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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


nier point. Ni l’un ni l’autre des deux agents principaux du schisme oriental, ni Photius ni Michel Cérulaire ne songea à signaler cette doctrine comme divergence entre les deux Églises. Hergenrœther, Photius, t. III, p. 601, 769.

D’ailleurs, une fois terminée ou simplement hors de perspective la polémique antiiconoclaste, l’argument de l’antitype suspend, pour ainsi dire, son influence, et le sens de la véritable tradition patristitîue réapparaît. Cf. Orsi, op. cit., p. 28, 83 sq. De cette réapparition il ne serait pas impossible de retrouver des vestiges jusque dans les auteurs iconophiles précédemment cités, sauf à souligner, dans cette sorte de contradiction inconsciente, l’inconscience même de la déviation infligée par eux à l’enseignement autlientique des anciens. Tel Euthyme 71gabénos aflirmant, par exemple, que « c’est le Verbe qui opère la consécration par une opération iiieffablc. P. G., t. cxxix, col. 668.

Au surplus, outre que nombre d’auteurs byzantins se contentent d’attribuer la transsubstantiation au Saint-Esprit, sans dire si elle s’opère au prononcé des paroles de l’institution ou à l’épiclèse, on trouverait facilement plusieurs textes où cette attribution ne laisse pas d’aller de pair, comme chez le ; anciens docteurs, avec la croyance à l’efficacité des paroles du Clirist. Tel est, par exemple, le passage suivant de la Vie du moine Arsène, d’après la recension de Siméon Métaphraste (xe siècle) : « Quoique ce ffit auparavant du pain et du viii, ils sont cliangés au corps même et au sang du Christ par l’invocation <les prières et par la formule sacrée, le Saint-Esprit descendant sur eux : en sorte que c’est la chair, le sang du Seigneur que nous recevons. C’est pour cette raison, ajoutent les vieillards (qui parlaient au moine tenté contre la foi), que le prCtre s’écrie, conformément à la parole du Christ noire Di u dont il revêt la personnalité ; Ceci est mon corps, ceci est mon sang. » Tsereteli, Jiliéjié vo sviatikh olsa nachégo Arsinia Véiikago ( Vie de saint Arsène le Grand, d’après trois manuscrits grecs de la bibliothèque sy-Jiodale de Moscou), Saint-Pétersbourg, 1899, p. 18-19.

Cette affirmation que les paroles de l’institution sont dites par le prêtre in persona Christi, se retrouve dans le traité liturgique de Théodore d’Andéda (xi"xiie siècle), en déi>it des explications quelque peu embarrassées que cet auteur donne de l’épiclèse : ’Quant à ce que le prêtre dit : Prenez et mangez, ceci est mon corps, ne le dit-il pas comme de la part du Christ lui-même ? » P. G., t. cxl, col. 456, cf. col. 417, 418.

UnealTirmation identique du sacerdoce du Christ et de l’efficacité de ses paroles, est répétée à plusieurs reprises dansle commentaire liturgique comiu sous le nom de saint Germain. P. G., t. xcviii, col. 388-389, 433, 436-437. On y trouve même, très clairement « xprimée, la conciliation de l’action du Christ avec <’elle du Saint-Esprit, ce qui constitue, nous l’avons dit, la résultante dernière de la tradition patristique et la véritable solution catliolique du problème de l’épiclèse : le Christ est le prêtre du sacrifice ; la vertu (le son sacerdoce, c’est le Saint-Esprit. Ibid., col. 433. Voir M. Jugic, De sensu epicleseos juxla Gcrnianum Constantinopolilanum, dans Slavorum lillerae theo-Jogicæ, 1908, t. iv, p. 38.5-391.

