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ÉPICLÈSE EUCHARISTIQUE


inatoniaques (fin du iv"e siècle). Cette hérésie a provoqué sans doute l’addition de la série plus ou moins longue d’épithètes dont le Saint-Esprit se trouve qualifié en maintes liturgies, comme celles de saint Jacques et de saint Marc. Mais « l’existence de l’épiclèse est incontestablement antérieure, )’Cabrol, op. cit., t. i, col. 1913 : des textes tels que ceux de saint Cyrille de Jérusalem, bien antérieurs aux pneumatomaqucs, le prouvent péremptoirement ; joignez-y l’allusion assez claire à l’épiclèse que fait saint Basile dans son traité De Spirilu Scindo, xxviii, 66, P. G., t. xxxii, col. 188, dirigé précisément contre l’hérésie en question. Il n’y a pas à aller contre des témoignages aussi formels : d’autant que l’épiclèse du Verbe qui, au dire de ces auteurs, aurait précédé celle du Saint-Esprit, laisse intacte la difficulté théologique, puisqu’elle a même place et même sens.

Nous ne saurions, du reste, admettre d’une manière générale cette hypothèse de l’antériorité de l’épiclèse du Verbe et de son remplacement, à une époque donnée, par l’épiclèse du Saint-Esprit. Cette époque, nous venons de le voir, ne peut être celle des pneumatomaqucs. Ce ne peut pas être davantage l’époque constantinienne, puisque la Didascalie, qui date, selon Funk, de la seconde moitié du iiie siècle, contient des allusions assez claires à l’invocation eucharistique du Saint-Esprit. On y lit en effet : Gratiarum aclio (eùyapiuTia) per Sanctiim Spiritum sanctiflcatur. Didascalia apoat., VI. xxi, 2, édit. Funk, p. 370. Et un peu plus loin : Eam qiiee secundum similitU’dinem regalis corporis Chri’iti est, accepfam eucharistiam offerte, … panem mundam præponentes qui per ignem factus est et per invocationem sanctiflcatur. Ibid., VI, XXII, 2, p. 376. Sanctiflcare est visiblement, dans ces textes, synonyme de consacrer. Or, cette sanctification est attribuée d’une part au Saint-Esprit et d’autre part à une invocation, autant vaut dire à une invocation du Saint-Esprit, à une épiclèse.

On peut se demander si une telle épiclèse était aussi explicite que les formules révélées par les documents postérieurs. Dom Cagin a préparé un important travail sur le thème apostolique de l’anaphore, encore inédit, mais dont les grandes lignes ont été indiquées par un article de dom Souben, Le canon primitif de la messe, dans les Questions ecclésiastiques de Lille, avril 1909. Il y émet rhypothèse que l’épiclèse primitive, tout en ayant sa place après le récit de la cène, ne sollicitait que l’effet spirituel du sacrement et du sacrifice, sans mentionner la demande de transsubstantiation. Une telle conclusion, si elle était prouvée, serait fort intéressante pour la théologie et l’apologétique. On l’appuie sur la Constitution ecclésiastique qui contient, en effet, après le récit de l’institution et l’anamnèse, l’épiclèse suivante : Suppliciler oramus te ut mittas.Spiritum fuuin Sanrtum super oblationes hujus Ecclesiæ, pariterque laryiaris omnibus qui sunmnt de eis (ut prosit eis) ad sanctifatem, ut rcpleantur Spirilu Sancto, et ad confirmationem fidei in veritutc, ut te célèbrent et laudent in Filio tuo.Jesu Christo, in quo tibi (sit) laus et potentia in sancta Ecclesia et nunc et sempcr et in sœcula sœculorum, amen. Constitutiones ceci. ir<njptiaciv, I(xxxi), 21, dans Funk, Didascalia et Constitutiones apostol., Paderborn, 1906, t. II, p. 100. Cette épiclèse, on le voit, ne suppose nullement que l’Esprit-Saint soit prié d’opérer la transsubstantiation. Ce qu’on demande, c’est qu’il descende sur les oblations afin de réunir par le lien de l’unité tous les fidèles qui les recevront. Mais avons-nous vraiment ici l’épiclèse primitive ? Xon, certainement, si l’on admet avec l’unk, qui a étudié de près la question, Das Testament unseres Ilerrn und die vcrwandten Schriften, Mayence, 1901, p. 147l.’iO, que la Constitution ecclésiastique égi/ptienne

est postérieure aux Constitutions apostoliques. Ces dernières, on le sait, possèdent l’épiclèse explicite à double membre. Du reste, la demande de transsubstantiation semble bien être déjà rattachée à l’épiclèse dans les passages cités de la Didascalie.

