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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


en même temps la profondeur Iheologique de la pensée des Pères sur ce sujet ; « Quand donc la sainte Église, qui est le corps du Christ, pourrait-elle avec plus de raison demander la venue du Saint-Esprit, que pour consacrer le sacrifice du corps du Christ, elle qui sait que son chef est né [par l’opération] du Saint-Esprit V » Quando autem congriienlius qiiam ad consecrandum sacrificium corporis Clirisli sanda Ecclesia {quse est corpus Clirisii) Spiritiis Sancti deposcal adventum, quæ ipsum caput suuin secundum carnein de Spiritu Sanclo noveril naturn ? Sic cnini aiif/elico Maria informatiir eloquio : Spiriliis Samius superveniei in te, et virtiis Altissimi obumbiahit tibi. Ibid., II, ix, X, XI et XII, col. 188. Cf. Lib. VIII contra Fabianiim. fragm. xxvin et xxix, ibid., col. 789-791, 795. Voir Orsi, op. cit., p. 122-125 ; Hoppe, op. cit., p. 36-40.

L'écrivain du viirsiècle Paul ^^'arnefrid, connu sous le nom de Paul Diacre, nous a laissé une Vita de saint Grégoire le Grand (f C04), où il met sur les lèvres de ce pape les paroles suivantes : Præsciiis conditor noster infirmitutis nostræ ea potestatc, qiiu cuncta fecit ex nihilo et corpus sibi ex carne semper Virginis, opérante Sanclo Spiritu, fabricavit, panent et vinum aqua mixtuni, manenle propria specie, in carnem etsanguinem suum ad v.muoucam precem ob reparalionem nostram Spiritus sut sancti ficcitione convertit. Vita Grey. pupæ, c. xxiii, P. L., t. lxxv, col. 53. Comparer ce passage avec ceux des œuvres de saint Grégoire où il est fait allusion au canon de la messe et au moment de la consécration. Citons sa lettre à Jean de Sracusc : Orutionem vero dominicam idcirco mox posr p/iEiE.M dicimus, quia mos aposiolorum fuit ut ad ipsam solummodo oralionem oblatiunis hostiam consecrarent ; et valde niilti inconveniens visum est ut PftECEM quam scholasticus composuerat super oblalionem diceremus. et ipsam traditioneni quam redemplor noster composait, super e/us corpus et sa/îguinem non diceremus. Epist., . IX, epist. xii(xxvi), ad Joannem Syracus., P. L., t. lxxvii, col. 956-957. On a beaucoup discuté sur le sens précis de ce texte. Il nous suffit de dire ici, pour ne pas laisser le 'lecteur en suspens, qu’il faut probablement voir dans le changement liturgique ici relaté l’inlerposition du Pater et de son enibolisme entre la doxologie de l'épiclèse ou fin du canon proprement dit (mox /)o.s7 precem) et le rite de la fraction. Cagiii, Te Deum ou illalio, p. 218 ; Patcograplue musicale. 1896, t. v, p. 80. Pour motiver ce changement, outre l’origine divine de l’oraison dominicale, le saint pontife donne cette autre raison : que l’usage des apôtres était ut ad ipsam solummodo orationem oblationem hostiam consecrarent. Il veut sans doute faire entendre parla que les apôtres n’ajoutaient que le Pater à la formule consccratoirc proprement dite, les prières ef les rites du canon étant encore à l'état rudimentaire. Voir Orsi, op. cit., p.4042. Dans les Dialogues, saint Grégoire fait allusion à l’instant de la consécration, sans déterminer quel est, au juste, cet instant, dans la célébration du sacrlflce : Quis enini ftdclium haberc dubium possil /.v IPSA IMMOLA ri’iMs uoiiA (id succrdotis voceni cielos aperiri, in illo.Jesu Clnisti myslerio angrloruni ctwras adessc, summis ima sociari, terrena aelestibus l’ungi, unumquc ex visibilibus atquc inuisibilibus fleri ? Dial., 1. IV. c. lvjii, P. I… 1. i.xxvii. col. 42."), 428..Malgré cette indétermination, la pensée du grand pape au sujet de la vertu consécratoire des paroles de l’institution ne peut pas faire de doute après les attestations précédentes ; et il est pcut-êlre permis d’y voir une allusion dans l’expression ad succrdotis vocem. La phrase que lui prêle Paul Diacre n’a rien que de très naturel, étant complètement dans la ligne de la tradition.

