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EUCHARISTIE DU XIIP AU W^ SIÈCLE

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miner la quantité d’eau qu’il faut mettre dans le calice, saint Thomas rappelle les trois opinions indiquées par Innocent III sur le sort de cette eau après la consécration. Quelques-uns prétendaient qu’elle reste dans sa propre substance, le vin étant changé au sang du Christ ; mais leur opinion est insoutenable, puisque, la consécration faite, il ne reste au sacrement que le corps et le sang du Christ. D’autres disaient que l’eau du calice est changée en l’eau qui a coulé du côté du Christ, comme le vin l’est au sang ; leur sentiment n’est pas raisonnable, car il s’ensuivrait que l’eau est consacrée à part du viii, comme le vin à part du pain. Au jugement d’Innocent III, ropinionla plus probable est que l’eau est convertie au vin et le vin au sang du Christ. Or, cette conversion ne serait possible qu’à la condition de verser dans le calice un peu d’eau seulement. Il est donc plus sûr de ne verser qu’un peu d’eau, surtout si le vin est faible. Ibid., a. 8. Il suffît que l’eau soit sentie au moment du mélange, et non après, ad 1°"’. Si l’on ne mettait pas d’eau dans le calice, la signification de ce mélange ne serait pas obtenue, ad 2°"’. Cette signification ne serait pas réalisée non plus, si on avait versé de l’eau dans le tonneau ; elle exige que le mélange soit fait circa ipsam celebrationem sacramenti. Saint Thomas, sed conlra, cite l’extravagante d’Honorius III, tirée d’une lettre à l’archevêque d’Upsal, du 13 décembre 1220 : Pcrniciosus valde, sicui audivinuSy in tiiis partibus inolcvil abusas, quod in majore qiiantilate de aqua ponitur in sacriftcio quam de vino, ciim secundum rationabilem consueludinem Ecclesix generalis plus in ipso sit de vino quam de aqua ponendum. Il faut abolir cet abus. Denzinger-Bannwart, n. 441. Cf. Richard de Middletown, In IV Scnl., 1. IV, dist. XI, a. 3. Duns Scot pense que l’eau mêlée au vin doit être convertie au vin avant d’être convertie au sang du Christ. Voir t. iv, col. 1916. G. Biel enseigne que le mélange d’eau au vin n’est pas nécessaire pour l’efficacité du sacrement, mais pour sa complète signification. L’eau est transsubstantiée avec le vin. II faut en verser en petite quantité, avec précaution, au commencement de la messe ou à l’Évangile, pour qu’elle se mêle mieux avec le vin et soit absorbée par lui, au moment de la consécration. Ce doit être de l’eau élémentaire. Sacri canonis missse expositio, lect. xxxv. Plusieurs t’octeurs du xiiie siècle se sont demandé quelle quantité de matière le prêtre pouvait consacrer. Alexandre de Halès répondait à cette question que le prêtre devait consacrer la quantité de pain selon l’intention ordinaire, conforme à celle de l’Église, c’est-à-dire panis qui sumi posset a ftdelibus.Summa theologiæ, 1. IV, q. X, m. IV, § 6. Saint Bonaventure était du même avis et il pensait qu’on devait consacrer seulement la quantité qu’on supposait nécessaire à l’usage des fidèles. Un prêtre, par conséquent, ne pouvait pas consacrer tout le pain exposé au marché ni tout le vin d’un tonneau. In IV Sent., 1. IV, dist. X, part. II, a. 1, q. IV. Saint Thomas n’admettait pas cette conséquence. Si la quantité de la matière de l’eucharistie est déterminée par l’usage des fidèles, cette détermination ne se fait pas d’après le nombre des fidèles présents ; autrement, un curé, qui n’a qu’un petit nombre de paroissiens, ne pourrait consacrer beaucoup d’hosties. La détermination de la quantité de la matière à consacrer se fait per comparalionem ad usum fidelium absolule. Le nombre des fidèles étant indéterminé, la quantité de la matière n’est pas déterminée. Sum. Iheol., III-^, q. lxxiv, a. 2. Si la consécration du pain ou du vin est faite pour une fin mauvaise, par exemple, par dérision ou pour faire des poisons, elle est valide, quoique coupable. Ibid., ad 2°"’. Saint Thomas ne voit pas de dérision à consacrer tout le pain d’une boulangerie et tout le vin d’un cellier. Richard de Middletown se range à l’avis de saint

Thomas. In IV Senl., 1. IV, dist. X, a. 7, q. i. G. Biel dit aussi que le prêtre peut consacrer du pain autant qu’il veut. Sacri canonis missse expositio, lect. xxxv. 3. Forme.

