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ESCLAVAGE


pas en Occident : Tacco quoque contra consueludinem latinam, marium, feminarumque, dignitatis eliam christiame personas, indifferenlcr emi, ac quasi brûla animalia distrahi, et longius a patria ad crudclilalis aufjmentum, ut gentilium fiant mancipia, vendendas cnnlti. Gcsla Dei pcr Francos, 1. I, c. ii, P. L., t. cLvi, col. 688. On a remarqué d’autre part, dans les sermons et les cpîtres du xiie siècle, un silence significatif ; les œuTes d’alTranchissement, si exaltées précédemment et recommandées d’une façon si pressante, n’y reparaissent jamais plus : il n’y en a plus à réaliser. Biot, De l’abolition del’esclavage ancien, p. 325. Il faut pourtant signaler une lettre d’Innocent IV, du ! '= octobre 1246 : Nonnulli mercatores Januenscs, Pisani et Veneti de paiiibus Conslantinopolitanis navigantes in rcgnuni Hieiosulijmitanum quamplures Grœcos, Bulgares, Ruthenos et Blacos christianos lam marcs quam feminas sccum innavibus detulerunt eosque vénales quibuslibei etiam Saracenis cxponuni, ila quod multi de ! alibus detinentur a suis emploribus tanquam servi, … (au patriarche de Jérusalem). Potthast, n. 12283. Gênes et Venise, d’ailleurs, ne se privèrent pas de continuer ce commerce.

IV. Esclavage sous i.es misilmans. — l°Lcs faits. — Depuis les croisades jusqu'à la prise de Constantinople, on ne trouve guère trace de la piraterie qui désolera les âges suivants. A partir de 1453, l’effort de pénétration turque, soit dans la Hongrie, soit dans l’Archipel, et en même temps la constitution de principautés maritimes sur le littoral d’Afrique multiplient les victimes ; après les batailles, après le siège des villes, il y a des troupes de chrétiens réduits en esclavage. Cf. Léonard de Chio, témoin du siège de Constantinople, dans Bzovius, an. 1453, n. 7, et le cardinal Isidore, témoin lui aussi. Ibid., n. 5. Isidore lui-même, déguisé, avait été réduit en esclavage et vendu ; il fut assez heureux pour s’enfuir.

Les années suivantes voient les contingents de captifs se succéder, et suivant l’expression de Campana, légat de Paul II à Ratisbonnc, videbunt miscri, videbunt conservas, propinquos suos, superioris anni prwdctm. Bzovius, an. 1471, n. 3.

Soliman II adressait à Vil tiers de l’Isle-Adam, devant Rhodes, la sommation suivante : « Et si vous ne voulez vous rendre, comme dit est, vous ferons esclaux et mourir de maie mort, moyennant la volonté divine, comme avons fait à beaucoup d’autres. » Charrière, Négociations, t. i, p. 92.

lui Hongrie, « les enlèvements de jeunes gens et d’enfants étaient chose ordinaire. Les archives des comitats sont remplies de pièces qui attestent ce fait. Le peuple musulman de Stamboul ayant hérité des goûts du peuple du Bas-I-^mpirc, on lui donnait le spectacle de prisonniers hongrois et bosniaques forcés de combattre comme des gladiateurs. » Sayous, Hist. gén. des Hongrois, t. ii, p. 100, 119.

Après la prise de Tunis, l’empereur écrit à son ambassadeur en l’rance (21 juillet 1535) : « Et nous avons fait mectre en liberté de dix-liuit à vingt mille des dits captifz, tant de nos sulijcctz que aultres de diverses nations chrcstiennes, qu’avoient été détenuz, et aucungs plusieurs années esclaves, enchayncz et enferrez es dites prisons, fosses et caves et aultrenient, durement, inhumainement et très cruellement en très grosse pitié et extrême misère. » Papiers de Granvelle, t. ii, p. 306.

