, H. P. Smith, Old Testament History, Edimbourg, 1903, p. 390 ; Poster Kent, Isræl’s historicai and biographical narratives, New York, 1905, p. 29-34, dans The Students Old Testament ; G. Jahn, Die Bûcher Esra und Nchemja, Leyde, 1909, p. i-vi, les critiques continuèrent à considérer les Mémoires d’Esdras et de Néhémie comme des documents de grande valeur historique. Cf. Torrej’, Ezra studies, Chicago, 1910,

p. VII-VIII.

Il y a donc lieu d’établir le caractère de véracité de textes si importants et si contestés.

Mémoires de Néhémie.

Tous s’accordent à

reconnaître leur authenticité (même Torrey et Jahn, au moins pour une partie). « Dans ses derniers jours, dit Renan, il (Néhémie) écrivit son autobiographie, et ce curieux document, un des plus précieux de ! a littérature hébraïque, nous a été transmis avec de légères altérations provenant du compilateur des Chroniques. Peu d’écrits portent un cachet aussi personnel. » Op. cit., p. 93. Ces Mémoires sont, en effet, « d’une authenticité indiscutable et respirent une sincérité d’accent qui rend très sympathique un écrivain racontant avec simplicité ce qu’il a fait. » Mangenot, art. Néhémie, dans le Dict. de la Bible, t. iv, col. 1578.

Mémoires d’Esdras.

La question n’est plus

aussi simple. Sans doute beaucoup, le plus grand nombre y voient comme dans les précédents un écrit authentique, mais l’afilmiation a besoin d’être prouvée. Les principales raisons pour lesquelles certainscritiques (voir plus haut) croient devohrefuser la composition des Mémoires à Esdras sont les sui-