Jean Phournès, moine grec du xiie siècle, appartenant au groupe des théologiens antilatins, nous fournit, dans une lettre au sujet des changements survenus dans les rites et spécialement dans ceux de la communion (lettre éditée par Allatius), un témoignage intéressant dont la signification naturelle est qu’il voit ddns les paroles de l’institution la forme essentielle de l’eucharistie. Pour faire entendre que

les prières actuelles de la messe sont le résultat d’une certaine évolution liturgique, il dit : « Quant au pain eucharistique, nous voyons les apôtres le consacrer au simple prononcé de ces paroles : « Ceci « est le corps de Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui est i( rompu pour vous en rémission des péchés, « selon ce qu’ils avaient appris du Maître ; et donc, sans toute la série des rites sacrés qui s’accomplissent maintenant régulièrement, composés de l’évocation des oracles propliétiques, des prédications apostoliques et évangéliques, des oraisons qui précèdent et qui suivent. » Allatius, De Ecclesiee occidentalis et orient, perp. consens., 1. III, c. xiii, n. 7, Cologne, 16-18, col. 1155-1150, 1159.

2. C/iez fes syriens. — Outre ces témoignages d’auteurs byzantins, qu’une recherche méthodique pourrait sans doute multiplier encore, il faut noter que l’Église syrienne ne paraît pas avoir subi l’influence de saint Jean Damascène relativement à la conclusion tirée par lui de l’emploi liturgique du mot antitype. Nous voyons, en effet, Jean de Dara, évêque monophysite du ix’e siècle, déclarer sans ambages que les paroles consécratoires du corps et du sang du Christ, ce sont les paroles rapportées par les évangélistes et par saint Paul : « Ceci est mon corps, ceci est le calice de mon sang. » Comment, in c. il ceci, hierarch. S. Dionysii, dans Pctrus Benedictus, ^4/ ! lirrhelicon alteruni…, c. xi, à la fin des Opéra syriaia S. Ephrem, t. ii, p. 48. Cf. Lainy, Dissertalio de Syrorum fide et disciplina in re eucharistica, Louvain, 1859. p. 36.

De même Denys Bar Salibi, métropolite jacobite d’Amida († 1171), affirme avec insistance que le prêtre, à l’autel, représente le Christ, sacerdotem loco Clirisli esse, spécialement lorsqu’il prononce en son nom les mots : « Ceci est mon corps » : Porro nolum est eum loco Christi esse e.v illo : Hoc est enim corpus meum. Cette répétition des paroles du Christ par le prêtre montre que c’est encore le Christ qui consacre à l’autel, comme autrefois à la cène… Proferl eliam ea verba quse dixit Dominas nosler in cenaculo quando mysterium confecil ; ut per verha illa manifestel tune quoqnc ab ipso Chrixlo species sanctificari qux ponuntur super altare per voluntatem Patris et operationem Spirilus ope sacerdotis qui formai cruces et verba proferl. Non cnim qui ministral, sed qui invocatur super mysleria est consecrator. Cette plirase me paraît une excellente formule de solution catholique pour la question de l’épiclèse et de la consécration. Aussi bien, lorsqu’il en vient au commentaire de l’épiclèse, Denys Bar Salibi secontente-t-il de demander « pourquoi le Siint Esprit descend sur le pain et le viii, alors que le Fils est déjà venu » les consacrer. La réponse qu’il y fait est influencée par sa doctrine cliristologique.car elle n’est autre que l’analogie entre les deux mystères de l’incarnation et de la transsubstantiation, et nous n’avons pas à y insister ici. Mais sa pensée sur le moment de la consécration, qui est celui où le prêtre prononce les paroles du Christ, ne saurait faire de doute. Expositio lilurgiiv, c. vi. viii, X, XIV, édit..J. Labourt, dans le Corpus scriplorunt clirislianorum orienlatiurn, de, I.-R. Ciiabot (Scriplores Syri, 2° série, t. xciii), Paris, 1903, p. 52, 61, 73, 80, 82. Sur l’importance extrCine du témoignage de Denys Bar Salibi au point de vue de la tradition syriaque, voir Orsi, op. cit., p. 17, 23 sq.

Citons enfin libedjésu Bar Berika, un des derniers écrivains de la littérature syriaque nestorienne († 1318), métropolitain de Nisibe, d’où le nom de Ebedjesus Sobensis qu’on lui donne parfois, Soba désignant cette ville. I- ; n exposant la doctrine eucharistique, cet auteur rappelle les paroles que le prêtre répète à l’autel : « Ceci est mon corps, ceci est mon