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ERREUR, EMPÊCHEMENT DE MARIAGE


du contractant. Or, toutes ces raisons trouvent également leur application à propos des empêchements dirimants de droit divin, si du moins ils sont smiplement putatifs ; car, là encore, rien ne s’oppose a ce que le contractant qui, par erreur, croit à l’existence d’un empêchement de ce genre n’émette un vrai consentement matrimonial. Aussi bien trouvons-nous a l’appui de cette doctrine une décision de la S. C. du Concile, in Sinyniensi, 9 septembre 1752, qui, au sujet d’un individu ayant contracté mariage, en pensant que sa première épouse vivait encore, alors qu’en réalité elle était déjà morte, répondit que le mariage en question était valide. Doit-on aller plus loin et admettre la possibilité d’un consentement matrimonial véritable, quoique juridiquement inefficace, même lorsque l’empêchement de droit divin existe en réalité’La question est très discutée, tout en restant d’ailleurs purement théorique, car, en pratique, les mariages contractés dans ces conditions ne peuvent bénéficier de la dispense in radice, ainsi que l’a formellement décrété le Saint-Office le 2 mars 1904. Or, en dépit de cette décision, et pour les raisons données plus haut, dont la portée est générale (voir spécialement la dccrétale citée de Boniface VIII), certams canonistes font remarquer que, même dans le cas en question, rien ne s’oppose à ce que le contractant ne donne un consentement matrimonial proprement dit, physiquement, ou mieux, psychologiquement parlant, quoique ce consentement ne puisse constituer un mariage véritable, tombant lui-même sur une matière inapte, au point de vue juridique. Pour ce qui concerne l’objection tirée du décret du Saint-Office, Gasparri, loc. cit., n. 907, observe que ce décret n’est pas absolument péremptoire, et qu’il est permis de dire que si la S. C. n’admet pas, dans l’espèce, la possibilité de revalider le mariage sans le renouvellement du consentement, par exemple, lorsqu’il s’agit d’un mariage invalide dès le principe à cause d’un empêchement de lien qui a fini ensuite par disparaître, c’est précisément à cause de la controverse des docteurs touchant la possibilité du consentement matrimonial dans le cas d’un empêchement de droit divin ; qu’en outre, même si le Saint-Office avait voulu fonder son décret sur la raison tirée de l’impossibilité d’un consentement matrimonial véritable, dans l’hypothèse, il faudrait en conclure que, sans doute, le décret lui-même serait obligatoire, mais non l’argument qui aurait pu motiver la décision des cardinaux, surtout si cet argument n’a pas été exprimé ou n’a pas été le seul invoqué.

L’empêchement d’erreur, qui rend invalide le mariage, découle du droit naturel, comme il appert clairement, car si le consentement véritable et délibéré est requis par droit naturel comme l’élément constitutif du contrat matrimonial, il s’ensuit que l’erreur qui s’oppose à son émission, est elle-même contraire au droit naturel.

Dans le droit civil français, l’erreur louchant la personne physique ou civile constitue un empêchement dirhnant et rend le mariage nul, d’une nullité relative, c’est-à-dire qui s’appuie sur le bien privé, en sorte qu’elle puisse être invoquée seulement par certaines personnes et être compensée avec le temps. « Lorsqu’il y a en erreur dans la iiersonne, le mariage ne peut être attaqué que par celui des deux époux qui a été induit en erreur. » Code civil, a. 180. Cf. Baudry-Lacanlinerie, Précis de droit civil, Paris, 1899, t. I, n..)92 sq.

