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KPICLÈSE EUCHARISTIQUE


n’a rien d’oiiposé à la tloclrine catiioliquc de la consécration par les »arole.s du Sauveur et ne peut pas être apporté comme preuve d’un double courant traditionnel, l’un favorable à ces paroles, l’autre à l’éplclèse. Le fait de ne pas signaler le récit de l’institution, qui existait certainement dans la liturgie commentée par saint Cyrille, invile naturellement à penser qu’il est compris dans la prière consécratoire visée ici par le catéchète. Et cette interprétation se trouve confirmée par un passage parallèle, où la transsubstantiation est attribuée à « l’invocation de la sainte et adorable Trinité, » âTrtxXoCTt ; tt, ç ây-a ; xal npoo-xyvriTviç TpiâSo ;, Cal., xix, n. 7, col. 1072 ; tandis qu’en un autre endroit encore elle est attribuée à « l’invocation du Saint-Esprit, » èTtix/riTiç toO âyto-j HveûfiaToc, ce qui ne signifie pas exclusivement l’épiclèsc au sens actuel du mot. Cal., xxi, 3. col. 1089-1092. Saint Cyrille n’entend pas fixer le moment précis du mystère à l’épiclèsc proprement dite. Il ne semble même pas se poser la question de ce moment précis. Pour lui, le temps de la consécration va du Sancliis à la fin de l’épiclèse, et toute cette partie centrale de l’anaphore répond au nom général d’« invocation de la sainte Trinité » ou d’« invocation du Saint-Esprit » . Cf. Orsi, op. cit., p. 8-12, 65-G6. Des termes identiques ou analogues sont d’ailleurs employés par le catécbète hiérosolymitain au sujet des autres sacrements, spécialement du baptême et de la confirmation, ce qui est un motif de plus de refusera ces expressions la portée exclusive que certains auteurs voudraient leur donner.

C’est, du reste, une remarque générale à appliquer à la plupart des écrivains ecclésiastiques que nous venons de citer : le Saint-Esprit est considéré par eux comme le ministre principal des sacrements, étant le sanctificateur par excellence. Mais le Christ n’est certainement pas exclu, pour autant, du droit au même titre. Ici encore, saint Jean Chrysostome témoignerait, au besoin, pour tous les autres. 11 attribue, d’une manière générale, au Saint-Esprit l’efficacité des sacrements, tout comme saint Cyrille de Jérusalem et maints autres Pères ; voir, par exemple, outre les références indiquées au sujet de la consécration eucharistique : pour le baptême, In Joa., honiil. XVII, 3, P. G., t. lix, col. 111 ; pour la confirmation. In Joa., homil. xiv, 2, col. 93 ; pour l’ordination sacerdotale, IJe resuir. mort., 8, P. G., t. l, col. 432. Toutefois il n’en affirme pas moins, en termes clairs, que Jésus-Christ est le ministre principal des sacrements. Voir notamment In Malth., homil. l, 3, t. Lviii, col. 507.

Un siècle après saint Cyrille, un prêtre de Jérusalem, Hésychius (f après 451), en admettant, avec Tillemont, Mémoires pour servir à l’hisloire ecclésiastique, Paris, 1709, t. xiv, p. 227-232, 744-745, l’authenticité du commentaire sur le Lévitique qui nous est parvenu, en latin seulement, sous son nom, attribue expressément, en plusieurs passages, la consécration eucharistique an sacerdoce du Christ et à ses paroles. P. G., t. xciii, col. 886, 1071-1072, 1085.

Si, parmi les écrivains des sectes non catholiques, il en est peut-être, comme le nestorienNarsèsdeNisibe {t502), qui paraissent à certains endroits reporter sur l’épiclèse toute l’activité consécratrice, ils ont ailleurs des textes presque aussi formels que les précédents sur le sacerdoce de Jésus-Christ et la vertu des paroles de l’institution. Pour Narsès, voir Homil., XVII, Expos, mijster. ; Homil., xxi. De mystcr. Eccl. cl de haptismo ; Homil., xxxii, De eccl. et saccrdotio, Connolly, The lilurgical Ilomilies of Xarsai, dans Te.tts and Sludies, Cambridge, 1909, t. viii, l, p. 2123, 58, 63 sq. Selon la juste remarque faite par Orsi,

on peut dire de ces écrivains non catholiques, plus encore que de quelques anciens Pères : Quamquam quibus in rehus nul verbis conslilula sit sacramentorum subslanlia, subinde non obscuris verbis déclarent, aliquundo tamen tiberius et minus adcurale loquuntur. Op. cit., p. 147. Cf. p. 148-149.