A la prise de Tunis, Barberoussc avait immédiatement riposté par la prise de.Mahon, et il avait fait à Majorque 7500 prisonniers. I laminer, t. ii, p. 33. En 1560, après la prise de Dscherbe, le gouverneur don .Mvaro est mené au bagne à Constantinople, avec les lutrcs esclaves. Après la prise de Scio en 1560, on voit faire un grand nombre de prlsnnniers à la délivrance

DICT. ht THÉOL. < ATHOI.

desquels s’emploie le pape saint Pie V, par l’entremise du roi Charles IX. A Nicosie (1570), une femme grecque ou vénitienne fit sauter les galères où se trouvait plus d’un millier de femmes destinées à l’esclavage. Hammer, t. ii, p. 183. Après la prise de Famagouste et le supplice de son héroïque défenseur Marc-Antoine Bragadino (15 août 1571), la peau de ce dernier fut exposée dans le bagne à la vue des esclaves chrétiens. Hammer, t. ii, p. 189. Cette année-là même, à Lépante, la flotte victorieuse délivrait 15000 chrétiens, condamnés à ramer sur les galères. Hammer, t. ii, p. 189. Cette victoire était trop tôt suivie de la défaite du roi Sébastien à AlcazarKébir (1578). Les débris de l’armée portugaise y furent faits prisonniers.

Les bagnes se trouvent à Constantinople : quatre ou cinq mille esclaves servant sur les vaisseaux et les galères ou enfermés dans le bagne du grand Seigneur. 4 mars 1714, le P. Tarillon à Pontchartrain, Lettres édifiantes. Levant, t. i. p. 4. A Négrepont, Ia Relation du P. Fleuriau(1695) compte 5 ou 600 esclaves latins, Carayon, t. xi, p. 205 ; à Alger, dit le P. Dan, on peut compter 25000 esclaves ; à Tunis, 7000 ; à Salé, 1500 ; à Tripoli, 4 à 500. H ist. de la Barbarie, p. 318. Le P. Hérault, dans sa supplique de 1644, parle de 2000 captifs français parmi 30 ou 40000 de diverses nations. Dcslandres, Ordre des irinitaires, t. ii, p. 271. « Il y en a eu jusque 5 ou 6000 à Fez. » Dan, p. 249. « Dans la ville de Maroc on a compté autrefois jusque 5 à 6000, quand les rois d’Espagne et de Portugal faisaient la guerre en ce pays-là. » Ibid., p. 282. Un voyageur écrit quarante ans plus tard : « Il y a dans Tunis treize bagnes, … et il peut y avoir, à ce que m’ont dit plusieurs esclaves, 10 ou 12000 esclaves. » Voyage de IL Thévenol, tant en Europe qu’en Asie et en Afrique, 1689, p. 889.

Le chiffre des captifs ne peut donc être connu que par des données sans précision mathématique. Cf. Revue historique, t. xxvii, i. 1.

2° Intervention de l'Église. — La première intervention de l'Église est la lettre par laquelle Innocent III annonce et recommande au miramolin du Maroc la jiremière expédition des Pères trinitaires. Reg., II, 3, p. 2, 214, 544 : Inlcr opcra misericordiæ qmr Jésus Christus Dominas Nosler ftdclibus suis in Evangelio commendavit, non minimum locum obtinel rcdemptio captivorum. Des trinitaires fondés on 1198 par saint Jean de Matha et saint Félix de Valois, ou de l’ordre de Notre-Dame de la Merci fondé en 1223 par saint Pierre Nolasque avec saint Raymond de Pennafort, il n’y a pas lieu de traiter ici. Voir les articles spéciaux.

Parmi les papes qui imitèrent la sollicitude d’Innocent III, Nicolas V, après la prise de Constantinople, fut un des [ilus actifs, comme en font foi les lettres de Philclphc. Bzovius, an. 1453, p. 41. Les différents ordres religieux, comme ils avaient fourni leur contingent à l’esclavage, le fournirent à la rédemption. Il faut citer, jiariiii les dominicains, Etienne de Lusignaii, qui, aprôs le siège de Famagouste, et Ange Calepino, qui, après le siège de Nicosie, vinrent àConstantinople et y travaillèrent à la libération des chrétiens. Parmi les franciscains, le capucin, confesseur de don.luan d’Autriche, qui, esclave lui-même, abandonna sa rançon pour assurer aux autres esclaves la suprême consolation d’un cimetière chrétien. Parmi les. jésuites, le P. Mariano Manieri, qui fit en Barbarie treize voyages, dont un de quatre ans, et le P. Jules Mancinelli, apôtre volontaire des pays mahoniétans, et qui alla à Alger et à Constantinople, et avait fondé à Palerme une confrérie de la rédemption. Les disciples de saint Vincent de Paul occupent dans cette histoire la place la jilus glorieuse.

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