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FISHER


la pécheresse, enfin la suivante du Christ en Galilée. C'était contredire la tradition ecclésiastique, qui, depuis saint Grégoire le Grand, identifiait ces trois personnages évangéliques et ne reconnaissait qu’une Marie-Madeleine. La thèse de Lefèvre provoqua en ; France de vives discussions qui émurent l’autorité ecclésiastique. Juste à ce moment, l'évêquc de Paris, Etienne Poncher, remplissait en Angleterre une mission diplomatique. Il eut l’occasion de rencontrer j l'évêque de Rochester, auquel il confia ses per- [ plexilés sur ce sujet et dont il sollicita l’avis. Après avoir pris connaissance de l’ouvrage de Lefèvre et de celui de Clichtoue en faveur de l’unité du personnage, et, en faveur des trois Maries, de l’opuscule de Marc Grandval, moine de SaintVictor, Fisher publia, le 23 fé^Tier 1519, son traité De unica Magdalena. Il y réfutait la thèse de Lefèvre et défendait très vivement l’opinion traditionnelle.

Les humanistes français ne répondirent point directement à l'évêque de Rochester. Mais ils reproduisirent leurs arguments, Clichtoue, dans sa Disccplationis de Magdalena defensio, Lefèvre, dans une 3 édition de sa Disceplatio de Magdalena et, en août 1519, dans sa De tribus et unica Magdalena disceplatio sccunda. Fisher répondit séparément à ses adversaires. Contre Clichtoue il publia, avant le mois d’août : Eversio munitionis quam Jodocus Clichloveus erigere moliebatur adversus unicam Magdalenam. Contre Lefèvre il faisait paraître, le 3 septembre : Johannis Fisheri Rofjensis episcopi con/ulalio sccundæ disceplationis J. F. Slapulensis de Magdalena. Tous ces ouvrages furent imprimés à Paris. Érasme y déplorait les attaques violentes et les insinuations perfides. Mais il n’en attribuait pas moins la victoire à l'évêque de Rocliester. Pour une fois, la Sorbonne fut de son avis et, dans un jugement célèbre du 9 novembre 1521, elle donna raison à Fisher contre ses adversaires. Mais la plupart des humanistes, entre autres Pirckheimer, se déclarèrent en faveur de Lefèvre. Cf. J.-A. Clerval, De Judoci Clichtovei vita et operibust Paris, 1894, p. 26 sq.

Mais cette discussion, toute symptomatique qu’elle fût, portait sur une question d’importance secondaire. Au moment où elle se produisait, les idées de Luther commençaient à se répandre, même en Angleterre. Bientôt les autorités civiles et ecclésiastiques comprirent leur danger et cherchèrent les moyens d’en arrêter la diffusion. Le 8 mars 1521, l'évêque Warham écrivait au tout-puissant ministre Wolsey pour se plaindre de l’envahissement d’Oxford par l’hérésie luthérienne. Il l’engageait à demander à l'évêque de Rochester ou i celui de Londres, Tunstall, la liste des ouvrages qu’il fallait proscrire. Wolsey, qui briguait alors le cliapeau de cardinal, s’empressa de saisir cette idée. Il fut décidé que l’on brûlerait solennellement les livres condamnés de Luther et de Carlstadt. La cérémonie eut lieu le 12 mai, sur la place de Saint-Paul. Wolsey présidait. Une grande foule de peuple s'était rendue au spectacle. Fisher, chargé de prêcher, donna un véritable traité contre les erreurs de Luther. Dans les quatre parties de son discours il examine successivement les thèses sur les indulgences, les théories sur les sacrements, sur l’autorité de l'Église et enfin sur la primauté du souverain pontife.

Cette œuvre parut aussitôt sous le titre : The sermon made against ye pernicious doctryn of Martin Luther. Henri VIII en fut si satisfait qu’il chargea immédiatement son secrétaire pour les lettres latines, Richard Pace, d’en donner une traduction. Il l’intitula : Concio in Johannem, .v, 26, habila Londini, eo die quo Lutheri scripta fJammis commissa sunt, Cambridge, 1521. Plus tard, lorsque Fisher se fut attiré

l’animadversion du roi, celui-ci donna l’ordre d’en rechercher tous les exemplaires et de les envoyer au premier ministre Thomas Cromwell. Celui-ci était chargé de les détruire. Aussi les exemplaires en sont-ils d’une grande rareté.

