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ÉPHREM (SAINT)


Le t. II des Œuvres syriaques. Rome, 1710, p. 437559, renferme cinquante-six liymnes contre les liérctiques Marcion, IJardesane et Manès. On est convenu de dire que ces liymnes sont dirigées contre les gnostiques, mais ce mot doit être pris au sens large, car nous avons relevé tous les vers consacrés à Bardesane, Palioliif/ia sijriaca. Paris, 1907, t. ii, p. 497509, et montré que tous les textes clairs peuvent s’entendre des prédilections astrologiques de Bardesane et de l’erreur qui lui en était restée de soumettre le corps au pouvoir des astres. Voir Barue-SANE, t. II, col. 396-397. En somme, saint Éphreni condamnait toute étude autre que celle de la Bible et toute inspiration puisée en dehors des Livres inspires. De là vient d’ailleurs le caractère uniforme, terne et dépourvu d’intérêt des longues poésies de saint Éphrem et de ses imitateurs. C’est ainsi que .Jacques de Saroug, consacrant un long poème à « l’histoire » de saint Éphrem, croit avoir assez fait lorsqu’il a écrit quelques centaines de vers pour comparer son héros à Moïse et pour rappeler les épisodes bibliques qui concernent le dernier. Cf. P. Bedjan, Acta martijnim, Paris, 1892, t. iii, p. 665-679.

Signalons encore les quatre-vingt-sept hymnes contre les investigateurs (sceptiques), Rome, 1743, t. III, dirigées en partie contre les ariens et les anoméens. Certains passages sont écrits, dit Jacques d’Édesse, « de manière mystique et obscure, afin que les cherclieurs en soient par là même plus réprimandés et qu’ils cessent leurs investigations et recherches envers le Dieu caché et incompréhensible, puisqu’ils ne peuvent même pas comprendre des paroles écrites. » Revue de VOrient chrétien, t. xiv (1909), p. 438-440. On peut glaner encore dans ces hymnes quelques détails sur les hérésies propres à Édesse au temps de saint Éphrem, par exemple. Opéra, t. ii, p. 440, sur les sabbatiens qui fêtaient le samedi comme le dimanche et qui ont choisi pour évêque une femme nommée Qamsou ; sur les qouqéens — ainsi nommés de leur chef — qui formaient, avec les marcionites, un scliisme de l’hérésie de Valentin. Cf. F. Xau, Lettres choisies de Jacques d’Édesse, Paris, 1906, p. 85-87.

2° Pour l’histoire des dot/mes. — Un grand nombre des hymnes et des discours de saint Éphrem traitent des fins dernières. Le sort des âmes est fixé dès leur mort. Les âmes non encore purifiées de tous leurs péchés vont au purgatoire et sont aidées par les bonnes œuvres et les prières des vivants ainsi que par le saint sacrifice. Le purgatoire est intermédiaire entre le paradis et la géhenne. Nulle part Éphrem ne suppose que les peines de la géhenne ont une fin. Les justes n’entreront au paradis qu’à la résurrection, car le paradis n’admet rien d’imparfait et ne peut donc pas recevoir l’âme sans son corps. En attendant la résurrection, les âmes des justes, aussi bien que leurs corps, sont comme plongées dans un sommeil. Lorsque le Christ a délivré Adam et les justes, il les a laissés à la porte du paradis. D’ailleurs, pour Éphrem, le jjaradis est divisé en trois régions, et « la porte » est déjà l’une d’elles. Cf. G. Bickell, Carmina Nisibena, Leipzig, 1866, p. 24-27. Au jugement général, les justes et les pécheurs traverseront un fleuve de feu, les premiers seront respectés et les derniers seront brûlés. » De toutes les inspirations qu’Éphrem empruntait au dogme religieux, la plus puissante, comme la plus assidue, c’était la pensée du jugement dernier, c’était la terreur de ce grand jour anticipée par les fervents scrupules du solitaire, comme elle le serait par la conscience du coupable. Sans cesse il le mêle à ses discours, à ses prières publiques. Une de ses prédications, surtout Opéra, t. ii, p. 378, faisait de cette terrible annonce une réalité, une représentation vivante, par le dialogue qui s’établissait entre son

auditoire et lui, l’inquiétude des demandes et l’effrayante précision des réponses. Ce discours ou plutôt ce drame, célèbre dans toute la chrétienté d’Orient, était, au xiii<e siècle, cité avec admiration par Vincent deBeauvaiset ne fut pas sans doute ignoré de Dante. » Villemain, toc. cit., ]). 254-255.

