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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS ; — EUCHER


nous déclare substaiilielleinent, totalement converties en des réalités transcendantes, doivent être ce que saisit le toucher, ce que l'œil perçoit, ce qui est brisé, ce dont la rupture et le morcellement multiplie, avec le nombre des parts dues à la division, la présence réelle et substantielle du corps et du sang du Christ. Ibid., can. 3. Nous pensons qu’il n’est pas soutenabic historiquement — ainsi que le prétendaient les théologiens cartésiens et comme on continue à le prétendre après eux — qu’au concile de Constance la proposition : Accidenlia panis non maneni sine subjecio in eodem sacramento, ait été condamnée seulement dans la mesure où elle mipiiquait la précédente qui niait la transsubstantiation. Les théologiens du concile n’ont pas confondu ces deux propositions, au point de vue de la censure ; précisément, parce que la négation des accidenlia sine subjecto peut conduire aisément à la négation du dogme, elle a une saveur d’hérésie qui mérite d'être signalée à part, tandis que cette négation elle-même est manifestement hérétique. Les quarante-cinq propositions ont été condamnées comme autant d’assertions distinctes, par le moyen d’une censure globale disjonctive ; bref, après le concile, il est sûr, d’après nous, que toutes sont hétérodoxes, bien qu’elles ne le soient pas au même degré, et c’est ce qui nous fait considérer comme erronée au moins et scandaleuse toute doctrine qui nierait la présence dans le sacrement d’un élément objectif sensible, après la disparition des substances. Après la consécration, plus de pain, plus de viii, voilà le dogme défini ; et néanmoins, présence objective et sensible des propriétés de ces substances, voilà le sentiment universel de l'Église catholique. Voilà pourquoi les théologiens, suivant en cela la vraie méthode, ont, à la lumière du dogme, déterminé leurs thèses philosophiques, guidés par la forme du sacrement : Hoc est corpus meum, qm exige à la fois la présence réelle et la transsubstantiation ; devant le fait stupéfiant de l’expérience sensible identique à elle-même, avant comme après le changement eucharistique, ils n’ont sacrifié ni la certitude des sens, ni la signification naturelle des paroles du Maître. Le dogme leur a servi à compléter leur philosophie naturelle. C’est l’eucharistie qui leur a appris pleinement que certaines formes de réalité, inhérentes à la substance, pouvaient se détacher miraculeusement de ce support. Le mérite du thomisme, dans la question des accidents eucharistiques, c’est précisément d'être une fois de plus, non un système, mais une synthèse admirable du dogme eucharistique et de la raison. Simplicité et économie de surnaturel, voilà le double caractère de la solution proposée par saint Thomas : un seul miracle, celui de la transsubstantiation qui se prolonge en quelque sorte dans l’efHcience divine, soutenant miraculeusement la quantité, elle-même soutien naturel des autres phénomènes sensibles. Le cartésianisme, au contraire, devait échouer, parce qu’il prétendait faire plier le dogme devant une physique, ce qui aboutit à ce paradoxe de lui faire multiplier les miracles, que rien n’insinuait dans les documents révélés. Voilà pourquoi le sol de l’histoire est jonché des ruines des divers systèmes eucharistiques cartésiens, pourquoi aussi la masse des théologiens est revenue avec sympathie à la synthèse thomiste. Nous croyons donc avec le P. Lehu que la théologie eucharistique n’est plus, depuis longtemps, « réduite à une page blanche sur laquelle il serait loisible d'écrire ce qu’on veut. » Par ailleurs, la science moderne n’a point, pensons-nous, rendu caduque la distinction réelle de la substance et de la masse ou quantité dimensive. Elle ne le fera jamais, parce qu’elle est essentiellement limitée aux phénomènes, tandis que la substance n’est accessible qu'à la pensée métaphysique. Du reste, si l’hylémorphisme, dont la

