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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE

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l’Église papale a innové par la suite, en admettant arbitrairement que la consécration des oblations sacrées a lieu au moment où sont prononcées les paroles du Seigneur : Prenez et mangez, ceci est mon corps ; Buvez-en tous, ceci csl mon sang. » Dans’E/x), /)fftauTixYi’Alrfieix, Constantinople, 1895, t. xv, p. 244, n. X.

40 Persislemce de la doctrine catholique en Orient et en Russie. — 1. Dans V Église grecque orthodoxe. — Cependant, en dépit de la clarté de ces documents officiels, la théorie de Cabasilas et de Marc d’Éplièse était loin d’être encore universellement reçue chez les grecs au xviie siècle. Outre un certain nombre d’auteurs dont on pourrait citer des témoignages favorables à la doctrine catholique, plusieurs des réponses, officielles aussi, provoquées par le marquis de Nointel, par M. de Lilienthal ou d’autres personnages au sujet de la croyance eucharistique des Orientaux à opposer aux protestants, se prononcent sans arrière-pensée pour la consécration par les paroles du Christ. Pour ne venir qu’incidemment au cours des formules visant directement la foi à la transsubstantiation, ces attestations n’en sont pas moins intéressantes ni moins importantes. En attendant qu’elles soient publiées dans le supplément de la collection Mansi, on trouvera ces pièces, au moins en traduction, dans la Perpétuité de la foi, édit. Migne, à la fin des t. i et n. Bornons-nous à signaler ici : la profession de foi de Paisios Ligaridès, métropolite de Gaza, du 8 novembre 1666, op. cit., t. i, col. 1211, 1212 ; celle du synode de Chypre (avril 1668), ibid., ccl. 1241 ; celles du patriarche grec d’Antioche, Macaire, du 20 octobre 1671, t. ii, col. 1236, et de son successeur Néophyte, du 3 mai 1673. 7ftiV/., col. 1249. 2. Dans l’Église russe.

L’Église russe, qui aujourd’hui admet la doctrine de la consécration par l’épiclèse, ne s’y est rangée qu’à une époque relativement récente et non sans de vives discussions. La métropole de Kiev, la mère de toutes les Églises russes, a professé jusqu’au xviiie siècle la croyance catholique et enseigné que les paroles de l’institution constituent la véritable forme de l’eucharistie. Cette assertion repose sur de nombreuses attestations des livres liturgiques, des divers traités dogmatiques ou polémiques, des catéchismes et autres documents de ce genre jusqu’à l’époque indiquée.

.ux conférences de Jassy (1642), il y eut de longues discussions entre Kiéviens et Grecs au sujet de l’épiclèse : les premiers soutenant la doctrine catholique ; les seconds, représentés surtout par le célèbre théologien Mélèce Syrigos, la théorie de Cabasilas et de Marc d’Éphèse. A la fin, pour ne pas compromettre l’approbation du livre de Moghila qu’ils allaient expédier au patriarcat recuincnique, les Russes firent semblant d’admettre les arguments de leurs adversaires. » J. Pargoiré, Mélétios Syrigos, sa vie et ses œuvres, dans les Échos d’Orient, 1909, t. xii, p. 25. Ce livre, qui n’est autre que la Confession de Pierre Moghila, contenait la doctrine catiiolique de consécration. C’est Mélèce Syrigos qui, dans la traduction grecque qu’il en fit, modifia ce passage dans le sens de l’opinion contraire. Moghila et les Kiéviens n’en continuèrent pas moins à croire et à enseigner que In consécration était opérée par les paroles de.Jésus-Christ. La preuve en est, entre autres, dans l’édition du Petit catéchisme de Moghila, parue en 1615 ; dans un ouvrage d’Innocent Ghisel. son disciple, intitulé : Miri ce liogom tchéloviékon {La paix del’homme avec Dieu), Kiev, 1644, p. 114-120 ; dans le Vi/klad de l’higoumènc Théodosc Saphonovitch, 1667-1668, etc. Plusieurs des livres liturgiques, édités par Moghila, mettent plei nement en relief cette doctrine ; et ils ont été imités en cela par un certain nombre d’éditions postérieures, même après la condamnation de l’opinion catholique par le patriarche moscovite en 1690. Cf. Charon, Le XV^ centenaire de S. Jean Chrysostome, p. 231, note 1 ; Auner et Bocian, dans les Chrysostomika, Rome, 1907, p. 766-767, 931-933.