II. L’empêchement d’erreur touchant i, condition sEiivii.E. — 1° Définition. — L’erreur au sujet de la condition servile se rapporte à l’erreur louchant la qualité de la |)crsonne, voir plus haut, et consiste en ce que l’une des parties, libre d’ailleurs, contracte

mariage avec l’autre partie, qu’elle croit être libre, alors qu’en réalité elle est esclave et dans une condition servile. Or, sous le nom de « condition servile » , il faut entendre l’esclavage proprement dit, où les sujets sont réputés de simples choses, mancipia, qui peuvent être vendues ou louées par leurs maîtres, forme d’esclavage très en vigueur chez les peuples anciens, par exemple, chez les Romains, mais qui n’existe plus guère aujourd’hui, à l’exception de certains pays infidèles. Aussi bien ne pourrait-on appliquer ce qualificatif aux simples serviteurs domestiques, famiili domestici, ni à ceux qui sont attachés à la glèbe, servi glebse addicli, tels qu’on les rencontrait, il y a quelques années, dans l’empire russe, et qu’on les retrouve, aujourd’hui encore, groupés autour de certaines « haciendas » mexicaines, ni même aux malheureux, servi pœnæ, qui sont condamnés à la prison perpétuelle ou aux travaux forcés. En efïet, le droit ne s’est occupé que des « esclaves » de la première catégorie à propos du mariage.

Histoire.

Dans le droit hébraïque, la condition

servile ne constituait pas un empêchement de mariage, et les esclaves hébreux pouvaient licitement et validement contracter soit entre eux, soit même avec des hébreux qui étaient libres. Bien plus, si le maître donnait sa fdle en mariage à l’esclave, ou bien s’il permettait à son esclave de contracter avec une personne libre, il le délivrait lui-même par le fait même. Dans le droit romain d’avant Jusiinien, on ne reconnaissait aucun mariage légitime d’esclaves, ni même le concubinatus ; seul était admise l’union dite contnbcrnium, qui restait d’ailleurs tout entière soumise à la volonté du maître. En outre, les unions des ùji/enui de quelque condition avec les esclaves étaient proscrites par des lois sévères. Dans le droit des Germains, l’esclave ne jouissait pas de la personnalité juridique, il était même réputé une simple chose, mancipium, en sorte qu’aucun mariage légitime ne pouvait avohlieu entre un esclave et une personne libre. Toutefois les lois des Germains admettaient une certaine union naturelle des esclaves entre eux, litenj, aldionem. h’oncicn droit ecclésiastique travailla peu à peu à extirper la plaie sociale de l’esclavage, et à rétablir les principes fondamentaux du droit naturel. Déjà, en elTet, au iirsiècle, le pape saint Galixte déclara formellement la validité et la licéité du mariage des matrones avec les esclaves, nonobstant les dispositions du droit impérial. Cependant, jusqu’au viiie siècle, l’Église, par prudence, réclama le consentement du maître pour que le mariage des esclaves filt valide. Enfin, au xif siècle, le pape Adrien IV décréta que les esclaves pouvaient licitement et validement contracter mariage, même à l’insu et contre le gré de leurs maîtres, tout en n’étant point pour cela émancipés de la servitude : Jnter servos non debent matrimnnia mullatenus prohiberi. EIsi donunis contradicmlibus et invilis contracta fucrint nulla ralione proptcr hoc sunt ccclesiastico jitdicio dissolvendu. Débita tnmen consueta officia .icrvilia non ex hoc minus sunt propriis dominis cvhi’benda, I. IV, tit. De conjut/io.scrvorum, c. i. De là, une seule exception fut retenue des dispositions du droit civil à propos du mariage des esclaves, à savoir : le cas d’erreur chez la partie libre touchant la condition servile de l’autre partie contractante : non ncgatur ingenuam passe nuhere servo, scd dicitur quod m nescitùr esse scrvilis conditionis, libère potest diniilti, cum servitus ejus fueril deprehensa. Décret de Gratien, caus. XXIX, q. n. Cf. Giraldi, Exposilio juris pontificii, Rome, 1830, part. I, sect. 700.

30 L’empêchement matrimonial. — L’erreur touchant la condition servile constitue un empêchement matrimonial dirimant, ainsi qu’il ressort du en, Proposuit, du Ut. IX, De conjugio servornm, 1. IV des Décré-