science se rapproche plutôt avec une sympathie croissante, ou, si l’on veut, avec moins de défiance et de préjugés, se montrait définitivement intenable, le dynamisme se présenterait, prêt à recueillir son héritage et à prêter ses conceptions cosmologiques au dogme eucharistique. Si l’on néglige les objections d’ordre philosophique qu’il soulève, il ofl’rc cet avantage qu’il explique aisément la présence et la multilocation du corps du Christ sous les espèces sensibles et surtout qu’il admet que ces espèces sont des effets réels et objectifs, des produits dynamiques réels, conservés miraculeusement, en dehors de leur cause active naturelle. Le cardinal Franzelin adopte précisément une hypothèse philosophique dynamiste, à l’endroit des espèces eucharistiques, qui le rapproche de Lcibnitz, sans trop l'éloigner de saint Thomas. Traclalns de SS. eucharisliæ sacramento et sacriflcio, Rome, 1868, p. 272-276. Nos conclusions nous rapprochent de lui. La réalité physique objective des espèces est une doctrine théologiquement certaine. Des systèmes de cosmologie ne sauraient prétendre à la remplacer, mais seulement à s’y adapter en l’expliquant. L'Église ne prétend pas nous imposer une théorie déterminée sur la nature de la matière, mais, d’autre part, quelques-unes de ces théories sont écartées par le seul fait de la certitude théologique de la réalité physique objective des espèces. Ces conclusions paraîtront à quelques-uns étroites et timides ; il nous a paru, toutefois, qu’elles s’miposaient impérieusement à nous, comme le résultat inévitable de l'étude historique à laquelle nous a obligé la méthode génétique objective que nous avons suivie ici.

A consulter, en dehors des ouvrages cités au cours de l’article : Billuart, De mente Ecclesiie circa accidenlia eucharislica, Liège, 1714 ; L. Billot, S. J., De Ecclesiæ sacramentis

commentarius in III pariem, Rome, 1893, t. i ; Cienfue gos, Vita abscondita siib speciebus velata, Rome, 1728 ; Darwell Stone, A hislory o/ itie doctrine of Ihe hoty eucharist, Londres, 1909 ; Gilles de Rome, Theoremata de corpore Clirisli, Rome, 1554 ; caidinal du Perron, Traitté du sainct sacrement de t’encharistie, PaTis, 1622 ; J.-B. Gonet, Clypeus tlieolocjiæ tliomisticæ, Anvers, 1700, t. iv ; A. Mayr, S. J., Tlieologia scoldstica, Ingolstadt, 1722, t. ii ; D' A. Nægle, Ratramnus nnd die lieilige Eucharistie, s. 1., 1903 ; Die Eucliaristicleiire des lieiligen Joli. Chrysostomus, Strasbourg, 1900 ; G. Rauschen, L’eucharistie et la pénitence durant les six premiers siècles de l'Église, trad. franc., Paris, 1910 ; Franz Schmid, Ist die eucharistische Gegenwart Clirisli eine ôrlliche ? dans Zeitschri/t fiir kath. Théologie, Inspruck, 1903, et les articles parus sous la même signature, ibid., 1889, 1890, 1891, 1894 ; '"J. Salier, Hisioria scolastica specierum eucliaristicarum, Lyon, 1687 ; Th. Raynaud, S. J., Exuvise panis et vint in eucharislia. Opéra, Lyon, 1665, t. vi ; J.-J. Rossignol, S. J., Vues philosophiques sur l’eucharistie, Turin, 1801 ; J. Franz, S. J., Accidenlia absoluta in sgstemale peripatelico per myslerium eucharistise defensa, Prague, 1750 ; Sentiments de Monsieur Descartes et de ses sectateurs sur le mystère de l’eucharistie, ms. 336 de la bibliothèque de la ville de Chartres ; mss français 463, 13262. 14837, 17157 de la Bibliothèque nationale ; Œuvres de théologie de dom Robert Desgabets, ms. 142 de la bibliothèque d'Épinal ; E. Levesque, Examen d’une nouvelle explication du mystère de l’eucharistie. Opuscule inédit de Bossuet, précédé d’une introduction (extrait de la Revue Bossuet), Paris, 1900 ; J.-B. Delpouve, Dom Robert Desgabets, dans la Revue des sciences ecclésiastiques, 1902, p. 436 ; dom Ursmer Berbère, Bulletin d’histoire bénédictine, dans la Revue bénédictine, 1903, p. 267 sq. ; C. de Kirwan, Un rameau oublié du cartésianisme, dans la Revue thomiste, 1903, p. 379 ; Victor Cousin, Fragments de philosophie caitésienne, Paris, 1852 ; Œuvres très complètes de Mgr de Pressy, Paris, 1858, t. ii, col. 1031 sq.

F. Jansen.

    1. EUCHER (Saint)##


EUCHER (Saint). — L Vie. IL Œuvres.

I. Vie.

Saint Eucher, l’un des plus célèbres archevêques de Lyon, et l’un des plus zélés défenseurs de saint Augustin contre les semi-pélagiens gaulois