Si l’on admet, comme y inclinent plusieurs auteurs, que la. liturgie des Constitutions apostoliques, VIII, 5-16, appelée liturgie clémentine parce qu’elle est censée transmise par saint Clément de Rome, représente la liturgie la plus voisine des temps apostoliques, il paraît difficile de ne pas tenir l’épiclèse proprement dite pour une pièce tout à fait primitive.

IV. FONDEMENTS SCRIPTUn.iIRES DE L’ÉPICLÈSE.

Sans prétendre trancher cette délicate question d’origine liturgique, on peut trouver à l’épiclèse certains fondements scripturaires. Ainsi Heb., ix, 14, où l’auteur inspiré semble faire allusion à l’intervention du Saint-Esprit dans le sacrifice du Christ contrastant de ce chef avec les sacrifices mosaïques. Il y est dit que « le sang du Christ qui, par l’Esprit éternel, oià IIveJ[iaTo ; aîtovio-j, s’est offert lui-même sans tache à Dieu, purifiera notre conscience des œuvres mortes, pour servir le Dieu vivant. » On sait que la Vulgate porte : per Spiritum Sanctum, comme d’ailleurs plusieurs manuscrits grecs portent àytou au lieu de aîwvîo’j. Cf. Lebreton, Les origines du dogme de la Trinité, Paris, 1910, p. 351, note 1. Les deux leçons se rencontrent aussi chez les Pères qui, d’ailleurs, donnent à l’une et à l’autre un sens identique. Cf. S. Ambroise, De Spirilu Sancto, I, viii, 99, P.L., t. xvi, col. 728 ; S. Jean Chrysostome, In Heb., homil. xv, n. 2, P. G., t. Lxiii, col. 120 ; In.loa., homil. lxxiv, P. G., t. lix, col. 402. Voici l’idée qui ressort de l’ensemble du passage auquel ce texte scrip turaire est emprunté. Il s’agit de faire voir la transcendance du sacrifice du Christ sur les sacrifices de l’ancienne loi. Après l’avoir montrée parla différence de la matière, l’auteur la confirme par la différence du mode. Dans le rituel mosaïque, le mode du sacrifice, c’est l’aspersion du sang et l’holocauste par le feu, ou d’autres actes également matériels et grossiers, Lcv., xvi, 1-34 ; le mode spécial du sacrifice du Christ, c’est d’être offert par le moyen de l’Esprit éternel, de l’Esprit-Saint. On voit combien cette idée ressemble à celle qui fait le fond de toutes les formules d’épiclèse : à savoir, l’intervention mystérieuse du Saint-Esprit au sacrifice du corps et du sang de Jésus-Christ, intervention à laquelle est souvent rattachée, de même que dans ce verset de l’Épîlre aux Hébreux, la purification des consciences pour le service du Dieu vivant. Plusieurs formules occidentales d’épiclèse, Missale mixtum, dans /’. L., t. Lxxxv, col. 60t, 605, 620, et un grand nombre de docteurs orientaux, entre autres saint Éphreni et saint Jean Chrysostome, cf. Hoppe, op. cit., p. 255 sq., expriment une analogie symbolique entre l’action du feu céleste dans certains holocaustes anciens et l’intervention du Saint-Esprit dans le sacrifice eucharistique. La divinité de la troisième personne de la Trinité y est considérée comme un feu salutaire qui consume la victime, consomme le sacrifice et purilic nos cœurs : tout aulant d’idées qui présentent avec celles de Heb., ix, 14, un parallélisme frappant. Comparer, dans répiclèse de la liturgie clémentine, l’allribulde « témoin des souffrances du (Christ « donné au Saint-Esprit, Brightman, op. cit., p. 21 ; comparer aussi, dans les prières du missel romain avant la communion du prêtre, l’expression : qui voluntate Patris, coopérante Spirilu Sancto, per mortem tuani mundum viviftcasti.

De ce texte de l’Épître aux Hébreux il faut rai)proclier Boni., xv, 16. Saint Paul y parle de » la grâce que Dieu m’a faite d’être ministre de Jésus-Christ