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ÉPIGLÈSE EUCHARISTIQUE


iholique. — Après ces déclarations et décisions de l’Église, dont l’importance ne saurait échapper à aucun théologien, et avant d’aborder plus en détail l’exaiiicn de la question, il ne sera pas inutile de rappeler certains arguments fournis par la raison appliquée aux données dogmatiques.

1. La forme de l’eucharistie doit être prononcée in persona Cliristi. — Voici d’abord le schéma du principal argument théologique. D’après l’enseignement traditionnel de l’Église, admis par les dissidents orientaux eux-mêmes (tels que Cabasilas, Siméon de Thessalonique, etc. ; cf. Benjamin Krasnopevkov, Novaia Skri/al, Saint-Pétersbourg, 1908, p. 218 ; Haluscynsky, De nova illustratione epicleseos, dans Acta I conventus Velehradensis, Prague, 1908, p. 68-69), Jésus-Christ est à la fois le prêtre et la victime du sacrifice eucharistique. Or, l’essence du sacrilice eucharistique est constituée par la consécration des deux espèces. C’est donc Jésus-Christ qui doit opérer cette consécration par le ministère du prêtre humain parlant en son nom. Cette première conclusion est nettement formulée par un grand nombre de Pères et de docteurs. Or, parmi les diverses pièces de la liturgie eucharistique, seules les paroles de l’institution peuvent être prononcées in persona Christi. Les autres prières, y compris l’épiclèse, sont dites par le prêtre en son nom propre et au nom de l’Église qu’il représente, mais non pas directement au nom de Jésus-Christ. Sacerdos in missa in oralionibus quideni loquitur in persona Ecclesise, in ciijiis unitale consistit ; sed in consecratione sacrarnenti loquitur in persona Christi, cujus vicem in hoc gerit pcr ordinis potestatem. SThomas, Sum.theot., IIlq. lxxxit, a. 7, ad S"’". Cf. In IV Sent., ]. IV, dist. VIII, q. ii, a. 1, q. v, solut. 4, ad 4-". C’est donc au moyen des paroles de l’institution, prononcées par le prêtre revêtant la personnalité de Jésus-Christ, que s’opère la consécration. Cette seconde conclusion se trouve également énoncée par un grand nombre de Pères et de docteurs. Voir cet argument développé dans Orsi, op. cit., p. 173 sq. Voir aussi Benoît XIV, De sacrosancto missœsacriftcio, 1. II, c. XV, édit. Mignc, Theol. cursus completus, t. xxiii, col. 1008 sq.

2. Instantanéité de la transsubstantiation.

Pour prévenir toute équivoque, il est utile de rappeler, en y insistant mênic un peu, que la transsubstantiation ne peut être qu’un acte instantané. La disparition de la substance du pain et la présence du corps de Jésus-Christ sont corrélatives l’une de l’autre. A l’instant où la substance du pain s’évanouit, le corps de Jésus-Christ devient présent. Or, la disparition de la substance du pain ne peut pas se faire peu à peu, car cette substance est indivisible ; une partie ne peut pas disparaître à un moment, et une autre partie à un autre moment. De même, la présence du corps de Notre-Seigncur dans l’eucharistie est quelque chose d’indivisible ; on ne peut pas dire qu’il devient présent peu à peu sous l’espèce du pain, que telle partie de son corps est présente, alors que telle autre ne l’est pas encore. Il est présent tout entier à un moment donné, ou il n’est pas présent du tout ; les parties du corps de Jésus-Christ sont, en effet, inséparables l’une de l’autre. De plus, il est de foi que Notre Seigneur est présent tout entier sous la plus petite parcelle ; ce qui revient à dire que son corps eucharistique n’occupe pas de lieu, qu’il est présent à la manière d’une substance, d’un esprit. Or, la substance, l’esprit sont quelque chose de simple et d’indivisible. Le corps de Jésus-Christ, en tant que présent dans rcuciiaristie, se comporte donc comme quelque chose d’indivisiifle. Par conséquent, la disparîlîr)n de la substance du pain et la présence du corps de.lésus-Christ, c’est- à-dirc l’acte même de la transsubstantiation, s’opère en un

instant, comme du reste tout changement substantiel. Il faut écarter toute conception qui tendrait à assimiler ce changement à une éclipse de soleil ou de lune, comme si une partie du corps de Notre-Seigneur devenait présente à mesure que disparaît une partie de la substance du pain.