La forme est double. Celle qui consacre le pain est, selon Alexandre de Halès, Summa theologiæ, part. IV, q. x, m. iv, a. 2, § 1, 2 : Hoc est corpus meum, et le Christ lui-même a consacré la première fois par ces paroles. La forme du vin est celle de la messe latine, jusqu’aux mots : Novi et œterni Testamenti, qui ont été ajoutés ; elle a été établie par les apôtres. Ibid., § 4. Pour saint Bonaventure, la consécration se fait par la prolation de la forme vocale établie par le Seigneur, à savoir : Hoc est corpus meum sur le pain, et : Hic est calix sanguinis mei sur le vin. Brcviloquium, part. VI, c. ix. La forme du sacrement, en effet, est celle que le Christ lui-même a instituée. Les mots : Accipite et comedite ne font pas partie de la forme véritable, ou bien rentrent seulement dans la forme que l’Église a établie. Or, il y a péché grave à changer sciemment la forme ecclésiastique. In IV Sent., 1. IV, dist. VIII, part. II, dub. i. Dans la forme du pain, le pronom : hoc désigne non ce qui tombe sous les sens, mais ce que la foi doit saisir. Donc, ce qui est désigné par ces signes est le corps du Christ. Le verbe : est est au présent et non au futur, et il indique la simultanéité de la présence réelle. Corpus est employé au lieu de caro, et meum indique que le prêtre parle in persona Christi. Les seuls mots : Hic est calix sanguinis mei constituent la forme consécratoire du vin, et cette forme est recta et ccrta et tota congrua ; quod autem additur de bene esse. Les autres paroles énoncent les effets du sacrement. La forme usitée est préférable à celle qui est rapportée dans les Évangiles. Ibid., a. 1, q. i, ii. Pour Albert le Grand, la forme du pain ne comprend pas plus que les mots : Hoc est corpus meum. Hoc est un pronom démonstratif qui ne désigne pas le pain, car il est faux que le pain soit le corps du Christ, mais qui se réfère au corps du Christ. Meum désigne le corps du Christ. Les mots : Accipite et comedite n’appartiennent pas à la forme. Il est sûr (tutum) de dire : enim, bien qu’il ne soit pas dans l’Évangile. La forme du vin est : Hic est enim calix sanguinis mei, novi ci œterni Testamenti, mijsterium fidei, qui pro vobis et pro multis effundetur in remissionem peccatorum. Elle a été, sinon écrite, du moins transmise par les apôtres. In IV Sent., . IV, dist. VIII, a. 6, 7. Saint Thomas a précisé la doctrine de son maître. La forme du pain est celle dont le Christ s’est servi : Hoc est corpus meum. Les mots : Accipite et comedite se rapportent à l’usage de la matière consacrée, qui n’est pas nécessaire à l’existence du sacrement ; ils ne sont donc pas de la substance de la forme. La forme produit la consécration de la matière. Le verbe : est énonce que la conversion a lieu, non pas in fieri, mais in facto esse. Le pronom démonstratif : hoc exprime le terminus a quo, ou le pain, mais seulement relativement aux accidents sensibles qui demeurent. Corpus indique le terminus ad quem de la conversion, à savoir tout le corps du Christ, et non pas sa chair seulement. Meum exprime la personne du Christ, au nom de laquelle la forme est prononcée. La conjonction enimqu’i relie la forme aux mots précédents est usitée dans l’Église romaine suivant une coutume qui vient de saint Pierre, et elle n’est pas de la forme, pas plus que les mots précédents auxquels elle relie la forme. Pour la consécration du viii, l’Église a reçu des apôtres la forme usitée à la messe latine, et les termes essentiels s’étendent jusqu’aux mots : Hœc quoliescumque feceritis, qui concernent l’usage du sacrement et n’appartiennent pas à la substance de la forme. Les mots : Hic est calix sanguinis mei signifient la conversion du vin au sang du Christ. Ceux qui suivent indiquent la vertu de ce sang répandu sur la croix, vertu