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EUCHARISTIQUES (ACCIDENTS ;


slokles rediviuus, Ciiiane, 1741, contient une longue discussion des idées de Maignan.

L'évolution de la deuxième explication de Descartes, celle qu’il proposait au P. Mestant, n’est pas moins curieuse ; elle mérite de nous arrêter un instant. Bien que pleinement inconciliable avec le dogme de la transsubstantiation, elle allait être adoptée d’enthousiasme et défendue obstinément par plusieurs membres de l’ordre bénédictin en France, en particulier dom Robert Desgabets. La philosophie eucharistique de ce dernier, ses relations avec Clerselier, les déboires que lui valut, au sein de sa congrégation, son attachement au cartésianisme, tout cela est aujourd’hui mieux connu, grâce au travail de M. Lemaire. Nous renvoyons, pour tout ce qui concerne l’histoire des essais eucharistiques de Desgabets, aux c. iv et v de cette importante contribution à l’histoire du cartésianisme en France. Voir t. iv, col. 622-G24, la biographie de Desgabets. En physique, dom Robert se rallia pleinement aux idées de Descartes : « Au lieu d’employer des prétendus accidents absolus, il faut expliquer tous les changements, qui se font dans la matière, par le moyen des mouvements et autres modes dont l’assemblage est le vrai et l’unique principe formel de tous les corps particuliers. » Ayant connu par Clerselier les lettres à Mestant, il employa son génie, à la fois subtil et ingénieux, à défendre et à développer l’explication qu’elles contenaient. Desgabets croyait, du reste, retrouver cette explication chez saint Jean Damascène. D’après lui, tous les problèmes cosmologiques, posés parle mystère de l’eucharistie, se réduisaient à celui de la multilocation d’un corps et à la réduction d’un grand corps en un petit espace. Il résout aisément l’un et l’autre et les hypothèses ingénieuses qu’il émet ici font de lui un véritable précurseur. « Une âme, écrit-il, pourrait être unie (n'étant pas proprement dans l’espace) à des portions de matière fort éloignées l’une de l’autre, s’il n’y avait aucune fonction à faire qui requît de la continuité entre ces portions de matière fort éloignées l’une de l’autre ; c’est pourquoi la forme donnant l'être à la chose, l'âme peut avoir son corps par miracle en divers lieux séparés et, eu cet état, elle n’aurait qu’un seul corps, si ces parties de matière n’avaient aucun rapport entre elles de tout et de parties. » E. Lemaire, Dom Robert Desgabets, p. 112, note. Pareillement, si un grand corps peut tenir dans un petit espace, c’est que l’identité d’un même corps n’exclut pas les contradictoires pour des temps divers. Ne peut-on pas dire du corps né de la Vierge Marie qu’il a été grand et petit, qu’il n'était jamais dans le même état tout en étant toujours le même ? Dès lors, « quelle merveille que ce même corps, se trouvant tout entier et indivisiblement en divers lieux, ait des organes et du sang et n’en ait pas, soit grand et petit, visible et invisible, se divise et ne se divise pas, etc. ? » Ibid., p. 113, note. On reconnaît l'équivoque que Descartes le premier avait suggérée dans sa deuxième lettre à Mestant. De l’objection très grave et insoluble en fm décompte, affirmant que cette conception de la transsubstantiation laisse exister réellement le pain au sacrement, Desgabets croyait se débarrasser par une simple distinction : le pain consacré qui demeure, disait-il, peut être considéré « comme du pain, si on détourne son attention de l'âme qui l’informe ; il n’est plus pain, si on le considère comme informé d’une âme qui le change au corps d’un homme. » Ibid., p. 113, note. Cette doctrine rencontra l’opposition décidée d’Arnauld, Œuvres. Paris, 1775, 1. 1, p. 670, et de Nicole, Lettres de jeu M. Nicole, Lille, 1718, 1. i, p. 444-455, qui, s’en tenant à la tradition, criliquaient à la fois la méthode de Desgabets et l’erreur dogmatique où elle le menait. Léonce Couture, dans un opuscule intitulé :