La même croyance était aussi professée à Moscou. Déjà admise auparavant d’une manière implicite, en tant que contenue dans les livres liturgiques, elle y devint, surtout au xvii’e siècle, gi’âce à l’influence des théologiens de Kiev venus s’établir à Moscou, l’objet d’un enseignement formel. Les plus célèbres de ces théologiens sont Siméon Polostkii et Sylvîstre Medviédev († 1691). L’un et l’autre, ainsi que l’higoumène Innocent Monastyrslcii, du couvent de Saint-Cyrille à Kiev, et Dimitri Tuptalo, plus tard métropolite de Rostov, sc firent les défenseurs de cette doctrine au cours des discussions très vives qui s’élevèrent sur ce point vers la fin du xviie siècle.

Quelle fut l’origine de ces discussions ? Peut-être les corrections faites aux livres liturgiques par le patriarche Nicon († 1681) : car on sait que les ras_ kolniks ou Starovières (vieux-croyants), qui se sépa rèrent àcetteoccasion de l’Égliseofficielle, défendirent, eux aussi, la doctrine catholique comme appartenant à l’ancienne foi. Le Scrijal (Loi) de Nicon se prononce, au contraire, pour la théorie orthodoxe. Les fidèles, d’ailleurs, prenaient eux-mêmes parti dans le débat et tenaient pour les coutumes établies dans les églises de Moscou et de Kiev : inclination de tête, bénédiction, adoration, sonnerie des cloches, au moment des paroles de Jésus-Christ considérées comme consécratoires. Voir L. Baurain, Notes de théologie russe, dans la Revue augustiniennc, 1906, t. IX, p. 85-89. « Les hommes, les femmes et les enfants, dit un chroniqueur, partout, n’importe où, dans les dîners, dans les cérémonies, à temps et à contretemps, discutaient sur le mystère des mystères. .., comment sont transformés le pain et le vinà quel moment et par quelles paroles. > Mihikof, Olcherki po islorii rousskoi koultoury, IP partie, p. 165. Cf. Troudy (Travaux) de l’Académie ecclésiastique de Kiev, 1908, p. 11-13.

Ce qui contripua à augmenter l’acuité de la querelle, c’est que celle-ci n’était en réalité qu’un épisode de la lutte entre les deux civilisations qui alors se disputaient la Russie : la civilisation occidentale et la civilisation byzantine. Dans l’espèce, les partisans de la première défendaient la doctrine catholique de la consécration, ceux de la seconde se rail iaient à la théorie de l’épiclèse qui tendait de plus en plus à dominer dans l’Église byzantine. Voir G. Mirkovitch, O vriemeni precychlchestvlenia sv. darov (Du moment de la consécration des ablations saintes), Vilna, 1886, qui a bien montré cet aspect spécial de l’antagonisnie entre les deux écoles.

La controverse s’aviva lors<|ue, le 6 mars 1685, arrivèrent à Moscou deux moines grecs, les deux frères Likhoudès, Joannice et Sophrone, envoyés comme professeurs par Dositiiée de Jérusalem, sur la demande du patriarche moscovite Joachim. Les seuls titres de quelques-uns des ouvrages d’attaque et de riposte donneront une idée de l’àprcté que prit alors la polémique. Les Likhoudès. aprés avoir commencé par fournir des armes au moine lùilhyme qui déjà bataillait contre Medviédev, lancèrent l’Akos on cure opposée à la morsure des serpents venimeux. Ils s’attirèrent la réponse intitulée : Moyen sommaire de faire cesser l’aboiement furieux contre la sainte Kglise orientale. Les deux (irecs ripostèrent par la Démonstration de la vérité ou réponse an furieu.t aboiement et par le Dialogue d’un professeur grec avec un jésuite