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ESCLAVAGE

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Saint Grégoire de Nïizianze, d ; ins le très célélire discours xl, In s. baptisma, exalte la noblesse conférée par fe sacrement, n. 27, P. G., t. xxxvi, col. 390-397 : « Ne regarde pas coiinne indigne de toi d’être haptisé, aec les pauvres, ô riche, ô patiicicn, avec des hommes vils, ô maître, avec celui qui fut jusqu’ici ton esclave. Tu ne t’humilieras pas autant que le Christ, au nom duquel tu es aujouri’hui baptisé, et qui pour toi a pris même la forme d’esclave. En ce jour’tu es transformé ; les caractères anciens disparaissent ; une seule marque est imposée à tous : Jésus-Christ. »

Les Conslitutions apostoliques, 1. ii, c. lvii, reproduisant, d’ailleurs, la Didascalle, indiquent en détail la place qu’il faut donner à chacun dans l’église : les jeunes gens s’assiéront, s’il y a place ; les vieillards seront assis, etc. ; mais elles ne mentionnent pas de place spéciale pour les esclaves. Funk, Didascalia et Constitutiones, 1905, t. i, p. 160, 161. Ils étaient donc parmi les autres, et les esclaves donnaient aux hommes libres le baiser de paix.To âv /.jpûo ^iXi-.ax.Les mêmes Constitution^ ; demandent seulement que dans l’admission des esclaves on procède avec discernement, 1. VIII, c. xxxir, Funk, t. i, p. 534 : « Si cet esclave appartient à un fidèle, qu’on demande à son maître s’il lui donne un bon témoignage. Si non, qu’on l’écarté jusqu’à ce que le maître le juge digne. Si oui, qu’on l’accepte. S’agitil de l’esclave d’un paien, on lui apprendra à contenter son maître, afin de ne point faire blasphémer la religion. » La prière et la liturgie, telle que nous la décrivent les Con<li(utions apostoliques, étaient communes aux esclaves et aux maîtres ; commun aussi ce chant des psaumes, qui donne, comme dit saint.lean Chrysostome, la Taie intelligence du passé et de l’avenir. In ps. ixxxiv, 1, P.G., t. Lv, col. 388. L’assemblée des fidèles, en recommandant h Dieu les différents états des chrétiens, mentionnait les esclaves, ir.so -(iiv t, 7r : y.p5 Soj).£ ; a y.araTtovrjuu.ivMv fjvrfiiùs.i-i, l.’VII, c. x, 15, Funk, t. I, p.’490, 491 ; cf. VIII, xii, 45. C’est en vue de la prière et de l’instruction religieuse que dans le travail des esclaves on prévoit et on réglemente quelque relâche : Que les esclaves travaillent cinq jours : le samedi et le dimanche, qu’ils aient le loisir de venir à l’église pour y apprendre la religion. La semaine sainte et la suivante, que les esclaves chôment. La première est celle de la passion, l’autre celle de la résurrection. Et ils ont besoin d’apprendre qui est mort, qui est ressuscité, qui a permis cette mort, qui a ressuscité, » 1. VIII, c. XXXIII, Funk, t. i, p. 538, 539.

Un autre texte des Constitutions apostoliques, 1. IV, c. VI, 4, Funk, 1. 1, p. 225, mentionne, parmi ceux dont il faut refuser les offrandes, ceux qui font souffrir leurs esclaves, c’est-à-dire de coups, de la faim ou de mauvais traitements. Et un peu plus loin. 1. IV, c. ix, Funk, p. 230, 231, répétant la Didascalie, les Constitutions indiquent un des emplois à faire de la richesse : « Servez-vous (de l’argent) pour le rachat des saints, délivrez des esclaves, des prisonniers, des captifs. > Un passage des C> ; îs/(/n ;  ; ofîs apostoliques, 1. IV, c. xii, est explicitement consacré aux relations des maîtres et des serviteurs ; c’est l’écho très net des préceptes de saint Pail : Que dire des esclaves sinon que l’esclave, avec la crainte de Dieu, ait de la bienveillance envers son maître, quand même ce maître serait impie ou méchant ; mais qu’il ne s’unisse pas à lui dans son culte. Que le maître aime son esclave ; malgré leur inégalité, qu’il le juge son semblable, puisqu’il est homme comme lui. Celui qui a un maître fidèle, sans manquer à son service, doit l’aimer, comme son maître, comme son frère dans la foi, comme son père. Qu’il ne serve point pour être vii, mais par dévouement, sachant que Dieu récompensera sa peine. Pa reillement, si le maître a un esclave fidèle, sans renoncer à son service, qu’il l’aime comme un fils et comme un frère à cause de leur commune foi. Cf. VII, xiii.

