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EUCHITES


les réfutiitions dont ils furent l’objet, soit de la part de saint Ampliilochius d’Iconium dans les actes du sj’node de Sidc, soit de la part d’Archélaiis de Césarée, qui écrivi* vingt-quatre anathematismes contre les cuchites, soit de la part du monophysite Sévère d’Antioche, qui s’en prit à l’œuvre de Lampétius. Restent alors les hcrésiologues et les historiens, contemporains ou postérieurs. Le premier en date est saint Épiphane de Salamine, qui inscrit les euchites au dernier chapitre de son Ilaviptov, User., lxxx, P. G., t. XLii, col. 756 sq. ; mais ce qu’il en dit se réduit à peu de chose, car à l’époque où il composait son ouvrage, c’est-à-dire entre 374 et 377, la secte, sortie de la Mésopotamie et déjà répandue en Syrie sous la forme d’un mouvement religieux suspect et inquiétant, était encore sans chef, sarts ordre, sans organisation apparente, sans une doctrine parfaitement coordonnée ou suffisamment connue. Il en donne pourtant une idée générale assez juste et un essai de réfutation qui mérite d’être signalé.

Chiquante ans plus tard, en 428, lorsque saint Augustin dresse à son tour, à la demande de Quodvultdeus, un catalogue des hérésies, bien des événements s’étaient produits en Orient, plusieurs évêques avaient écrit contre la secte, et trois synodes, tenus à Sidé, à Antioche et à Constantinople, l’avaient condamnée, mais il ignorait tout cela, car il n’en parle pas et ne fait que résumer saint Éplphane, sauf à y ajouter un trait de peu d’importance tiré d’une source inconnue. De hser., 57, P. L., t. xlii, col. 41.

Mieux renseigné et plus précis se montre Théodoret de Cyr (f vers 458), sans toufefois être complet. H. E., IV, 10, P. G., t. Lxxxii, col. 1144, 1145 ; Hærel. fab., IV, 11, P. G., t. Lxxxiii, col. 429-432. Puis il faut attendre jusqu’au commencement du viie siècle, où un prêtre de Constantinople, gardien des vases sacrés, Timothée, publie un llepi Tà>v Kçorjsçixop.i’/w/ tï]’lv/.7."/, r|71-x, De receplione hæreticorum, P. G., t. lxxxvi, col. 45-47, dans lequel il consigne dix-neuf points de la doctrine et des pratiques des euchites ; il les tire sans aucun doute des livres de la secte ou des documents officiels cjui la concernaient ; c’est en tout cas une petite Somme des plus précieuses. Saint Jean Damascène, au vine siècle, l’a mise largement à contribution pour enrichir les emprunts qu’il faisait à saint Épiphane. Hær., 80, P. G., t. xciv, col. 728734. Au siècle suivant, Photius, plus attentif aux faits qu’aux doctrines, et en possession des pièces authentiques dont il note la lecture, confirme et complète le récit de Théodoi-et. Bibliolheca, cod. 52, P. G., t. ciii, col. 88 sq. Il rappelle tous les incidents relatifs à l’opposition faite aux euchites dans les lettres épiscopales et les actes synodaux depuis la fin du ive siècle. Mais nous ne pouvons pas contrôler son résumé historique, attendu que tous les documents qu’il possédait ont disparu, à l’exception de la condamnation prononcée au concile d’Kphèse, en 431, dont il ne reste plus que la version latine, Act. VII, Hardouin, t. i, col. 1627 ; Mansi, t. iv, col. 1447, mais on peut se fier à son témoignage, c’est celui d’un consciencieux érudit.

Après Photius, ce n’est qu’à la fin du xie siècle et au commencement du ku^ qu’il est question des cuchites à l’occasion des bogomiles. La plupart des liistoriens de cette époque, en efïet, ont soin de marquer la parenté et comme la filiation qui existe entre les nouveaux hérétiques et les anciens : tels Georges Cédrène, Hisloriarum compendium, P. G., t. cxxi, col. 559, 560, 596 ; Anne Comnène, Alcxiadis, 1. XV, P. G., t. cxxxi, col. 1168 ; Nicéphore Grégoras, Byzanlinse Insloriæ, 1. XIV, c. vii, n. 2 ; 1. XVIII, c. i, n. 9 ; 1. XIX, c. i, n. 4, P. G., t. cxlviii, col. 948, 1133, 1181 ; Harmenopulus, De hæresibiis, 18,