Saint Isidore de Séville parle à plusieurs reprises de

l’opération eucharistique du Saint-Esprit. Essentiellement traditionnel, lui aussi, dans son enseignement, il reprend à son compte, sauf quelques légères variantes, les termes mêmes de saint Augustin, Z)e Trinil., III, IV, 10, cités plus hautj Sacrificium dictum quasi sacrum factum, quia prece mijslica consecratur in memoriam pro nobis dominiae passionis, unde hoc eo fubente corpus Christi et sangainem dicimus, quod, dum silex fructi bus terræ, SAXcriFicATcn et fit SACRAMEy TVM, OPERANTE INVI^IBILITER SPIPITU DEI. Elymol.,

VI, 19, p. L., t. Lxxxii, col. 255. Pareille affirmation se retrouve dans le De eccl. offlciis, 1. I, c. xviii, n. 4 : Hœc autem (panis et l’inum) dum sunt visibilia, sancti ficala lamen prr Spiriluni Sunctnm, in sacramentum corporis Domini Iranseunt. P. L., t. lxxxiii, col. 755. Et au c. XV du même livre, la même attestation se présente, en relation directe avec le texte officiel du canon de la messe. Le docteur espagnol décompose tout l’ensemble de la liturgie eucharistique en sept pièces principales, à chacune desquelles il donne le nom d’oralio. C’est à partir de la cinquième qu’on entre dans le canon. Quinlu deinde (oralio) infcrtur illalio (c’est la dénomination spéciale, correspondante au grec àvaçopâ, réservée en Espagne à cette partie centrale de la messe) ix SAXcnricATio.yE orlatiom^, in qua eliam et ad Dei laudem lerrestrium creaturarum virtutumquecselestiumuniversilas provocatur et Ilosanna in excclsis canlatur, quod Scdvatore de génère David nascenle salus mundo usque ad cxcclsa pervenerit. L.'illalio in sancti flcatione oblalionis ne désigne évidemment pas, d’après le contexte, l’instant précis de la consécration, mais seulement la formule qui lui sert de prélude, c’est-à-dire la préface et le Sanclus. Voici, d’ailleurs, immédiatement après la phrase qu’on vient de lire, plus de précision : Porro se.vla (oralio) exhinc succedit coxformatio sacramexti, ul oblatio quse Deo offertur, saxctifica ta per spiritum saxctum, . niRisri roRPORi Ac SAXGiixi coxFORMETCR. Pour mieux déterminer ce que vise cette sixième formule décorée du titre de confornmlio sacramenti, je transcris encore les lignes qui suivent immédiatement et qui nous fourniront d’ailleurs une nouvelle affirmation du rôle consécrateur de l’Esprit-Saint : Ilarum (c’est-à-dire de ces sept oraisons) ullima est oralio qua Dominas noster discipulos suos orare insliluil dicens : Pater noster… II œc sunt autem septem sacriflcii oraliones commendalacvangelica aposlolicaquc doclrina, cujus numeri institula ratio videtur vel propler seplenariam sanctic Ecclesitv universitatem, vel propter septiformem yraliæ Spiritum ci’JUS co.vo ea Qv.e ixfervxtvr saxVTIFKAXTVR. Ibid., col. 752-753.

C’est donc entre le Sanclus et le Pater que prend lilace ce que saint Isidore appelle la conformalio sacramenti qui a pour effet, grâce à la sanctification opérée par le Saint-Esprit, de « conformer l’oblation au corps et au sang du Christ. > Le langage de saint Isidore présente un parallélisme frappant avec celui que nous avons vu tenir, au iv » siècle, par saint Cyrille de Jérusalem. Pour l’un comme pour l’autre, du moins à s’en tenir aux textes ici visés, le temps de la consécration va du Sanclus jusqu'à la fin de l'épiclèse, c’est-à-dire jusqu’au Paler. La différcnce^est seulement dans les noms donnés à cette partie auguste du sacrifice : pour le catéchète de Jérusalem, c’est « l’invocation de la sainte Trinité » ou encore " l’invocation du Saint-Esprit » ; pour le docteur de Sévillf. c’est la conformalio sacramenti. Mais de part et d’autre, la vertu consccratoirc du’Saint-Esprit est on ne peut plus nettement marquée. Sans insister ici sur ce rapprochement, il était nécessaire de le signaler : son extrême importance pour la solution théoIogique de la question de l'épiclèse n'échappera à personne.