Commentaire d’un fragment de Pascal sur l’eucharistie, Paris, 1899, a démontré qu’un fragment obscur des Pensées, traitant de l’eucharistie, était en réalité une attaque du système eucharistique de Descartes, dans les lettres au P. Mestant, qu’il avait probablement connu parles travaux de Desgabets. Les objections de Pascal reproduisent en partie celles qui avaient été formulées déjà contre la transsubstantiation cartésienne parle P.Viogué, le P. HonoréFabri et le P. Poisson. Toute cette théorie eucharistique était trop voisine de l’impanation luthérienne : iV171(7 deesset ad esse panîs, censurait fort bien le P. Fabri, manente scilicet eadem entilate corporea et manenlibus iisdem accidentibus, etiam more democrilo explicatis. Censura Honorait Fabri S. J.. ms. de Chartres, n. 366, fol. 26. Dénoncé par son collègue dom Thomas le Géant et un peu plus tard par l’archevêque de Paris, au R. P. président de la congrégation de Saint-Vanne, Desgabets, après s'être justifié auprès de l’archevêque de Paris et avoir composé un nouvel écrit : Explication familière de la théologie cucharistiqur, où il condamna ses idéeS ; se vit forcé de désavouer ses doctrines. D’après dom Calmet, les supérieurs lui imposèrent dans « une diette tenue à Saint-Vincent de Metz, le 15 décembre 1672, … de renoncer à ses sentiments particuliers sur le sujet de l’eucharistie, avec défense d’en écrire à qui que ce fût, ni de communiquer ses nouvelles opinions sur ce mystère, ni par paroles, ni par écrits. » Bibliothèque lorraine, Nancy, 1751, p. 397 sq. Pareille mésaventure était arrivée à deux autres défenseurs acharnés de la nouvelle philosophie eucharistique. L’un, dom Maur Fouquet, qui passait « pour fort habile cartésien » , avait composé une Animaduersion cartésienne contre une dissertation d’Adrien de la Rue, chanoine de Chartres, probablement la Disscrtatio quid de transsubstanticitione sentiant earthesiani (ms. 2001 de la biblothèque Mazarine, p. 575-855). Ses supérieurs, " ayant été avertis des impertinences qu’il avançait pour défendre la transsubstantiation suivant les principes de Descartes, lui ont imposé silence. » Lettre d’Adrien de la Rue à Picques, docteur de Sorbonne, du 13 janvier 1671. Levesque, op. cit.. Introduction, p. 6. L’autre, dom Le Gallois, professeur de philosophie de Saint-Vandrille, fanatisait ses jeunes élèves pour Descartes, au point de leur faire siffler, le jour de la fête du saint sacrement, les leçons du second nocturne que l’on chantait à matines et dans lesquelles saint Thomas expose la conception scolastique du mystère. On lira dans l’ouvrage de M. Lemaire, p. 387410, le mémoire aussi violent que solide que dom Joseph Mège présenta au chapitre général de l’ordre bénédictin contre Le Gallois, qui renonça définitivement à l’enseignement pour la prédication, après avoir dû supprimer l'écrit justement incriminé par dom Mège.

Il ne semble pas que le cartésianisme eucharistique des bénédictins français ait réussi à s’implanter parmi leurs confrères d’Allemagne. La célèbre université de Salzbourg resta longtemps un centre de propagande intense au service du plus pur péripatétisme. Cela ressort clairement de l’Historia almæ et archiepiscopalis universitalis Salisburgensis P. P. benedictinorum, commencée par le P. Willperts et publiée à Bonnsdorfï, en 1728, par son continuateur le P. Sedelmayr. Les bénédictins allemands restèrent en masse fidèles aux doctrines du thomisme. Les titres seuls des ouvrages dus à leur plume et nés cependant en pleine réaction cartésienne suffiraient à le prouver. Le P. Alphonse Wenzl publie en 1739, à Augsbourg, une Philosophia cmgelico-lhomistica sea questiones peripateticæ ad menlem D. Thomse Aquinalis doctoris angelici et accuratam scholse angelicse melhodum concinnatæ ; le P. Placide Rentz, profès du monastère