P. G., t. CL, col. 25-28. Seul Euthymus Zigabene, dans sa Panoplia dogmalica, tit. xxvi, P. G., t. cxxx, col. 1273-1289, rappelle et réfute les diverses erreurs de la secte, sauf, dans sa Con/utatio et eversio impiee et mulliplicis exsecrabilium massalianorum seclse, P. G., t. cxxxi, col. 39-48, à englober sous ce même nom générique et sans aucun ordre chronologique les fondaïtes, les bogomiles, les euchites, les enthousiastes, les encratites et les marcianites. Il ne nous apprend rien de nouveau, il permet du moins de constater que la secte a poursuivi son existence au delà de l’époque de Photius et qu’elle n’a pas été exempte de l’immoralité prévue, dès ses origines, par saint Epiphane.

II. Histoire.

Les noms.

Les sectaires dont

il est question ici ont été généralement connus sous le nom de massaliens ou messaliens, d’un mot syriaque qui signifie ceux qui prient, les priants ou les prieurs, ou sous le nom grec correspondant d’euchites, ^jyj^xs.i, Ej/iTai, de eJyri, prière, qui a exactement le même sens. Cette expression servait, en effet, à désigner l’un des traits caractéristiques de ceux qui prônaient la prière comme le moyen par excellence de chasser le démon, de posséder le Saint-Esprit et d’opérer le salut, au détriment du baptême et des autres sacrements. Mais d’autres expressions encore furent employées pour désigner les euchites, empruntées à leur manière d’être ou d’agir, telles que celles d’enthousiastes, ÉvfjovjtacjTa’, et de choreutes, yopEurai, danseurs. On aurait pu tout aussi bien leur donner le titre de paresseux, puisqu’ils abhorraient toute espèce de travail manuel, ou de mendiants, puisqu’ils ne vivaient que d’aumônes. On leur donna en tout cas le nom de leurs principaux chefs et on les appela tour à tour adelpinens, du nom d’Adelphius, lampétiens, du nom de Lampétius, eustathiens, du nom d’Eustathe, marcianites, du nom de Marcien. Quant à eux, ils se qualifiaient simplement de pneumatiques ou spirituels, Trvsjij.aio’.o’;. Théodoret, Hæret. fab., iv, 11, P. G., t. Lxxxiii, col. 429. Il leur arrivait même, quand on leur demandait : « Êtes-vous patriarche, prophète, ange, Jésus-Christ ? » de répondre invariablement : Oui. S. Épiphane, Hær., lxxx, 3, P. G., t. xlii, col. 760.

Origine et débuts.

Les euchites étaient d’origine

orientale : ils sortaient de la Mésopotamie, plus particulièrement de rOsrhoène, des environs d’Édesse, qui resta toujours l’un de leurs centres, sans qu’on puisse savoir de façon positive, à la suite de quelles circonstances et sous l’action de quels hommes ils s’étaient primitivement groupés. Dans la seconde moitié du i’« siècle, ils envahissent, par bandes nombreuses d’hommes et de femmes, la Syrie et les provinces de l’Asie Mineure. Dès qu’ils y paraissent sous le règne de Constance († 361), ils ressemblent moins à une secte religieuse proprement dite, organisée avec des clercs et des prêtres, qu’à une troupe de vagabonds, sans feu ni lieu, sans clergé et sans guides, à la merci de la charité publique, passant leur vie à ne rien faire ou à dormir, et n’ayant pour unique exercice religieux que la prière.’Telle est du moins l’impression qu’ils produisent sur saint Épiphane, qui a soin tout d’abord de les distinguer d’autres personnages, de mœurs assez semblables, mais d’origine païenne, qualifiés de massaliens ou d’euphémites, qui, ayant eu à subir l’hostilité de quelques officiers, notamment du général Lupicien, se mirent à honorer ceux des leurs qui avaient été mis à mort, en se réunissant autour de leurs tombes, et prirent le nom de martyriens. Ils donnèrent naissance à la secte de sataniens, ainsi nommée du culte qu’elle rendait à Satan pour se le rendre favorable. S. Épiphane, Hær., lxxx, 1-3, P. G., t. xlii, col. 756-760. Tout autres étaient les massaliens d’origine chrétienne ; ceux-ci, par leur nombre et par