Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 5.djvu/260

Cette page n’a pas encore été corrigée

49[5

ESCLAVAGE

496 formation de peuplades sauvages par un esprit pleinement chrétien. Tandis qu’ils se retiraient dans le territoire de Guaranis qui leur était concédé, on cherchait encore à capturer quelques Indiens ; des Espagnols viennent déguisés en missionnaires pour attirer les Indiens dans des pièges ; des peuplades brésiliennes, vers 1630, font irruption sur les réductions, et enlèvent à la fois 1500 Indiens (2 millions en 130 ans). Les Pères Macetta et Mansilla furent, eux aussi, emmenés en captivité, puis relâchés.

Il restait à recourir à l’émigration en masse, pour se retirer à l’intérieur, comme l’avaient déjà fait les dominicains : voyage si pénible qu’il y succomba des milliers d’Indiens. Le P. de Montoya se rend à Madrid pour plaider la cause des réductions : l’affranchissement des Indiens fut ordonné ; la désobéissance passait pour crime de haute trahison et ressortissait à l’Inquisition. Les habitants des réductions relevaient immédiatement de la couronne. En même temps le P. Dias Jaiïo rapportait de Rome la bulle Cominissum d’Urbain VIII. A cette nouvelle, un soulèvement éclate à Rio-de-Janeiro, où le collège des jésuites est assiégé ; une autre sédition a lieu à SaintVin cent ; à San-Paulo, on expulse les Pères ; à Bahia, on foule aux pieds le vicaire général qui proclamait le bref, et le Père supérieur des jésuites qui s’avance, le ciboire en main, ne parvient pas à rétablir l’ordre.

Antoine Vieyra connut de meilleurs succès. Le premier dimanche de carême 1652, il prêche et traite la question de l’esclavage ; le soir même, il la reprend à nouveau devant une assemblée des principaux de la ville, et l’on convient qu’un tribunal, formé de deux commissaires (l’un pour les Portugais, l’autre pour les Indiens), réglera les litiges. Le tribunal fonctionna réellement. Mais bientôt Vieyra constatait la duplicité du gouverneur lui-même ; après son sermon aux poissons avec ses allégories fines et désolées, il part à Lisbonne et pénètre jusqu’à Jean IV. Cet empire du Brésil, lui déclare-t-il, a un péché originel : l’esclavage des Indiens. De Barro, t. ii, p. 82. On sait quels accents déchirants le zèle inspirait à Vieyra : « Ah I richesses, opulence du Maragnon I tant de beaux manteaux, tant de belles mantilles, si on les pressait, -si on les tordait, que de sang n’en ferait-on pas sortir ? » Vieyra, Sermons, t. ii, p. 51. Dans le sermon sur] le Rosaire, t. vi, p. 532 : « En punition des esclavages d’Afrique, Dieu a fait retomber sous le joug des infidèles Mina, l’île Saint-Thomas, Angola et le Benguela. En punition des esclavages d’Asie, Dieu a fait retomber sous le joug des infidèles Malaca, Ceylan, Ormuz, Mascate et Cochin. En punition des esclavages d’Amérique, Dieu a fait tomber sous le’joug de nos ennemis Bahia, le Maragnon, et tout le Pernambouc… » Cf. encore Sermons, t. i, p. 287.

Le décret d’avril 1653 accorde que le supérieur de la mission tranchera les cas douteux ; il y aura perpétuité pour les prisonniers de guerre ; l’esclavage ne dLirera que cinq ans pour ceux qui ont été achetés des Indiens. Le succès fut bien court ; un soulèvement à Helem en 1658 est suivi d’un autre à Saint-Louis en 1661. Vieyra et 32 autres jésuites sont embarqués de force pour le Portugal, et suivant l’expression du grand orateur : bannis dans leur patrie. En 1680, l’esclavage est supprimé, hormis le cas de guerre ; et cette même année l’influence des jésuites est rétablie. Les réclamations reparaissent encore périodiquement jusqu’à la loi de 1755, qui libère absolument les Indiens du Brésil.

