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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


consacré en prononçant ces paroles : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang. » Cependant il n’y a à ce sujet aucune définition de foi, et plusieurs auteurs tant anciens que modernes ont attribué à ces paroles une simple valeur déclarative : le Sauveur, avant de les proférer, aurait déjà opéré le changement miraculeux par un geste de bénédiction ou par une for mule qui ne nous a pas été transmise.

Disons dès maintenant que tout favorise l’opinion commune, tant dans les écrits du Nouveau Testament que dans les documents patristiques ou conciliaires. Et Suarez déclare avec raison que l’opinion contraire mériterait, à tout le moins, la note de témérité. Disp. LVIII, sect. I, n. 4.

1 ° Les récits de l’institution. — Toutefois, pour nous faire une opinion motivée sur ce point, nous allons examiner les divers récits de l’institution de l’eucharistie. Ils sont au nombre de quatre, fournis les trois premiers par les Évangiles synoptiques, le quatrième par la P" Épître de saint Paul aux Corinthiens.

Voici ces quatre relations. C’est à dessein que l’on a donné à la traduction un caractère très littéral, do manière à reproduire aussi fidèlement que possible la phj’sionomie du texte grec original ; on ne citera de ce dernier que les mots nécessaires pour la discussion.

version assez notables au sujet’des paroles que Jésus prononça sur le calice.

La première anomalie est celle que présente saint Marc, qui, à rencontre des trois autres narrateurs, place la participation des convives à la coupe avant la formule même de la seconde consécration : « Il leur donna la coupe et ils en burent tons ; et il leur dit : Ceci est mon sang, [le sang] de l’alliance, répandu pour beaucoup. » La seconde consiste dans la place, différente chez les deux premiers synoptiques et chez le troisième, qu’occupe la déclaration eschatologique du Christ : « Je ne boirai plus du produit de la vigne jusqu’à ce que le royaume des cieux soit venu. «  Saint Luc rapporte cette parole à une première coupe, au début du repas ; saint Matthieu et saint Marc ne la signalent qu’après la consécration du calice. De part et d’autre, une question se pose : la première coupe de saint Luc est-elle eucharistique ? Ce verset eschatologique est-il, dans saint Matthieu et saint Marc, à sa place normale ?

La première anomalie, celle qui concerne l’anticipation narrative de saint Marc, a depuis longtemps reçu une explication naturelle. La petite phrase du deuxième Évangile : « et ils en burent tous, » doit être considérée comme « une parenthèse, amenée par le rapprochement naturel des idées entre la prc—

MaUh., XXVI, 20, 2fi-29.

20. Le soir venu, .lésus était ùtablo avec les doiizedisciples. (Suit l’annonce de la trahison de Judas, 21-2.").)

26. Pendant qu’ils mangeaient, .lésus, prenant (’a'/Sù-, ) du pain et [ ! e] bénis.sant (=JX’, , -/, Tc< ;)> [le] rompit et le donnant (Soj :) aux disciples, dit : Prenez, mangez, ceci est mon corps. 27. Et prenant (/.aC, ;, , ) une coupe et rendant grâces (sjIII. fi’jT/.ira ;), il la leur donna en disant (" ;, !  ; (.>.) : « Buvez-en tous,

28. car ceci est mon sang, [le sang] de l’alliance, qui est répandu pour beaucoup en rémission des péchés.

29..le vous le dis, je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne, jusqu’au jour ou je le boirai avec vous, nouveau, dans le royaume de mon Père. »

ilarc, XIV, 17, 2-2-2.-..

17. Le soir venu, .lésus vient avec les douze. (Suit l’annonce de la trahison de.hidas, au cours du repas, 18-21.)

22. Pendant qu’ils mangeaient, prenant (>. « e..’.v) du pain, fie] bénissant (i ! iloir, noiq), il [le] rompit et le leur donna et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » 23. Et prenant (Vr/ô..’, -, ) une coupe, rendant grâces (s v/ctf.rt/.v ! I. ;) il la leur donna, et ils en burent tous. 24. Kl il leur dit : " Ceci est mon sang, [le sang] de l’alliance qui est répandu pour beaucoup. 26. Kn vérilé je vous le dis, je ne boirai plus du fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le royaume de Dieu, n

Luc, xxii, 14-20.

14. Lorsque l’heure futvonue, il se mit à table, et les apôtres avec lui. 15. Et il leur dit : « J’ai ardemment désiré manger cette pâqiie avec vous avant de souffrir. 16. Car. je vous le dis, je ne la mangemi plus jusqu’: 'i ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu. » 17. Et ayant reçu (^t ; ci ; i ! vo ;) une coupe, rendant grâces (tJ/afiTr/.Tv ;), il dit : « Prenez ceci et distribuezle entre vous. 18. Car je vous le dis : je ne boirai plus désormais du fruit de la vigne jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu. » 19. Et prenant (’/.’/.S..’./) du pain, rendant grâces (iJ/ » f.iT/.>7crO. il [le] rompit et I le] leur donna en disant (’/, ; /<..) : Ceci est mon corps, 19 qui est donné : faites cela en mémoire (le moi. » 20. [Il pril] de mi’me la coupe après le souper en disant CAiviii.) :

« Cette coupe [est] la nouvelle

alliance en mon sang qui est répandu pour vous. » (.Suil la dénonciation du traître, 21-23.)

I Cor., XI, 23-25.

23. J’ai appris du Seigneur ce que je vous ai aussi enseigné, que le Seigneur Jésus, la nuit où il fut livré, prit du pain, 24. et, rendant grâces (sj/aftTT/.T’/ :), [le] rompit et dit : Ceci est mon corps, qui [est donné] pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » 25. [Il fit] de même au’si pour la coupe, après avoir soupe, en disant Q.i-(t, n) : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang. Kaites cola, chaque fois que vous [la] boirez, en mémoire de moi. »

A regarder de près ces quatre récits, on n’a pas de peine à constater qu’ils forment deux groupes parallèles : d’un côté, s.iinl.Matthieu et saint Marc ; de l’autre, saint Luc et saint l’aiil. (^es deux groujjes sont subslanticllemciil concordants et paraissent indépendants l’un de l’autre.

Sans entrer dans le détail des objections rationalistes contre l’historicité de ces documents, objections victorieusement réfutées, d’ailleurs, par la critique catholique, il nous sera utile de nous arrêter un instant à deux anomalies souvent signalées dans les récils que nous éludions. Ce sont deux cas d’inter DICT. DE TIIKOI, . CATHOL.

senlalion de la coupe et le fait de boire, une aiilicil )ation glissée rapidement et qui ne prétend pas interrompre la trame du récit ; d’autant que cette phrase, d’un grec l)ébra’is ; int. peut signirier aussi bien la simullanélté que la succession des actts. » Hivière, Histoire du doqme de In rédemption, Paris, 1905, p. 82. C’est un simple artifice historique, très fréquent dans la Bible, et bien connu des commentateurs anciens qui l’appelaient Imsicrologia. In Marco, xiv, 23, est luistcrologin, diim ait : El biberuni ex illn omna, ac moxrnnsecrassr narrât. Corneille de I ajiierrc, In Matih., XXVI, 27, Commrntar., Naples, 18.’i 1 sq., t. viii, p..379.

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