Néanmoins, la tradition attestée par saint Jean Chrysostome en laveur des paroles de l’institution se maintient très ferme, en même temps que l’attribution au Saint-Esprit, dans les principaux représentants, même monophysites, de l’Église syrienne. Citons, entre autres, Jacques de Saroug († 521), d’après Benoît Ambarach, Anlirrheticum secundum adv. R. P. Lebrunum et E. Renaudolium, à la suite des Opéra sijriaca S. Ephrœmi, t. ii, p. 31, 46 ; Jacques d’Édesse (t708), qui déclare que le prêtre prononce les paroles du Sauveur quasi ex are Domini, Mai, Script, vet. nova collectio, t. x b. p. 26 ; et surtout Sévère d’Antioche († 538), dont le témoignage est peut-être plus formel et plus explicite encore que celui de saint Jean Chrysostome : « Dans la célébration de l’eucharistie, ce n’est pas le ministre qui, usant comme d’une puissance qui lui appartiendrait en propre, transforme le pain en le corps du Christ et la coupe de bénédiction en son sang ; mais c’est la vertu divine et efficace des paroles que le Christ, auteur du sacrement, a commandé de prononcer sur les éléments offerts. Le prêtre qui se tient à l’autel n’y remplit que la fonction d’un simple ministre. Prononçant les paroles comme en la personne du Christ, et reportant l’action qu’il accomplit au temps où le Sauveur institua le sacrifice en présence de ses disciples, il dit sur le pain : Ceci est mon corps, qui est donné pour vous ; faites ceci en mémoire de moi. Sur le calice il prononce ces mots : Ce calice est le Nouveau Testament en mon sang qui est répandu pour vous. Ainsi donc, c’est le Christ qui continue à oflrir le sacrifice, et la puissance de ses divines paroles sanctifie les éléments qui sont apportés pour être transformés en son corps et en son sang. » E. Brooks, The sixt Book of the selecl Lelters of Severus, patriarch of Anlioch, Londres, 1904, t. ii, p. 237-238.

A cette série de témoignages formels en faveur de l’effîcacité consécratoire des paroles de l’institution, il faut rattacher celui qu’un auteur du vii*e siècle, Jean le Sabaite, nous a laissé dans la Vie de Barlaam et Joasaph. Après avoir rappelé le récit évangélique de la cène avec les paroles du Sauveur, cet écrivain ajoute : " C’est donc la parole même de Dieu, vivante et efficace, et accomplissant toutes choses par sa puissance, qui, transformant par la divine vertu les oblations du pain et du viii, en fait le corps et le sang du Christ, par la descente du Saint-Esprit, jjour la sanctification et l’illumination de ceux qui communient avec ferveur. » Vita Barl. et Joasaph., c. xix, P. G., t. xcvi, col. 1032. Retenons cette courte phrase : elle sera, au demeurant, l’une des formules les plus compréliensives fournies par la tradition pour l’explication de l’épiclèse.

Des textes aussi clairs et aussi catégoriques, sous la plume d’écrivains aussi représentatifs que ceux que nous avons signalés, nous paraissent trancher la question historique touchant la tradition orien taie de la grande époque patristique.

b) En Occident. — Pour l’Occident, la chose est plus aisée encore. Saint Ambroise affirme expressément que ce sont les paroles du Christ qui opèrent la consécration : Quid dicimus de ipsa consecratione divina, ubi verba ipsa Domini Salvatoris operantur ? Xam sacramentum islud quod accipis, Christi sermone conficitur… Ipse clamai Dominus Jésus : Hoc est corpus mcum. Anle benedictionem verborum cselestium (dia nominatur, posl consecralionem corpus