Ce rapprochement entre maître et esclave n’était pas arrêté par la mort ; celle-ci rf léguait l’esclave pa’ien loin de son maître, dans le columbarium, et notait en détail l’infériorité de sa condition : chez les chrétiens, esclaves et maîtres étaient placés côte à côte, et les inscriptions oublient ces différences terrestres. Voir Épigraphie, col. 352.

Le mariage, sacrement de l’Église catholique, rencontre la législation romaine, très insuffisante pour la dignité de la famille chrétienne. Le mariage est indissoluble, I Cor., vii, 10-11 ; mais, à l’esclave, la loi romaine ne concède que le contubcrnium : jamais, il n’a autorité sur sa femme ni sur ses enfants, car il n’a pas droit au conjugiuin. Quelques aspirations à cette liberté se trouvent dans les monuments païens ; mais le Code y devait rester sourd encore bien longtemps. Pour la loi romaine, l’infidélité de l’époux n’était pas un délit ; le commerce d’une matrone avec son esclave avait lieu impunément, saint Justin cite une femme libre qui, avant sa conversion, vivait mal avec ses esclaves, et dont le mari, indifférent à ses désordres, ne supporta point la nouvelle foi, Apol., II, n. 2, P. G., t. VI, col. 444 : la séparation d’une famille d’esclaves n’avait pas d’importance. Mais à ces qualifications inégales, les Pères ont opposé le commandement de Dieu uniforme.

La loi romaine admet le concubinntus, sorte de mariage morganatique entre un homme libre et une femme esclave, mais l’absence d’effets civils pour cette union n’empêche point l’Église de la valider. Et voici le cas presque symétrique : les patriciennes au iiie siècle se trouvèrent beaucoup plus nombreuses dans le christianisme que les patriciens, trop souvent rattachés au paganisme par quelque dignité ou cérémonie. La mésalliance leur eût fait perdre le titre sénatorial de clarissime ; d’autre part, l’union avec un afiranchi ou un esclave était nulle devant la loi romaine. Mais le pape saint Calixte n’hésita pas à reconnaître la validité de ce mariage, comme en témoignent les Philosophoumena, IX, 12, P. G., t. xvi, col. 3380. Ainsi, partout ofi elle avait accès, la religion élargis ^ait la situation de l’esclave ; sa législation à elle pénétrait dans le bloc juridique païen, comme ces plantes qui finissent par faire éclater les pierres. Les esprits changent avant même que les lois se modifient ; quel pa’ien eût parlé de l’amour d’un esclave avec cette réserve et cette délicatesse que nous trouvons dans Hermas, au début de son Pasteur ?

Les relations sont encore modifiées par le fait de la hiérarchie ecclésiastique. Que les esclaves y aient été nombreux, on le croit aisément en se rappelant le Non multi sapientes. I Cor., i, 26. Plus d’une fois, les églises domestiques » ne furent-elles pas confiées à quelqu’un des esclaves ? Onésime, le client de l’apôtre, a été évêque. Plusieurs parmi les premiers papes semblent avoir des noms d’esclaves : Évariste, Anicet. Les esclaves, souvent médecins dans les plus grandes maisons, pouvaient avec le sacerdoce rendre les plus signalés services. L’élévation au pontificat de saint Calixte est significative. L’auteur des Philosophoumena, qui l’a poursuivi de tant d’accusations, ne suscite pas la moindre difficulté relativement à la condition de Calixte qui avait été esclave et fugitif. Plus tard, Jean de Jérusalem voudra, de cette élévation d’un esclave à la cléricature, faire un reproche à saint Jérôme ; celui-ci répond ad honiincm : E servo clcricum jaclum criminntur, cum et ipse nonnullos hujuscemodi clericos habeat. Epist., i.xxxii, n. 6, P. L., t. xxii, col. 739.

Dès qu’un esclave était généreusement chrétien.