Il y a donc pendant la célébration de la messe un instant précis où s’opère le changement du pain et du vin au corps et au sang de Jésus-Christ, et l’on ne saurait faire un reproche aux scolastiques, comme le font, par exemple, Catharin, Christophe de Chefîontaines, Richard Simon, Fides Ecclesiæ orientalis, Paris, 1671. p. 180 sq., Le Brun, op. cit., t. v, p. 224-225, 285, d’avoir cherché h préciser cet instant. Ce changement doit se faire au moment où le prêtre prononce certaines paroles, puisqu’il constitue le sacrement de l’eucharistie et que dans tout sacrement on rencontre un élément verbal. La véritable forme de l’eucharistie sera donc constituée par les paroles que le prêtre dit au moment où s’opère le changement. Si le changement a lieu au moment où le prêtre prononce les paroles de l’institution, ces paroles constitueront la véritable et unique forme. Mais on ne pourra pas dire que la forme de l’eucharistie consiste à la fois et dans les paroles de l’institution et dans l’épiclèse.

3. Les hypothèses possibles.

Il est vrai que l’efficacité de la forme de l’eucharistie, comme l’efficacité de la forme des autres sacrements, pourrait être conçue comme conditionnée par certaines circonstances de lieu, de manière, de personnes. Voici les hypothèses possibles : a) les paroles de l’institution seules, indépendamment de toute autre formule, de tout rite religieux antécédent ou subséquent, opèrent la consécration (opinion de saint Thomas) ; b) une autre prière de la messe, par exemple, l’épiclèse, opère seule, indépendamment de toute autre formule, la transsubstantiation (doctrine de plusieurs théologiens orientaux, non catholiques) ; c) l’etricacité des paroles de l’institution est conditionnée par une oraison qui précède (théorie de Catharin pour la liturgie romaine où il voit l’épiclèse dans la prière ()i ; amo/)/o//o7îf/ ?i) ; d) l’efficacité consécratoire de l’épiclèse est conditionnée par la prononciation des paroles dominicales qui la précèdent (théorie grecque, admise par Catharin pour la liturgie orientale ; Christophe de ChelTonlaines. Renaudot, Le Brun, Touttée, Schcll, Rauschen, le prince Max de Saxe suivent Catharin avec des nuancest, c) on peut concevoir une cinquième hypothèse, qui a été émise par Le Oiii ^’t Conibefis : les paroles du Sauveur sont bien l’unique forme de l’eucharistie, qui opère à elle seule la transsubstantiation ; mais I)our être efficaces, ces paroles doivent être prononcées in persona Christi pendant 1-a messe ; elles doivent être encadrées dans l’ensemble des prières liturgiques fixées par l’Église pour la célébration du sacrifice. Cette condition serait nécessaire, d’après ces mêmes auteurs, pour que le prêtre puisse être regardé comme agissant au nom de l’Église, comme ayant l’intention de faire ce qu’elle fait. Un prêlre qui prononcerait, en dehors de tout rite religieux, les paroles de.lésus-Christ, déclarent-ils. ne consacrerait pas validement, même en ayant l’intention d’user de son pouvoir d’ordre, le Quien et Combefis émettent cette opinion comme probable. Ainsi, les paroles de l’institution auraient leur efficacité conditionnée, dans une certaine mesure, par l’ensemble des prières liturgiques, au moins par celles qui précèdent le récit de la cène. Duns Scot, In IV Sent., 1. IV.dist. VIII, q. II, semble favorable i cette opinion. On sait que saint Thomas d’Atpiin [irofesse l’opinion contraire il enseigne que si un prêtre prononçait, indépendamment de toute autre prière, seulement les paroles du Christ, avec l’intention d’accomplir le sacrement, il