Henri VIII n’en était pas encore là en 1521. Malgré les tentatives de conciliation venues d'Érasme, il se déclarait de plus en plus ouvertement, sous l’influence de Wolsey, contre les réformateurs. Celui-ci lui avait mis entre les mains le De caplivitate babylonica de Luther et lui avait suggéré l’idée de le réfuter. Dans son discours, Fisher avait annoncé ce travail et remercié d’avance le roi de mériter ainsi le titre de défenseur de la foi. L’ouvrage de Henri : Assertio septem sacramentorum contra Martinum Luthcvum, parut à Londres en juillet 1521. Mais Luther lui-même a posé la question de savoir si V Assertio est véritablement l'œuvre du roi. La plupart des historiens allemands, Kolde, Walther, Kôstlin-Kawerau, ont accueilli le doute du réformateur. C’est Fisher qui serait, pour la plus grande part, l’auteur de V Assertio. Les historiens anglais, Froude, Gairdner, Pollard, Bridgett, soutiennent en général la thèse contraire. Voici la conclusion à laquelle aboutit le dernier auteur qui se soit occupé de la question : « Ni la science, ni la latinité de cet écrit n’exigent la supposition d’une habileté peu commune. Néanmoins je crois que l’aide reçue par Henri dépassa la mesure de son propre travail. » Prcserved Smith, English hislorical review, 1910, p. 659.

Quoi qu’il en soit, cette collaboration, si vraisemblable soit-elle, ne peut être affirmée que par voie de conjecture. Mais les sentiments de l'évêque de Rochester à l'égard de Luther n’en sont pas moins clairs. Pendant que le roi d’Angleterre s’attaquait au De caplivitate babylonica, Fisher composait une réponse au pamphlet que le réformateur avait publié contre la bulle de Léon X qui le condamnait, sous le titre : Assertio omnium articulorum per novissimam biiltam Leonis X dumnalorum (1520). Il y suivait la méthode qu’il a employée désormais dans ses ouvrages de controverse. Il prenait, l’un après l’autre, les trente-six articles du livre de Luther, reproduisait textuellement ses paroles, et leur opposait la doctrine catholique. Les deux articles sur lesquels il insiste davantage sont celui du libre arbitre et celui de la primauté du pape. Il prépare ainsi, au moins en ce qui concerne le premier point, la polémique d'Érasme contre le réformateur. Cf. K. Zickendraht, Der Streit des Erasmus und Luther iiber die Willensfreiheit, Leipzig, 1909, p. 183. L’ouvrage fut imprimé à Paris par Rembolt et il parut chez Claude Chevallon, le 22 août 1523, sous le titre : Assertionis lutherane conjulatio.

Cependant Luther n’avait pas voulu laisser sans réplique l’ouvrage de Henri VIII. En juillet 1522, il avait publié, en allemand et en latin, une violente réponse à son royal adversaire. Celui-ci mit en œuvre toute sa diplomatie pour atteindre le réformateur. Sans succès d’ailleurs. Fisher se chargea du côté littéraire de la querelle. Tout en composant son Assertionis lutherane confutatio, il rédigeait un ouvrage parallèle, mais exclusivement consacre à la polémique du roi. Son véritable titre, défiguré par tous les auteurs qui en ont parlé, est : Assertionum régis Angliæ de fide catholica adversus Lutheri babylonicam captivitatem defensio. L’ouvi-age fut publié à Cologne, par les soins du dominicain Jean Host, de Romberg, et sous les auspices du célèbre professeur de l’université de Cologne, Arnold de Tongres. Cf. N. Paulus, Die devtschen Dominikaner im Kampfe gegen Luther, Fribourg-en-Brisgau, 1903, p. 134 sq. Mais il ne parut qu’en 1525. Fisher donne lui-même, dans la préface.