Il prône l’invocation des saints et surtout de la sainte Vierge ; les saints dispensent leurs bienfaits de préférence dans les endroits où leurs reliques sont conservées ; la Vierge et son Fils « sont seuls à être beaux sous tous rapports, car en toi, Seigneur, il n’y a pas de tache, et en ta mère il n’y a pas de péches. » M. G. Bickell conclut, de ce passage et d’autres analogues, que le saint docteur est un témoin du dogme de la Conception immaculée. Ibid., p. 28-29.

Mgr Rahmani, en tête de son édition des hymnes sur la virginité, éditées déjà, mais de manière moins complète, par Mar Lamy, toc. cit., t. iv, indique les dogmes qui se trouvent formulés dans cet ouvrage. Mentionnons la Trinité, une personne et deux natures dans le Christ, la présence réelle dans l’eucharistie, l’immaculée conception, le péché originel, le libre arbitre et son accord avec la grâce, le sacrement de confirmation, la primauté de Pierre, l’intercession des saints, le culte des images, la vie bienheureuse dont les saints jouissent dès leur mort. Au point de vue liturgique, M’f Ralimani relève aussi les témoignages en faveur des anciens rits ecclésiastiques : l’onction des autels, la conservation du saint chrême, l’huile des catéchumènes, la croix plongée dans l’eau baptismale, les cérémonies du baptême solennel conféré le jour de Pâques, la communion qui suit le baptême, le pain eucharistique reçu dans la main à la communion, enfin les usages de s’abstenir de vin en temps de jeûne et d’oindre les défunts avec de l’huile. Sancti Ephrœmi hymni de virginitate, Scharfé, 1906, p. xii.

Le petit traité polémique, attribué à Jean Maron, pour montrer que par « une nature du Verbe incarnée 1 les saints Pères entendent « deux natures » et composé, sans doute, au vire siècle, cite cinq passages de saint Éphrem pour montrer qu’il était diphysite, par exemple : < tandis que son humanité était visible en diverses actions, sa divinité apparaissait dans . de remarquables prodiges, afin que l’on connût qu’il n’y avait ijas une nature mais deux. Il n’y avait pas seulement la nature humble ou la nature sublime, mais bien les deux ; l’humble et la sublime étaient unies l’une à l’autre. » Cf. F. Nau, Opuscules Maronites, 1° partie, Paris, 1899, p. 28-29. La dernière phrase laisse d’ailleurs la question indécise, puisqu’elle ne précise pas le mode d’union des natures qui peuvent être « mises en une nature sans mélange ni confusion » selon la formule jacobite, ou « unies en une hypostase et en une personne » selon la formule orthodoxe. Aussi diverses strophes de la même pièce ]îouvaient être alléguées par les deux partis. Par exemple, l’hymne déjà citée sur ta nativité du Christ dans la chair.

Nous chanterons le mode de la naissance du premier-né.

La divinité s’est tissé un vêtement dans le sein (de la

[Vierge).

Elle le revêtit et naquit, elle le dépouilla de nouveau à la

Elle le dépouilla une fois, elle le revêtit deux lois. [mort.

Elle le prit à gauche, elle s’en dépouilla,

Elle le plaça à droite.

Il était serviteur sur la terre, il était seigneur en haut. II hérita des profondeurs et du ciel, celui qui lut étranger

(ici-bas).

Celui qu’ils jugèrent avec iniquité, juge avec vérité. Celui qu’ils couvrirent de crachats, souffla l’esprit sur

[leur face.

Celui qui reçut un faible roseau était le bâton du monde. Celui qui vieillit s’appuiera sur lui.