2. Les évêques.

Les évêques des Canaries ont les

premiers occasion de se prononcer. Un franciscain, Fra RIendo, résiste au gouverneur Maciotto de Béthencourt qui avait réduit des indigènes en esclavage et les voulait vendre en Espagne ; le gouverneur est con danmé publiquement par l’évêque, et bientôt cassé par le roi (vers 1415). L’évêque suivant, D. Fernand, déclare que soit avant, soit après la conversion, il est défendu d’asservir les naturels (vers 1431). Le gouverneur de la plus grande des Canaries, D. Pedro de la Vera, veut asservir des innocents ; l’évêque Fra Michel de la Cerda (Wadding, an. 1486, p. 23, l’appelle Michel Lopre de la Sorva) lui résiste ; menacé de mort, il passe en Espagne et y obtient raison contre le gouverneur (vers 1486).

En 1495, 500 Caraïbes sont envoyés d’Haïti à Séville ; au moment de les vendre, on doute de la licéité de cette opération ; c’est l’influence de l’archevêque de Grenade, Fra Hernando de Talavera, confesseur de la reine, qui a déterminé ce revirement, au sentiment de Humboldt. L’archevêque de Tolède, Tavera, préside en 1529 une assemblée qui propose la suppression des commendes et de l’esclavage. Sébastien Ramirez, évêque de Saint-Domingue, depuis 1527, préside dans cette île la cour de justice. Il est nommé en 1530 président de la cour de justice de Mexico. Il est décidé que les Indiens ne pourraient plus vendre leurs enfants, que les esclaves ne pourraient plus être exportés, qu’on enverrait des visiteurs. Dans ses prédications, Ramirez affirme qu’il y a péché mortel à maltraiter les Indiens. Ramirez préfère les affranchir tous au lieu de rechercher quels d’entre eux ont été faits légitimement esclaves. En 1532, Ramirez passe en Espagne, comme évêque de Cuenca et membre du Conseil des Indes. Le franciscain Jean de Zumarraga, protecteur des Indiens, évêque de Mexico durant vingt ans (15281548), écrit à Charles V (27 août 1529) pour dénoncer l’esclavage mal déguisé (commendes à perpétuité) auquel le tribunal de Nuno de Guzman condamnait les Indiens. En novembre et décembre 1530, Nuno de Guzman fait marquer au fer 1000 esclaves, et les fait vendre 5 pesetas l’un, parce qu’ils n’ont pas voulu faire la paix avec lui. Peu après, Zumarraga est, préposé à la marque : il prononce toujours en faveur de la liberté des Indiens, dès qu’il y a le moindre doute.

La lettre de Jean Garces, évêque de Tlascala, adressée au pape en 1536, est grave en elle-même, et a déterminé l’intervention de Paul III. Elle montre par plusieurs faits les dispositions excellentes des Indiens, christianorum décréta non hauriunt modo, sed exhauriunt ac veluti ebibunt : ciiius hi et alacrius articulorum fidei seriem et consuelas orationes quam Hispanoriim infantes ediscunt, et tenent quidquid a nostris traditur. Solorzano, De Indiarum jure, 1. II, c. VIII, n. 57. Il réclame la liberté de la mission.

A Carthagène, l’évêque Tomas de Toro, dominicain, depuis 1534 s’oppose au gouverneur Hérédia : ses plaintes, ses supplications, ses censures sont inutiles ; il réclame en Espagne, et meurt en recommandant au clergé le dévouement pour les Indiens. Tomas de Toro était successeur d’un autre dominicain, Jérôme de Loaysa, devenu premier archevêque de Lima († 1575 après 36 ans d’épiscopat) ; lui aussi avait réclamé la faveur royale pour aider à la conversion des Indiens. En 1570, il avait approuvé la reprise du travail des mines ; mieux renseigné, il en fait rétractation à son lit de mort et la fait faire auprès du roi.

L’évêque de Guatemala, Marroquin, assiste à la mort Alvarado, et lui prescrit comme premier article de son testament la liberté de ses esclaves mariés et de leurs familles, « parce qu’au jugement de l’évêque, il était certain qu’ils n’étaient pas esclaves. » Aussi le vieux soldat affranchit-il ses esclaves de mines ; il laissa une somme pour racheter des prisonniers et abandonna ses commendes au roi (1542). L’évêque dfr